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EUCHARISTIE DU XIII" AU XV « SIECLE


in miraciilis ; Sicard de Crémone, Milrale, vi, 3, ; P. L., t. ccxiir, col. 129.

L’explication de Guillaume de Saint-Thierry qui pose clairement le problème quid in sacrificio sancto secundum naturam, quid supra naiuram facial naiurarum omnium creator Deus, De sacramento altaris, IV, P. L., t. cLxxx, col. 350-351, est peu heureuse. Elle part du principe de Boèce : Sola quippe mutari transfnrmarique possunt quæ habent unius matrriæ commune sub/ectum, à savoir, seulement ra quæ in se et facere et pati passant ; mais prise au pied de la lettre et sans l’exposé que fournissent les autres parties de son traite, elle donne de la conversion une interprétation qui confine à l’inexactitude.

A l’objection des hérétiques qui se demandaient si la transsubstantiation constitue un article de foi malgré son absence de tous les symboles (apostolique, Nicée, athanasien), Alain se contente de rapporter la réponse de certainsdocteurs dutemps, quis"appuient sur le silence des hérétiques des premiers siècles à ce sujet, pour affirmer la croyance commune à la transsubstantiation à cette époque ; tandis que les erreurs des ariens, des nestoriens, etc., ont fait préciser les articles du symbole sur la trinité et l’incarnation. Quant h lui, il croit pouvoir voir l’affirmation de ce dogme dans l’article de la comnuinion des saints, l’eucharistie unissant tous les fidèles : dici tamen potest. Contra Ixœrelicos, i, 50, P. L., t. cc.x, col. 363.

Pierre de Poitiers justifie le mot par l’analyse du concept y contenu en opposition à tnmsformari : Quia nullam verbum adeo proprie hic ponitur sicut Iranssubstantiari, quia substantia in substantiarn transiuit manentibus eisdem proprietatibus ; cum vero dicitur : panis transjormatur in corpus Christi, non est salis expressuni quia non transit forma in formant. Sententiæ, 1. V, 12, P. L., t. ccxi, col. 1247.

Ici, comme souvent ailleurs, Garnier de Rochefort s’inspire des expressions de Pierre de Poitiers : iinde et illa convr/sio propric transsubstantiatio nominatur. Op. cit., c. xii, édit. Bæumker, p. 6'^.

Vers la même époque, Baudouin de Cantorbéry défend fort judicieusement le dogme et son expression contre tout reproche : Conftletur Hcclesia sicut ex Iraditione ortlwdoxorum Pidrum indubilantcr apparet quod panis virtute divina> benedictionis efficitur corpus Clxristi, vcl fil corpus Christi et Iranssubstan tiatur vel mutatur vcl corwertitur in corpus Cliristi, mullisquc modis aliis fidei inslilutum explicat. Et cum in hac ftdei confessione multa sit verborum dirersilas, una est tamen fidei pictas et individua confessionis unitas. Et quamvis h.-rc nnmina, nuitatio, conversio, cwteraque similia, nuilationem vel coniwrsionem indicantia, quantum ad hanc fidei confessioncm magis novce invenlionis esse videantur quam cvanqelicæ vel apostolicap. Iraditionis, sanctis tamen docloribus… placuit ob piiim fidei confessioncm, hujuscemodi verbis uli. Sec judicanda est profana verborum novitas quant indiixit sanctorum Polrum auctorilas et fidei pielas et ipsius confessionis iteccssitas. Aliquo enint modo oporluit dici quod debuit credi, et comme exemple, dont on puisse s’autoriser, il apporte l'ôî/oo-j-Ttov et la pcrsonn, liccl de Xono cuit Vcteri Testamento aucloritatem non hahennt. Op. cit., P. L., t. r.civ, col. 662. Voir aussi le c. xt du De sacramento altaris de Guillaume de Saint-Thierry, qui, en donnant la raison des expressions des Pères, fournit une défense indirecte de la doctrine ainsi précisée. P. L., t. clxxx, col..359.

Cet exposé de la doctrine de la transsubstantiation et des explications dont on l’accompagne au xii'e siècle nous dit clairement combien celle croyance était universellement répandue et nettement fornnilée à cette époque. La définition du concile de Latran,

en 1215, en est le couronnement naturel : Cujus (Jesu Christi) corpus et sanguis in sacramento altaris sub speciebus panis et vini veraciler conlinentur, transsubstantiatis parte in corpus et vino in sanguinem potestate divina, c. i. IMansi, t.xxii, coI.983 ; DenzingerBannwart, Enchiridon, n. 430. Ce long développement historique dont la définition de Latran, reprise par le concile de Trente, constitue l’aboutissant, nous fournit en même temps une base d’appréciation qui réduit à sa juste valeur les réflexions de l'évêque anglican de Birmingham, Ch. Gore, sur la transsubstantiation et le nihilisme. D/ssrrta/î'o/is, etc., Londres, 1895, p. 229-286 ; The bodg of Christ, Londres, 1905. Reprenant l’idée de Pusey sur la consubstantiation, dans le sens de la coexistence du pain et du viii, Gore établit un contraste entre les principes qui ont présidé à l'élaboration de la doctrine christologique et ceux qui ont commandé le développement de la formule de la transsubstantiation. Pour ce dernier dogme, on en est arrivé, dit-il, à annihiler l'élément naturel au point de détruire complètement le pain, tandis que dans les formules christologiques on s’est toujours mis en garde contre toute atteinte à la réalité de l'élément humain dans l’union des deux natures. Sans nous arrêter à ce que, en théorie, cette analogie entre les deux dogmes peut avoir de spécieux à première vue, nous constatons que les considérations de Gore ne trouvent nullement leur confirmation dans la réalité des faits du xiie siècle. I^es principes qui auraient dû, d’après lui, diriger les formules, ont poussé les théologiens de cette époque à des résultats diamétralement opposés aux idées qu’il expose. Les théologiens qui préconisent le plus la suppression de l'élément naturel dans l’eucharistie sont souvent ceux qui divinisent le moins la nature humaine et réciproquement. Nous n’avons donc pas ici le parallélisme, auquel l’on serait en droit de s’attendre comme conséquence de la théorie de Ch. Gore : l’hypothèse n’est nullement vérifiée par les faits. Quant au nihilisme christologique, il ne peut être mis en avant ici ; il n'était nullement la négation de la réalité de l'élément humain. Le théologien du Pallet, par exemple, ne sera jamais représenté comme grandissant l'élément divin dans le Christ au détriment (le la nature humaine ; or. c’est lui qui, dans sa théorie de l’eucharistie, pousse à l’annihilation du pain et du viii, encore au delà de ce que veut le dogme de la transsubstantiation ; une remarque analogue peut s’appliquer ; "i Folmar de Triefenstein et à d’autres. Ce sont donc d’autres considérants que ceux dont Gore fait l’exposé qu’il fait invoquer ici. D’autre jiart, le pende succès t|ue ces théologiens ont rencontré dans leurs excès d’annihilation, nous fait toucher du doigt un autre élément que Gore n’a pas fait entrer en ligne de compte ; ce sont ces données de la tradition qui, malgré quelques explications ou comparaisons passagères, ducs souvent aux besoins de la polémique et, par suite, suspectes dans leur généralisation, marquaient une orientation nette vers la fornuile de la transsubstantiation. Le xiie siècle, nous l’avons vii, les a fréquenmient invoquées.

.1. deGiiei.i.inc.k. VI. EUCHARISTIE OU Xlir AU XV « SIÈCLE. — L Écrits (le cette jiériode et leurs caractères généraux. H. Leir doctrine eucharisti()iie. III. Erreurs de Viclif sur l’eucharistie. IV. L’eucharistie au concile de Florence.

I. Écrits de cette ppinioDi- : et i.eibs CARACTrcRES oÉNÉRAUx. — 1° Au xiiie siècle, véritable âge d’or de la scolastique, il parut sur l’eucharistie des ouvrages de plusieurs sortes. D’abord, quelques écrits, d’allure moins scolastique, dans lesquels la doctrine eucharistique est exposée plus lilirement que dans les