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    1. ENFER (SYNTIIKSE DE L’ENSEIGNEMENT TU KULOG IQUE’##


ENFER (SYNTIIKSE DE L’ENSEIGNEMENT TU KULOG IQUE’.12

(|. I. XXXVI. a.] : In IV Srnl.A. IV, disl. XLIV, q. iii, a. 1 ; il ciU’des opinioiis divciKi’nti’s, qui ^-taient soutenues de son tenips par saint iJonavent urc. In IV Sent., 1. IV. dist. XLIV. Saint Augustin avait ce])cndant affirmé déjà l’intégrité de tous les corps ressuscites, Episl., ccv, ad Conscnlium, n. 15, I’. L., t. XXXIII, col. 917, tout en restant hésitant sur les difformités et maladies des corps des damnés. Enchiridion, c. lxxxvii, xcii, P. L., t. xl, col. 272, 274. L’opinion de saint Thomas devint commune parmi les théologiens : les poètes ont continué déparier des monstruosités corporelles des damnés, cf. Suarez, J)e resurrect. gêner, mort., sect. v, n. 8 sq., t. xix, p. 930 ; les raisons de saint Thomas sont, en effet, très bonnes. Ce qui sort directement des mains de Dieu, c’est-à-dire la nature, créée ou ressuscitée, est parfait, complet : et il n’y a pas lieu à exception dans le cas présent : les difformités, maladies, mutilations de cette vie ne répondent nullement, en effet, aux péchés des hommes et Dieu n’en créera pas de spéciales en enfer où le grand supplice corporel est le feu ; bien plus, le châtiment suppose plutôt des organes intègres et en général une vie complète. Cependant le texte invoqué autrefois, I Cor., xv, 52 : et mortiii résurgent incorritpli, ne prouve rien ici, car l’apôtre y traite de la résurrection des justes et non des damnés. Voir dans Ch. Sauvé, loc. cit., p. 18f sq., une conception un peu semblable à celle des^ùnt Boaaventure et des anciens.

Le corps intègre et complet du damné sera affecté cependant de nombreux défauts : défauts provenant non de la nature, mais de la volonté vicieuse : reflet total de l’âme mauvaise sur le corps par la laideur de traits et d’expression repoussante ; défauts radicaux et connaturels de la pesanteur et de la passibililé, non corrigées par les qualités des corps glorieux : pas de lumineuse splendeur ; pas de cette spiritualisation qui, chez les justes ressuscites, fait de la matière l’instrument agile et prompt de tous les désirs de l’âme. Cf. S.Thoma^, Compendium theologiiv. c. clxxvi, et loc. supra cit.

Le corps immortel des damnés sera donc à la fois passible et incorruptible. La passibililé semble devoir l’altérer, mais l’incorruptibilité repousse toute altération. Pour expliquer la coexistence de ces deux qualités en apparence incompatibles, on ne peut recourir à l’h^’pothèse gratuite, sinon même impossible, de Lactance. Du : insi., 1. VII, c. xxi, P. L., t. vi, col. 801 sq..qui faisait détruire et refaire sans cesse par le feu le corps des daiTinés ; faudra-t-il donc avec saint Thomas n’admettre, même pour ce corps, que des passions intentionnelles, passione animœ… suscipiendn similitiidincm (inlentionnteni) qualitatis sensihilis, cf. loc. cit., et Compendium Iheologiæ, c. CLXxvii : ou bien peut-on trouver une passion physique corporelle qui ne soit ni altérable ni corruptrice ? Ce problème de pliysiologie ultra-terrestre sera étudié à l’art. Feu de i.’exfer. La théorie de saint Thomas, fondée sur la physique ancienne : quiescente motu cieli, nulla aclio vel passio poteril e.sse in corporibus, défendue par Capréolus, In IV Sent., loc. cil. ; Ferrariensis, In Cont. génies, loc. cit., avait déjà été rejetée par Suarez, loc. cit. Les changements, actions et passions organiques, dans des corps incorruptibles, ne peuvent donc être que de simples mouvements physico-mécaniques, sans altération chimique. Voir Feu de l’exi-eh, Rksurrectio.v.

Notons en terminant qu’il n’y aura pas de larmes réelles en enfer ; le flrtus dont parle l’Évangile est métaphorique ou ne désigne tout au plus, chez les damnés, après la résurrection, que les mouvements physiologiques généraux qui produisent chez les vivants des larmes, dolor cordis et conturludio copitis et

ocu/o/’H/n, dit saint Ihoinas, (’.ont. génies, l. IV, c. xa Cf. Ferrariensis, / ; i loc.

Conclusion. — On trouve, en résumé, chez les théologiens, deux conceptions différentes de l’enfer.

La première, presque unanime, résume l’enfer dans la privation de Dieu et par conséquent de tout bien, bien moral, bien physique, bien de jouissance, bien de ])crfection ; non pas que les damnés soient dans le mal absolu, ce serait le néant ; ils ont l’être, l’intelligence avec plusieurs connaissances véritables, le cor|is intègre et complet ; mais ces biens physiques ne sont en eux que pour servir de base nécessaire à leurs maux épouvantables ; ils ont le simpliciler esse (siibsislentiæ, intelligere, vivere corporale) ; mais aucun bene esse, donc privation et mal total en eux, pas un acte moralement bon, même d’honnêteté naturelle, plus un seul bon mouvement de cœur, de volonté, ni affection, ni reconnaissance, ni justice, ni droiture, ni respect, ni obéissance, etc., rien d’ordonné dans les actes libres, le péché pur. Avec cela, la souffrance pure. c’est-à-dire, non pas toute souffrance possible, mais rien que de la souffrance, sans jamais le moindre soulagement ou jouissance, et la souffrance dans tout l’être. Et pour tous il en est ainsi toujours, bien qu’à des degrés divers.

On est arrivé à se demander si le damné est à ce point plongé dans la souffrance totale que physiquement il soit incapable d’aucun acte de délectation ? Ockam, Gabriel, Bannez, Molina, Vasquez, Billuart ont répondu affirmativement : Dieu refusant son concours aux mouvements naturels de joie qui naîtraient dans un damné, par exemple, à la vue d’un ennemi lui aussi dans les supplices ; ou le damné n’étant d’ailleurs pas capable, vu sa douleur immense, de faire attention à ces choses accidentelles. Saint Thomas ne semble pas avoir refusé la possibilité de toute joie aux damnés. Sum. theol.. la, q. lxiv, a. 3, ad 1°>" ; // ! IV Senl., . IV, dist. XLV, q. ii, a.l, ad 4°"S Quodl., III, a. 24. Selon lui, les damnés peuvent avoir des mouvements de joie secondaire, lorsque certaines de leurs volontés s’accomplissent. Suarez, loc. cit., c. XV, a pensé de même. Mais ces mouvements de joie ne soulagent pas le damné ; il n’est pas vraiment réjoui ni consolé, si peu que ce soit, dans ses affreux supplices, parce que damnati in inferno gaudent de pœnis ininiieorum suoruniet tamende ipso gaudio magis dolent, Quodl.. loc. cit., comme leur intelligence voit le vrai, mais en souffre plutôt que d’en jouir. Suarez ajoute même qu’après le jugement dernier, cette capacité de complaisance, minima, vana, vilissima (de plus changée de suite en souffrance), nullam omnino occnsior^em habebit, tout étant alors constitué dans l’immobilité. L’enfer ne procurera donc éternellement aux damnés que la souffrance, sans aucune consolation. C’est le sentiment du plus grand nombre des Pères et des théologiens. Cf. S. Jérôme, In Joël., II, P. L., t. XXV, col. 965 ; S. Augustin, Scrm., XXII, 3, P. L., t. xxxviii, col. 150 ; De civitate Dei, 1. XIII, P. -L., t. xLi, col. 385 ; S.Cyrille d’Alexandrie, De exitu animée, P. G., t. lxxvii, col. 1075 ; S. Chrysostome, Ad Theod. laps., P. G., t. xlvii, col. 289.

Une autre conceplion s’est fait jour çà et là d’un enfer moins totalement mauvais. D’abord, pas de perversion morale absolue : les damnés sont en enfer avec les sentiments qu’ils avaient ici-bas, au moment de leur mort : sentiments de vertus naturelles, ou autres ; en tous cas, en eux pas nécessairement de blasphème et de haine de Dieu et de tous, de rage désespérée, violente, épouvantable, etc. Et puis, pas de souffrance si totale : le dam, le feu à làes degrés divers, mais pour beaucoup très légers sans doute ;  ; feu qui n’est peut-être pas matériel ; pas de mitiga-