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ENFER (SYNTHÈSE DE L’ENSEIGNEMENT THÉOLOGIQUE)


inPinie, en tant qu’elle est la privation d’un Bien infini, imposée en jjunition du péché lui aussi de quelque manière infini, la peine du sens est essentiellement Unie comme le reatiis convcrsionis.

En tous cas, l’ensemble de ces peines de l’enfer constitue un état de douleur si épouvantable que la pensée en est écrasée et que le cœur en défaille.

VIII. Cause efficiente de i.’ENFEn. - — La cause efficiente, au sens large, qui a produit l’état de choses qui exige l’enfer, c’est le pécheur par son péché et lui seul. Cf. S. Thomas, Siim. iheol., 1= 11^, q. Lxxxvii, a. 1, ad 2°"".

La vraie cause cfflciente directe de la peine est diverse suivant les peines. De la peine concomitante, dépravation de la volonté, désordre des facultés, remords, etc., la cause efficiente est encore le pécheur lui-même par son péciic et la conscience de son péché ; Dieu n’en est que la cause efficiente indirecte, comme auteur de la nature avec ses lois essentielles.

Mais l’enfer consiste proprement dans les peines du dam et du sens. Dieu en est la cause eflicicnte en tant qu’il les inflige aux pécheurs ; il inflige la peine du dam par mode de privation et celles du sens par action positive, non toutefois immédiatement, mais médiatement par l’intermédiaire de créatures, ses instruments. Sur la nature et l’efficacité de cette action, voir Feu de l’enfeu.

Les démons et les damnés sont encore entre eux des causes instrumentales au sens large pour le supplice que leur procure leur société. Les Pères ajoutaient, en outre, unanimement, que les démons exercent en enfer un véritable empire de bourreaux sur les damnés ; et cette afnrmation répondait à leur conception du péché esclavage du démon. Cf. J. Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, p. 375 sq. Après la critique et la destruction de la théorie des droits du démon sur les hommes par saint Anselme et par Abélard, on ne cessa pas pourtant d’admettre une véritable sujétion de l’homme damné au démon, sujétion existant par la permission de Dieu et pareille à celle qui met le criminel au pouvoir du bourreau. Cf. S. Anselme, Homit-, v, in Matth., xviii, P. L., t. r.Lviii, col. G20 ; S. Thomas, Sum. theol., IIl » , q. XLViii, a. 4, ad 2’"". Cependant le Maître des Sentences, 1. IV, dist. XLVII, n. 5, P. L., t. cxcii, col. 955, rapporte une opinion qui refusait au démon, non seulement tout droit, mais tout pouvoir sur l’homme, au moins après le jugement. Saint Thomas la rappelle aussi avec l’opinion contraire du pouvoir diabolique éternel sur les damnés. Su/ ??. //îco/., III » -’Suppl., q. i.xx.xix, a. 4 ; et il déclare qu’il est impossible de se prononcer avec certitude en faveur de l’une ou de l’autre. Vcrius tamen existimo quod siciil ordo’servabititr in salvatis… eo quod omnes cœlestis hierarcina ; ordines perpeiui erunt, ila serimbitiir ordo in pœnis, ut homincs per dœmoncs puniantur, ne totalitcr divinus ordo quo angelos medios inter naturam bumanam et divinam conslitnit, annulletur ; nec ob hoc minuitur aliquid de dœmonum pœna, quia in hoc etiam quod alios torquenl ipsi torquehuntur ; ibidem enim miserorum societas miseriam non minuel sed augebit.

IX. Cause finale de l’enfer. — Nous voici au cœur de la tliéologic de l’enfer, c’est-à-dire de la science de l’enfer au point de vue de Dieu. Si Dieu n’est pas mû par un bien quelconque h vouloir ce qu’il veut, il ordonne cependant toutes ses œuvres à une fin dernière. A quelle fin, d’abord, a-t-il ordonné l’enfer ? Et puis, dernier pourquoi des œuvres divines, quelle a été la raison formelle pour laquelle il a voulu l’enfer ?

La fin de l’enfer.

1. Ordre de la justice ou de la

nature essentiefle des choses voulues par la bonté

créatrice. Chaque chose, d’après sa nature, a une fin directe et immédiate répondant totalement à cette nature. L’enfer est un châtiment ; sa fin immédiate est donc de réparer l’ordre moral détruit par le péciié. La peine du ilam répare le rcutus uoersionis du péché ; les peines du sens, le realus convcrsionis, et les diverses peines ou degrés de peines du sens, les diverses espèces des convcrsiones indebilæ ad crcaturam. Dieu est donc juste en créant l’enfer pour les pécheurs car, comme nous l’avons vii, le péché exige l’enfer par mérite de sanction, en droit, dès qu’il est commis, en fait, après la mort lorsque ce droit ne peut plus êlre périmé par la conversion.

La sainteté de Dieu resplendit non moins en enfer, tiir la sainteté, c’est l’ordre moral mainl : ’nu parfait, ou la nécessité pour tout être lilire de ne glorifier que le Bien. Par l’enfer, Dieu ne permet pas que le pécheur se glorifie et jouisse de son désordre, du mal ; ainsi est maintenu inviolable le principe que seul le Bien est béatifiant, est bon.

Cet ordre de la justice est un ordre absolument essentiel et c’est une exagération de dire que l’enfer est exclusivement une œuvre d’amour, de l’amour qui voulait forcer les liommes au salut par la crainte. Si Dieu permettait le péché irréparable dans l’éternité, il devait vouloir l’enfer. Cela rentre dans la nature métaphysique des choses actuelles. Pourquoi Dieu a-t-il voulu l’ordre actuel avec le péché et l’enfer, c’est une question que nous résoudrons un peu iilus loin. La justice de Dieu en enfer n’est pourtant pas une vengeance personnelle au sens strict, cette vengeance que défend l’Évangile. Dieu pardonne toujours de ce pardon qui continue à vouloir du bien, mais il ne donne que le bien possible ; les damnés ne veulent plus k jamais et ne peuvent ainsi jamais plus recevoir la grâce ; Dieu ne peut la leur donner et ainsi il ne peut leur pardonner de pardon justifiant. Cf. S. Grégoire, Dial., I. IV, c. xliv. P. L., t. Lxxvii, col. 401.

Il est encore de l’ordre essentiel des choses que toute créature soit une manifestation de Dieu, une participation ad extra de quelque perfection divine qu’elle manifeste ainsi ou fait connaître et aimer par les intelligences créées, procurant de la sorte la gloire de Dieu. L’enfer procure, lui aussi, cette gloire de Dieu, car il manifeste d’une manière spéciale tous les attributs divhis : justice, sainteté, bonté, sagesse, libre indépendance, etc.

2. Ordre de l’amour ou de la surabondance de la bonté créatrice. Dieu aurait pu ne vouloir l’enfer que comme châtiment et le vouloir pour tout péclié mortel, commis par les hommes, sans s’y opposer par aucun moj-en extraordinaire. En fait, Dieu a voulu déverser sur l’humanité une surabondance d’amour, tellement incompréhensible qu’il a fallu parler des folies de l’amour divin. Dans notre création, Dieu est amour ; le crucifix, l’eucharistie, le Sacré-Cœur : voili’i ce qu’il faut considérer pour comprendre l’enfer, car, malgré cet amour. Dieu a voulu l’enfer. Par suite, il est souverainement probable, comme le pensent plusieurs théologiens, que Dieu ne précipite pas le pécheur en enfer pour un péclié mortel isolé, surtout pour un péché de fragilité, mais qu’il n’y envoie que des pécheurs invétérés. En outre, on peut assurer qu’il distribue à tous les hommes des secours extraordinaires pour les aider à éviter le péché mortel sans que nous puissions expliquer quels sont ces secours. Il est donc vrai de dire que l’enfer n’est que la punition d’un mépris obstiné de l’amour divin. Cf. I.acordaire, Conférences de Notre-Dame, 1851, Lxxii’-' conf.. De la sanction du gouvernement divi-n. Par àmowr, Dieu patien.ea’ecepéc&ur et lui pardonne sans cesse ses crimes ; par amour, il