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ÉPHESIENS (EPITRE AUX


ter non plus comme caractéristiques les substantifs ou les verbes de cette Épître, quand saint Paul s’est servi de termes dérives de la même racine. Ainsi à'^voia » Eph., IV, 18, a de l’analogie avec « yvoiirta, I Cor., xv, 34, et le verbe àyvoisïv est employé au moins 13 fois par saint Paul ; de même irpoir/apTEpriCTiç est à rapprocher de Ttpo(7/.apTcpêïv, Rom., xii, 12 ; xiii, 6 ; Col., iv, 2 ; avoiÇt ; de àvoiYî'"') Col., IV, 3 ; IICor., vi, 11 ; çpôvïidt ; de çp($vï)(j, a, Rom., viii, 6^ 7, 27, et de : f poveïv, fréquemment usité ; 7£ipoiîoir, To ; de à/sipOTtot’riTo ;, II Cor., v, 1 ; Col., II, 11 ; y.aTapTiTjxô ; de /.atâpTKji ;, II Cor., XIII, 9, et de xarapTcÇsiv, souvent employé dans le même sens ; aliypoT/i ; de aî(T/po), oy : a, Col., iii, 8, et de a'<Typô ;, I Cor., xi, 6 ; Tit., i, 11 ; àvaveoûaSat de vÉov àvaxacvo’Jfvcvov, Col., iii, 10 ;  : i : oi[ji£ve ; de TioiV^I et de 7ïo'.|j.aJvîiv, I Cor., ix, 7 ; 7 : o), tT£ca et (tusattoXi’tyi ; de Tto/tç, désignant une communauté chrétienne. Gal., IV, 25, 26, et de 7 : o)itî-ju.aet Tro/iTeûeuBai. Phil., i, 27 ; iii, 20. Cf. Zahn, Einleilung in das Neiie Testament, 2e édit., Leipzig, 1900, t. i, p. 366-368. La liste des 75 anui, Xeyo(iéva de l'Épître aux Éphésiens est ainsi réduite à 22. Or, les Épîtres de saint Paul les plus authentiques en comptent un certain nombre : ainsi Rom., 89, I Cor., 98, II Cor., 91, Gal., 31, Phil., 38, quoique ces chiffres aient probablement besoin d'être rectifiés. Loin donc d'être un indice d’inauthenticité, les mots nouveaux de l'Épître aux Éphésiens, fussentils plus nombreux encore, sont plutôt une marque d’authenticité, puisqu’on en constate dans une proportion plus grande sous la plume de saint Paul. Les mots de prédilection de l’auteur se retrouvent en partie dans saint Paul ; nous avons déjà cité îiàoo), o :  ; Sénato ; se lit encore Philem., 1, 9 ; II Tim., i, 8, dans des lettres écrites durant la captivité de Paul ; ÊTtoupâv.o ; est, au moins comme adjectif, I Cor., xv, 40, 48, 49 ; Phil., II, 10 ; m Tim., iv, 18. Lestiaisons de mots, inusitées en saint Paul, sont pour la plupart des expressions originales, qui viennent plutôt de saint Paul, puisqu’il y en a d’analogues dans ses É|)îtres certaines, que d’un imitateur. Les particularités Icxicographiques de rÉ]iître aux Éphésiens ne suffisent donc pas à en faire rejeter l’origine paulinienne. Cf. Rrunet, Dr l’diithenlicite de l'Épitrc aux Éphésiens, preuves philolor/iqucs, Lyon, 1897, p. 21-75.

h. Style. — On lui reproche sa verbosité, sa lourdeur, son enchevêtrement. La phrase de l'Épître est trop condensée et pleine d’idées plutôt que chargée de mots itmtiles. Il y a donc abondance de choses plutôt qu’accumulation de mots. Les épilhètes nombreuses, les synonymes et les compléments multipliés se rencontrent ici plus que dans les lettres incontestées, où elles ne font cependant pas défaut ; c’est une question de degré. Des phrases longues et démesurées avec anacolutlie se remarquent, ailleurs connue ici, dans des souhaits, Hom., i, 1-8 ; Gal., i, l-O, dans des actions de grâces, I < ; or., i, 4-9 ; Phil., i. 38, surtout dans des exposés doctrinaux, Rom., ii, 13-10 ; iv, 10-22 ; v, 12-21 ; Gal., ii, 1-11 ; Phil., i, 20-30. L’absence de particules lr)giques n’est pas aussi complète qu’on le prétend, puisqu’on trouve o’jv 4 fois, Siri 5 fois, -ïpa o’jv 1 fois, v-ip Il fois et oti 13 fois. Les jjroportions sont à peu prés les mêmes que dans rÉpitre aux (ialates. Si le style de saint Paul est vif et éncrgicpie, quand l’apôtre argumente, fquand il attaque, quand il se défend, cpiand il est énui, ilestordinairementembarrassé et traînant dans les exposés dogmatiques. Or, l'Épître aux Éphésiens est tout entière un exposé de ce genre. Le ton lyrique des trois premiers chapitres, formés de bénédictions, d’actions de grâce et île prières, convient au sujet, et le talent de saint Paul était assez souple pour adapter sa riianière d'écrire à ce genre do composition. Il ne se concilie guère avec le caractère flegmatique que von.Soden reconnaît à l’auteur de cette

lettre et qu’il oppose au caractère colérique de saint Paul. En définitive, toutes les remarques sur le vocabulaire, la grammaire et le style de l'Épître aux Éphésiens font ressortir des particularités indéniables, des singularités qui se retrouvent partiellement dans les lettres authentiques de saint Paul et qui sont ici plus nombreuses seulement. Elles ne suffisent pas à contrebalancer le témoignage unanime de la tradition, rapportant cette lettre à l’apôtre ; on y reconnaît plutôt la grifl’e de l’auteur. Un faussaire, un heureux et habile imitateur, s’il avait pu écrire cette lettre avec des bribes de l'Épître aux Colossiens, n’aurait guère pu la faire recevoir dans les Églises d’Asie comme l'œuvre de saint Paul. Donc, malgré les différences de style, la lettre aux Éphésiens est certainement de l’apôtre ; les preuves d’authenticité l’emportent sur les objections et elles sont décisives.

II. Destixat.^ires. — Si l’on s’en tenait au titre : itpô ; 'EçErrt’ou ;, qui remonte certainement au moins àla seconde moitié du ii'e siècle, puisqu’il est supposé parle canon de Muratori et par saint Irénée et qu’il est expressément mentionné par Tertullien et Clément d’Alexandrie, voir plus haut, si même il n’est pas antérieur à Marcion, si l’on s’en tenait aussi aux mots : £v Eçé(T(i) du l^' verset, qu’on lit dans tous les manuscrits grecs (sauf quatre), dans toutes les anciennes versions et dans le plus grand nombre des Pères, la question des destinataires de cette Épître ne se poserait pas, et il serait admis sans difficulté que saint Paul a adressé cette lettre aux chrétiens d'Éphèse. Mais Marcion donnait à cette Épître le titre de lettre aux Laodicéens, plusieurs documents anciens attestent l’absence des mots : iv 'Eçé<i( ; > dans le 1<" verset et divers indices du contenu laissent supposer que l’apôtre ne connaissait pas ses correspondants et que, par suite, ils n'étaient pas les Éphésiens que saint Paul avait évangélisés à deux reprises, et la seconde fois pendant trois années consécutives. Act., xviii, 19-21 ; XIX, 1-x.x, 1 ; cf. xx, 31. Par suite, les critiques ont été amenés à se demander si cette lettre n’avait pas été adressée par l’apôtre aux Laodicéens plutôt qu’aux Éphésiens, ou bien, comme circulaire, à un certain nombre d'Églises, dont Éphèse aurait été peut-être le centre.

1° Les destinataires sont-ils les Laodicéens ? — Il est certain que Marcion, dans son '.Vuoo-To/ty.ov, faisait adresser cette lettre aux Laodicéens. Tertullien dit que des hérétiques intitulent ad Laodiccnos la lettre que les catholiques tiennent pour écrite ad Ephesios. Adnersus Mareionem, I. V, c. xi, P. L., t. ii, col. 500. l’n peu plus loin, c. XVII, col. 512, il nomme Marcion, vraisemblablement le seul hérétique qu’il vise et il l’accuse d’avoir interjjolé le litre de la lettre que l'Église admet avec vérité avoir été adressée ad Hphesios, non ad Laodiccnos. Bien que saint Épiphane affirme trois fois que l'Épître aux Éphésiens était dans l".V7r&<T-o).i/.6v de Marcion en même temps que la lettre npo ;.ao51y.£Ï ; ou npo ;.ao61/£a ;, Ilœr., hær. xi-ii, n. 9, 12, /'. G., t. xli, col. 708, 725, 813, cependant il cite deux fois I-^ph., iv, 5, comme appartenant à l'Épître aux Laodicéens de Marcion. //Hd., col. 721, 813. L’attribution de l'Épître aux Éphésiens, faite par Marcion aux Laodicéens, est confirmée par un prologue, d’origine marcionile, composé primitivement pour l'Épître ad Loodircnses, mais modifié par un catholique en argument de l'Épître aux Éphésiens. Dom de Rruyne, Prologues bibliques d’orif/ine marcionile, dans la Krinie bénédictine, 1907, p. 4-0, H, 15.

Tertullien, le princiiial et le plus ancien témoin de la destination de cette Fpitre aux Laodicéens, oppose à Marcion le véritable titre ad Ephesios, adopté par l'Église ; il l’accuse d’interpolation et il déclare qu’il a fait cette interpolation pour des raisons critiques.