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ÉPHESIENS (ÉPITRE AUX)

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quasi et in ipso diligentissimus exploralor. Le litre reçu dans l’Église était donc différent de celui que Marcion avait interpole, en s’appuyant non pas sur une Iradi tion antérieure dont il n’y a pas de trace, mais sur des recherches personnelles et des arguments, que Tertullien ne rapporte pas, se contentant d’en indiquer la nature. Zahn pense que Marcion a modifié le titre préexistant de cette Épître d’après Col., iv, 16, interprété dans le sens d’une lettre écrite par saint Paul aux Laodicéens. Gcschichic des Neutestamentlichen Kannns, Erlangen et Leipzig, 1889, t. i, p. G24. Hort croit que Marcion a eu à sa disposition l’exemplaire de la lettre circulaire, dite aux Éphésiens, servant à l’Église de Laodicée. The New Testament in Ihe original Greek, Cambridge et Londres, 1882, Appendix, p. 121-M. Harnack vient de reprendre et de fortifier par de nouveaux arguments le sentiment de quelques critiques, suivant lesquels le titre upo ; Aao5t/.£a ; était primitif, serait venu à Marcion de la tradition, bien qu’il ait été déjà changé en celui de-po ; ’Ejetco-j ;. D/e Adresse des Epheserbriefs des Paiihis, dans Sitzungsberichle der kunigl. preussischen Akademie der Wissenschaflen, Philos.-hist. Classe, 1910, p. 696-709.

Tertullien, en désignant Marcion comme un diligentissimiis exploralor, ne le présente pas comme un critique corrigeant le texte pour des raisons historiques et littéraires, mais comme un hérétique le modifiant en vue de le faire cadrer avec ses doctrines, et au sujet du titre il ne lui reproche que de s’écarter de la tradition ecclésiastique, la seule que Tertullien connaisse, faisant adresser cette Épître aux Éphésiens. En réalité, Marcion n’avait pas de motifs dogmatiques d’attribuer cette lettre aux Laodicéens, et s’il le fait, c’est cju’il a appris cette attribution de la tradition antérieure de l’Église que Tertullien ne connaissait plus. Il est en cela même, et in islo (la phrase est ironique), un critique de tendance. Il est vraisemblable, en effet, que les titres des Épîtres de saint Paul existaient antérieurement à Marcion, qui a adopté exactement ceux des Épîtres qu’il admettait, sauf à corriger celui de l’Épître aux Éphésiens. Du titre r.ohç AoLoôi/Ja ; qu’accepte Marcion, il n’est pas prouvé ipso facto, comme le prétend M. Harnack, que ce titre était traditionnel, puisque le témoignage de saint Ignace d’Antioche prouve qu’antérieurement à Marcion on connaissait déjà la lettre de saint Paul adressée aux Éphésiens, et non aux Laodicéens. Il faudrait démontrer que l’hérétique Marcion a été, au milieu du W siècle, le seul dépositaire de la tradition primitive, que l’attribution de cette lettre aux Éphésiens n’en serait qu’une déformation et une correction. M. Harnack essaie cette démonstration. Avant tout examen des preuves apportées, il reste que, s’il y a eu déformation de la tradition primitive au ii<’siècle, c’est à Marcion et non à la tradition ecclésiastique unanime de son temps, que Tertullien la rapporte.

M. Harnack pense que l’attribution de cette lettre aux Laodicéens n’était pas seulement affirmée par le titre primitif, mais encore par le texte même de l’Épître. Si les mots âv’K^étw n’étaient pas originaux dans l’adresse, Eph., i, 1, comme les critiques actuels le reconnaissent sans conteste pour des raisons que nous rapporterons plus loin, il est vraisemblable que cette adresse contenait le nom des destinataires et qu’on lisait dans le texte original ÈvvaoSixi’ï. On pens3 généralement que Tertullien n’oppose à l’interpolation de Marcion que la véritable tradition ecclésiastique du titre ad Ephesios. Mais le mot litulus a, dans la langue de l’Africain, différentes significations. S’il a parfois celle de titre d’un livre, par exemple, Aduersus Marcionem, 1. IV, c. ii, ui ; De piidicitia, c. xx, P. L., t. ii, col. 363, 365, 1021, il désigne aussi une sentence, par exemple, Beati csurientes, etc. Luc, vi, 21. Adversus

Mareionein, 1. IV, c. xiv, col. 389. La formule : tituliini inlerpolavil peut donc s’entendre de l’adresse plutôt même que du titre, car Tertullien aurait dit, en parlant du titre : tiluhim mutavil. L’écrivain africain visait donc l’adresse et il accusait Marcion, non pas de l’avoir supprimée ou falsifiée, mais seulement d’y avoir changé le nom de l’Église à qui la lettre était adressée. Cette explication est d’autant plus vraisemblable, dit-on, qu’il nomme litulus l’adresse de l’Épître aux Galates, où, après le salut ordinaire à toutes ses lettres, l’apôtre souhaite à ses lecteurs la grâce et la paix, 1-3. Tertullien ajoute que le titre, c’est-à-dire l’adresse, est commun et identique en toutes les Épîtres de saint Paul. Adversus Marcionem, 1. V, c. v, col. 480. Cependant, dans le passage où il reproche à Marcion d’avoir interpolé le titre de l’Épître aux Éphésiens, il ajoute, pour couper court à la discussion sur ce sujet : Niliil autem de liiulis interest, cum ad omnes apostolus scripserit dum ad quosdam. Ce qui l’intéresse, en effet, c’est la réfutation de l’opinion marcionite, qui distinguait le Dieu de l’Ancien Testament du Dieu du Nouveau. Il discutait les arguments que Marcion tirait de saint Paul depuis le c. i du 1. V, col. 468, et il avait interrompu incidemment sa discussion pour énoncer la différence des titres de l’Épître aux Éphésiens. Il revient brusquement à son sujet principal, en disant que peu importe, dans cette controverse, les titres ad Ephesios ou ad Laodicenos. L’important est ce qu’écrit l’apôtre, quels que soient les destinataires de ses lettres, puisqu’il écrit pour tous ce qu’il envoie à quelques-uns. Or, l’apôtre affirme certainement que Dieu est le Dieu du Christ. Dans ce contexte, le titre interpolé ne peut être l’adresse identique, Eph., I, 1, 2, où saint Paul souhaite aussi la grâce et la paix de la part de Dieu, notre Père, et de la part du Seigneur Jésus-Christ. Si litulus désignait, en ce cas, cette sentence faisant partie de l’adresse, elle n’était pas indifférente à la discussion ; elle importait, au contraire, à la réfutation de Marcion. Enfin, interpolare, sous la plume de Tertullien, signifie changer, puisqu’il dit un peu plus loin, c. xxi, col. 524, que Marcion a été amené à etiam namerum Epislolarum inlerpolare. J’en conclus que Tertullien reprochait seulement à son adversaire d’avoir interpolé le titre en remplaçant ad Ephesios par ad Laodicenos, et non pas l’adresse. Il n’est donc pas prouvé que le texte primitif de cette adresse contenait les mots èv AaoStx-ï, comme le prétend M. Harnack.

Ce critique avait au préalable fait ressortir les rapports étroits de l’Église de Laodicée avec celle de Colosses. Laodicée est nommée quatre fois dans l’Épître aux Colossîens, ii, 1 ; iv, 13, 15, 16. L’apôtre a la même sollicitude pour les Laodicéens que pour les Colossîens. Épaphras s’est donné beaucoup de peine pour les uns et pour les autres. Saint Paul salue les frères de Laodicée et nommément Nympha avec son église domestique. Il recommande d’envoyer à Laodicée, pour qu’elle y soit lue, la lettre destinée aux Colossîens, qui, de leur côté, liront la lettre qui leur viendra de Laodicée. Les deux Églises voisines sont donc également dans les pensées de l’apôtre, qui a pour elles deux les mêmes soucis. Puisque donc il écrit aux Colossîens, il serait surprenant qu’il n’écrive pas en même temps aux Laodicéens. Or, parmi ses Épîtres, celle qui est dite aux Éphésiens ressemble étonnamment à la lettre aux Colossiens et elle lui est contemporaine. Il est par suite très vraisemblable qu’elle ait été adressée aux Laodicéens. Elles ont toutes deux le même porteur, qui a la même mission à remplir dans les deux cas, Eph., vi, 21, 22 ; Col., iv, 7-9, et cette mission est exprimée presque dans les mêmes termes. Il y a, en outre, dans l’Épître aux Éphésiens une allusion à une autre lettre précédenlc. Ses lecteurs doivent