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ÉPHÉSIENS (EPITRE AUX ;


apprendre, eux aussi (-/al jjj.îT ;), vi, 21, ce qui concerne Paul, ce qu’il fait. L’apôtre a les deux Églises présentes en même temps à l’esprit, et par suite il s’exprime d’une manière incorrecte au point de vue littéraire, comme si les lecteurs de la seconde lettre connaissaient ce qu’il a écrit dans la première. Ils ne peuvent être que les chrétiens de Laodicée, auxquels il pensait en écrivant aux Colossiens.

Les faits sur lesquels s’appuie le raisonnement de M. Harnack sont vrais, sans que néanmoins la conclusion qu’il en tire s’impose. Puisque l’apôtre avait pour les Laodicéens la même sollicitude que pour les Colossiens, on ne s’explique pas que, tandis que la première contenait des enseignement s spéciaux, répondant aux besoins religieux de l’Église de Colosses, la seconde développe, comme nous le montrerons plus loin, un thème généra ! et a une allure qui exige un cercle de lecteurs plus étendu que celui d’une Église particulière, alors que les mêmes erreurs devaient travailler Laodicée aussi bien que Colosses. On s’étonne de l’absence de la salutation d’Épaphras, qui s’était donné tant de peine pour les chrétiens de Laodicée, Col., iv, 13, et qui était alors auprès de l’apôtre, et de celle de Paul lui-même qui cependant salueles Laodicéens par l’intermédiaire des Colossiens, iv, 15. La lettre, écrite aux (>olossiens, sera bien envoyée à Laodicée, mais celle qui viendra (/c cette ville n’était pas nécessairement adressée aux Laodicéens. La préposition èx n’est pas simplement une petite incorrection de style, sur laquelle on ne pourr.iit appuyer une conclusion historique, et la lettre portée de Laodicée à Colosses est plutôt une circulaire générale qu’une Épître spécialement destinée aux Laodicéens. Tychique, son porteur, ne l’aurait pas laissée à Colosses, et elle y serait revenue de Laodicée par échange de correspondance, parce que l’Église de Laodicée, la plus rapprochée de Colosses, avait besoin d’enseignements plus particuliers que ceux que contenait la circulaire. L’allusion à la lettre aux Colossiens, précédemment écrite par l’apôtre, s’explique aussi bien dans le cas d’une circulaire que dans celui d’une lettre spéciale aux Laodicéens, et si les lecteurs, à qui J’apôtre pensait, ignoraient l’existence de l’Épître aux Colossiens, Tychique, le porteur des deux, pouvait la leur apprendre et leur donner l’explication de /.al ijtj.s ;  :.

Dans la conviction qu’il a acquise que la lettre dite aux Éphésiens était adressée aux seuls Laodicéens et que l’adresse contenait primitivement le nom de leur Église, M. Harnack est amené à se demander quand et pourquoi les mots Èv.Vaoîixi’x ont été tlTacés et remplacés par âv’Esiito. Puisque les écri vains ecclésiastiques de la fin du iie siècle n’ont pas connu la leçon év.ao51-/.ta, sa suppression doit être bien antérieure et remonter : l’époque qui a suivi de près la formation du recueil des Épîtres de saint Paul. Mlle a dû se produire aussi au lieu où ce recueil I été constitué et d’où il s’est répandu dans les autres Églises. Que saint Ignace ait connu ou pas l’existence d’une Épître aux Éphésiens, peu importe, car la suppression des mots iv.V-/oîi/.i^ et le titre itpô ; ’ICçeiio’j ; n’ont pas pu être faits après les dix premières innées du iie siècle, quoique Marcion ait eu encore -pus les yeux un exemplaire du texte non corrige. La suppression de la leçon originale n’a guère pu être iccidenlellc, et le titre Ttpo ; ’E ?£t ; oj ; est plutôt dû I l ; i lecture des mots iv’Eçi-j’i), dans l’adresse qu’à une pure conjecture. Cette suppression a été volontaire et intentionnelle. Les anciens raturaient sur les manuscrits ou sur les inscriptions les mots qu’ils ne voulaient pas conserver. C’est une rature de ce genre, faite aux environs de l’an 100, qui explique la dispiirition des mots è-/.aoôiy.i/ dans l’adresse d’une Épîlre de saint Paul. La cause qui a motivé celle

suppression, c’est la condamnation portée par l’Apocalypse, III, 14-16, vers l’an 94, contre l’Église de Laodicée. Aucune Église chrétienne n’a été décrite dans le Xouvcau Testament sous d’aussi tristes couleurs et n’a mérité un châtiment aussi grave, celui d’une condamnation absolue et entière. Son nom, par suite, devait disparaître de l’en-tête d’une Épître de saint Paul, et il disparut, parce que l’Église elle-même était condamnée à la disparition. Il y eut d’abord une lacune dans le texte, et on a commencé dès lors à considérer la lettre comme une circulaire : maison l’a comblée pnrles mots âv’Eçsijti), vraisemblablement parce qu’lqihèse était la ville principale de la contrée où se constitua le recueil des lettres de saint Paul.

Cette explication de la suppression des mots £v Aaooty. ;  : i ; n’est pas convaincante. Il est fort contestable que l’état de l’Église de Laodicée ait été le plus lamentable de toutes les communautés d’Asie. Le Christ ne lui reproche que sa tiédeur et ses illusions de se croire riche, alors qu’elle est réellement misérable, aveugle et nue. Apoc, iii, 15-17. L’état de l’Église de Sardes, qui est morte, alors qu’elle se croit vivante, iii, 1, 2, n’est pas meilleur. D’ailleurs, la condamnation n’est pas, comme on le jirétend, entière et absolue. La réprobation définitive n’est qu’une menace dont l’exécution serait prochaine, s’il n’y avait pas repentir et amendement, iii, 16. Les conseils opportuns, donnés, 18-20, se terminent par l’exhortation à la iiénitence et au zèle, elle châtiment imminent est une marque d’amour. Nous ignorons en quoi ce châtiment a consisté, toutefois, il n’a pas entraîné la ruine de l’Église de Laodicée, dont l’existence est attestée au cours du iie siècle. Il n’y a donc pas eu de raison de rayer son nom, s’il y avait été contenu, de l’adresse de l’Épître que saint Paul lui aurait envoyée, et tout le bel échafaudage d’hypothèses de M. Harnack s’écroule. Si la lettre était originairement une encyclique, la lacune de l’adresse, sans nom d’Église destinataire, était primitive, comme nous allons l’expliquer, et les mots àv’Kçsîra), introduits dans la copie conservée dans la ville de ce nom, ont fourni l’occasion du titre Ttpo ; ’Lseo-io-viç dans le recueil des Épîtres de saint Paul.

2° Les dvsiinalaires apparliennent ils à un cercle plus étendu que celui des chrétiens d’Èphése’l — On a fait valoir en faveur de ce sentiment l’absence des mots : Èv’l’JfÉcff.) dans un certain nombre de documents et les caractères intrinsèques de rÉ])îtrc. — 1. Absence de la menlion des Éphésiens dans t’adresse, I, 1. — Les mots : èv’Eçé^tm n’existaient pas dans l’adresse, telle que la lisaient Marcion et TerluUien. lîn effet, comme ce dernier argumente contre l’atlribulion de la lettre aux Laodicéens, du titre véritable reçu dans l’Église, et non pas de l’adresse qui sert de début ù la lettre elle-même, c’est que ni lui, ni Marcion qu’il réfute, ne lisaient dans cette adresse le nom de la ville d’Éphèse. Si ce nom y avait été inséré, Marcion n’aurait pu changer le titre sanf* l’avoir supprimé dans l’adresse, pour faire disparaître la contradiction avec le litre Ttpo ;.aoôixEî ;. Or TertuUicn, qui a relevé avec tant de soin les altérations que Marcion avait faites au texte à coups de canif ou d’autre manière, ne lui a pas reproché celle mutilation, mais seulement la falsification du litre. Ni l’un ni l’autre ne lisaient donc ces mots dans le texte même de la lettre. Dans un fragment du commentaire perdu d’Origène sur cette Épître, public par Cramer, Catenn l’alnim, Oxford, 1814, I. vi, p. 102. on voit que la leçon commentée ne contenait que ces seuls mots : toï ; ivioi ; toï ; o^joiv, puisquc le commentaire prend o’jijcv comme un terme indépendant, sans complément de lieu, et lui donne le sens de’VvT£ ;, des