Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/669

Cette page n’a pas encore été corrigée
4309
1310
EUCHARISTIE DU XIIP AU XV « SIÈCLE


Durand de Saint-Pourçain s’est éc.irté de la doctrine commune sur la conversion totale de la substance du pain au corps du Christ. Il a combattu cette doctrine et il a prétendu que la matière du pain n'était pas convertie en la matière du corps de Jésus. Salvo meliori judicio, potest estimari quod, si in isto sacramento fiai conversio subslanliæ punis in corpus Clirisli, ipsa fit per hoc quod, corrupla forma panis, nmleria ejus fil sub forma corporis Clirisli subilo et virtute divina, sicut materia alimenli fil sub forma nulrili, virtute naturæ. In IV Senl., 1. IV, dist. XI, q. m. Mais il n’aboutissait qu'à une simple mutation substantielle, comme le montre l’exemple choisi de l’assimilation des aliments par la nutrition. Les arguments que Durand faisait valoir en faveur de ce sentiment ont été exposés et réfutés par Pierre de la Palu, In IV Senl., 1. IV, dist. XI, q. III, et parCapréolus, Defensiones Iheologiæ divi Thomse Aquinalis, In IV Senl., . IV, âist. 'Kl, q.i, a. 2, §2, n. 2 ; a. 3, §2, n.2. Durand de Saint-Pourçain admettait la permanence de la matière du pain pour écarter la théorie de l’annihilation et mieux expliquer la conversion. Ses contradicteurs répondaient que la conersion n’exigeait pas la permanence actuelle de la matière, comme partie du corps du Christ, quia de maleria educitur forma, cujus pars non est maleria, mais qu’il suffisait de sa permanence potentielle et que la matière était inpotentiu ad formam Ils lui opposaient la doctrine de saint Thomas, d’après laquelle, per desilionem maleriæ panis, fil materia corporis Clirisli ibi realiler prœsens ubi alla eral localiler prias ; d’où la matière du pain était convertie en la matière du corps du Christ. Un autre dominicain, Jean de Paris, était allé plus loin. En 1305, tout en adhérant à la doctrine commune de la transsubstantiation, il avait déclaré qu’elle ne s’imposait pas à la foi et il avait proposé, comme une opinion probable, que la substance du pain demeurait entière dans ses accidents et avec la présence réelle du corps du Christ au sacrement de l’autel. Dans une Delerminalio de modo exislendi corpus Clirisli in sacramento altaris alio quam sit ilte qucm tencl Ecclesia, publiée d’après un manuscrit de Saint-Victor de Paris, Londres, 1686, il disait, en ellet : El licel leneam et approbem illam solemnem opinioncm quod corpusChristi est in sacramento altaris per conuersionem subslanliæ panis in ipsum et quod ibi maneanl accidentiasinesubjecto, non tamen audco dicere quod hoc cadal sub fide mea, sed potest aliter saluari vera et realis existerUia corporis Clirisli in sacramento altaris. Puis, il énonçait en ces termes cette autre manière d’expliquer la présence réelle : Quod subslantium panis manere sub suis accidenlibus in sacramento altaris dupliciler potest intelligi : uno modo sic quod subslanlia panis in sacramento altaris sub accidenlibus maneat in proprio supposilo, et istud cssel falsum, quia non esset comnmnicatio idiomatum inler panem et corpus CIvisli, nec esset verum dicere : l’unis est corpus Christi, nec : Caro mea vere est cibus. Alio modo ut substantia panis maneat sub accidenlibus suis, non in proprio supposilo, sed tracta ad esse et supposilum Clirisli ul sic sit ununi supposilum in duabus naturis… lia et licel sit in hoc sacramento duplex corporeitas, est lamen idem corpus propler unilatem supposili Clirisli. Op. cil., p. 85-87. Jean de Paris, eu proposant cette opinion, se.soumettait d’avance au jugement de l'Église, du pape ou d’un concile général. Dès 1305, il reçut une admonition de l’cvêque de Paris, qui se nommait Guillaume ; la même année, une assemblée de prélats lui interdit l’enseignement et la pré lication. Il en a])pela de cette interdiction au Sahit-Siége ; mais l’appel n’eut pas de suite, Jean de Paris étant mort à Bordeaux en 1306. Cf. Féret, La faculté de Paris et ses principaux théologiens, Moyen âge, l’aris, 181)6, t. iii, p 374-375. Cette sorte d’impanution ou de consubstanliation n’eut pas

de succès. Les arguments sur lesquels s’appuyait Jean de Paris furent exposés et réfutés par Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., 1. IV, dist. X, q. i, par Pierre de la Palu, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, q. ii, et par Capréolus, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, q. i, a. 2, § 1 ; a. 3, § 1. Il faudra arriver au xve siècle, à Wyclif, pour rencontrer la négation formelle de la transsubstantiation. Voir plus loin.

Les scotistes et les nominalistes admirent l’annihilation de la substance du pain et du viii, sur laquelle Duns Scot avait hésité, et ils expliquèrent la transsubstantiation per modum adductionis, c’est-à-dire par l’accession du corps et du sang du Christ à la place de la substance du pain et du vin. La transsubstantiation n’est donc pas une action productiva, mais une action adducliva. Voir Occam, In IV Sent., 1. IV, q. vi. Les thomistes leur opposèrent la doctrine de saint Thomas et montrèrent que l’acte de la transsubstantiation est mieux exprimé comme étant un passage (transitus) de la substance du corps et du sang du Christ dans celle du pain et du viii, et comme une absorption (absorptio) de celle-ci par l’autre Cf. Capréolus, In IV Senl., 1. IV, dist. XI, q. II.

Sur la permanence des accidents du pain et du vin sans leur sujet naturel d’inhérence, voir Eucharistiques (Accidents).

Mode de présence.

- Guillaume d’Auvergne, qui

pensait encore que le pain vivifiant venait du ciel entre les mains du prêtre, non pas, sans doute, par un mouvement local, mais subitement, à la manière des corps glorifiés, doués d’agilité, et des ordres transmis par l'âme aux membres du corps, enseignait que le corps glorifié du Christ peut être simultanément en plusieurs lieux et au ciel. Cette présence multiple en plusieurs lieux à la fois sous chaque hostie existe pour le bien de l'Église et l’avantage des chrétiens. De sacramento eucharisliæ, c. iii, p. 423-426. Alexandre de Halès disait aussi que la conversion du pain au corps du Christ se faisait subitement et sans mouvement local. Summa tlieologiæ, part. IV, q. x, m. v, a. 3, § 7, 8. Le pain est changé en la chair du Christ et le vin en son sang principaliter ; les autres choses sont présentes consequenter et per concomitunliam. Ibid., § 5. Quoique sacramentaliter, c’est-à-dire en raison du sacrement ou signe qui est double, le corps du Christ soit directement sous l’espèce du pain, et son sang sous l’espèce du vin seulement, néanmoins, le Christ tout entier est réellement contenu en chacune des deux espèces et il est tout entier dans les plus petites parcelles, divina virtute id opérante, mais il n’y est ni diffinilive ni circumscripliue, c’est-à-dire non connue dans un lieu et avec ses dimensions ; il y est par sa substance et sans étendue. Ibid., m. vii, a. 3. Albert.e Grand enseigne seulement la présence intégrale du Christ sous chaque espèce. In IV Sent., 1. IV, dist. XII, a. 4 ; De sacramento eucharistiie, dist. III, tr. III ; et sous chaque partie, sub tantitla forma. In 1 V Sent., 1. IV, dist. XIII, a. 10, pour cette raison que chaque parcelle du pain signifie enlièrcment la nourriture spirituelle, qui est la fin propre de l’eucharistie, a. 11. Saint Bonaventurc déclare que le corps du Christ est à l’autel sccundum veritatem et sccundum suani naturalem quaiilitatem, qu’il y est totuni et perfeclum in paruu loco et unum in pluribus locis, qu’il est localiter in cœlo, pcrsonuliler in Vcrbo, mais sacrameiitutiter in pluribus locis, non pas dimensive, licel habcat in hostia propriam dimensionem, enfin qu’il est lolum in loto et lotum in qiudibct parle, in qua salvatur specics totius. La conersion du pain au corps du Christ dépasse toute puissance, toute imagination et toute intelligence. Toutefois, si l’existence du corps du Christ au sacrenient de lautel est supra cuptum intcllcclus Inimani, non lamen supra uplum intelleclus fidelis. In IV Senl., I. IV, dist. X,