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EUCHARISTIE AU XV SIÈCLE EN OCCIDENT

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l’une qu’il relate ici d’une manière impersonnelle, bien queplusloin il s’en inspire partiellement dansla théorie qu’il adopte pour les accidents, dist. XII, 1 (Bandi nus, son abréviateur, qui réduit notablement ce chapitre par de vigoureuses coupures, reste hésitant entre deux interprétations dont l’une n’est pas orthodoxe, op. cit., P. L., t. cxcir, roi. 1096), prétend voir après la consécration la substance du corps et du sang sous les mêmes accidents sous lesquels était auparavant la substance du pain et du vin ; celle-ci retourne aux éléments ou est annihilée ; cf. Roland, plus haut ; la dernière enfin affirme la permanence du pain et du vin et la juxtaposition simultanée de la substance du corps et du sang. Cette explication est rejetée avec vigueur et il conclut : posl consecralionem iijitur non est ibi subsfantia panix vel vint, liret species remaneant, col. 239. Une glose du Décret, De consecr., dist. II, cl, apporte ici que cette op/nîopcr/or es/, Lyon, 1634, p. 1911, mais fait remarquer que toutes ces explications admettent cependant la présence réelle.

Les quelques objections touchées par le Lombard, aux divers endroits énumérés, sont reprises par Pierre de Poitiers dans son chapitre : quis modus conversionis quantum valeat e.rplicari, Sent., 1. V, 12, P. L., t. ccxi, col. 1246, et poussées avec sa recherche dfalectique accoutumée. Nous ne le suivrons pas sur ce terrain. Constatons seulement sa restriction quantum valeat explicari (est-elle dans l’original ?) et les tria gênera conversionis qu’il connaît : par la première, aliqua suhstantia transit in alicmt ut sit ejus materia jacla varietate proprietatum circa materiam et materialum (exemple : l'œuf et l’oiseau ou le filix) et cela par processus naturel ou artificiel ; par la seconde il y a mutatio proprietatum ou circa eamdem rem variatio, mais permanence de la substance, par exemple, pain issu de farine, femme de Loth ; parle tertium genus mutationis qui n’a lieu que dans l’eucharistie, il y a passage de la substance du pain en la substance du corps, avec permanence des proprietates que possédait le pain, op. cit., col. 1246, et le meilleur mot pour le dire est transsubstantiation, col. 1247.

Moins usité, mais plus clair est le vocabulaire d’Alain de Lille, dans son traité Contra hæreticos, I, 58, P. L., t. OCX, col. 360, que résume la règle 107 de ses Regulse theoloqicee. Ibid., col. 678. La transsubstantiation n’est pas Valteratio ni Valteritas, mutatio quse fit secundum varietatem accidentium in eodem subjecto (comme le passage, d’un objet du blanc au noir) ; Valteritas est une autre espèce de changement, in qua mancnic eadem materia, non manent substantialia(paT exemple, vin de Cana) ; enfin, la transsubstantiation est une troisième espèce qui change la matière et la forme substantielle, mais laisse persister les accidents : illa species mutationis secundum quam et mulatur materia et substanticilis forma, sed rémanent accidentia. Ibid., col. 360.

On voit que, si le docteur universel est un des grands représentants du platonisme, à la fin du xiie siècle, sa terminologie et ses explications ne s'écartent guère pour le fond des idées communes puisées dans l’héritage occidental d’Aristote-Boèce. Cf. Baumgartner, op. cit., p. 12, 13, etc.

Pour l’explication de Simon de Tournai (commutatio, mutatio, transsubstantiatio) et celle de Raoul l’Ardent qui lui ressemble de ' près, voir les Recherches de science religieuse, novembre 1911. La théorie d’Etienne Langton, qui distingue une triplex mutatio : accidenlalis (noir en blanc), subslantialis (eau de Cana), materialis (transsubstantiation), avec une quatrième espèce qu’il appelle naturalis (vas. cité de Bamberg, fol. 68), aura sa place ailleurs.

Pour Innocent III, il y a deux espèces de conver sions : la substantielle et la formelle ; toutes deux se suh(Uvfient : forma convertilursine substantia, suhstantia couvert iUir sine forma, utraque cum altéra ; quant k la conversion qu’il dit substantielle : suhstantia quandoquc convertitur in id quod sit (fit) et non ernt (la verge de Moïse, Exod., vu) et tune forma convertitur cum suhstantia, quandoque convertitur in id quod erat et non fit ; telle est la conversion du pain dans l’eucharistie et, alors, la substance est changée, mais non la forma. Ce dernier membre indique avec certitude ce qu’il faut encore entendre à ce moment par le mot forma ; nous sommes encore loin de la théorie aristotélicienne de la forme ; le mot se ressent encore de sa synonymie, si fréquente dans l’usage du xiie siècle, avec species ou accidens.hxanl cela, l’auteur avait signalé deux explications de la transsubstantiation, entre lesquelles il ne dit pas clairement ses préférences ; mais le reste de tout le traité nous indique qu’il rejette la première ; celle-ci consiste à dire que le corps du Christ commence à être présent à la place du pain sous les mêmes accidents, tout comme la lettre a se change ene dans ago, egi, selon l’expression des grammairiens. La seconde manière d’expliquer la transsubstantiation exige un vrai changement du pain en ce qu’il n'était pas auparavant. Op. cit., IV, 20, P. L., t. r.cxvii, col. 870, 871.

3. Défense apologétique du dogme et de son expression contre les hérétiques.

Chez la plupart de ces auteurs, il n’est pas fait d’allusion à la création récente du mot (voir plus loin) ; quant à la doctrine elle-même désignée par ce terme, rien ne donne l’impression d’une nouveauté fraîchement introduite. Par tous, elle est acceptée comme croyance commune et nécessaire ; les divergences ne se produisent que dans l’explication de quelques points. Le partie consacrée chez eux à l’apologétique du dogme est assez développée ; il est rare qu’ils manquent de faire appel soit à l’action créatrice toute-puissante, soit à des analogies naturelles, qu’ordinairement ils signalent comme incomplètes, soit à des miracles de la vie du Sauveur (naissance virginale, multiplication des pains, apparition après la résurrection). Les passages sont trop nombreux pour que nous les énumérions ici. Plusieurs s’inspirent des pages de Paschase ou d’Eusèbe d'Émèse (Fauste de Riez) déjà fréquemment citées, ou des textes codifiés par Gratien. Mais ces comparaisons et ces essais d’explication ne les empêchent pas d’assurer que le dogme dépasse les limites de la raison. S’ils en écartent les contradictions, s’ils suppriment la cause de beaucoup d’attaques en précisant bien les concepts, notamment sur la nature non soumise aux lois de l’espace et sur les éléments qui interviennent dans la transsubstantiation, ils n’hésitent pas à reconnaître que toute tentative d’aller plus loin est vaine.

Nombreuses sont les réflexions par lesquelles Ils se défendent de pousser plus avant leurs recherches dialectiques ou métaphysiques. On y a fréquemment fait allusion déjà dans cette étude. Contentons-nous de citer ou de rappeler ici VEucharistion d’Honoré d’Autun, P. L., t. clxxii, col. 1253 ; la Summa sententiarum, 1. VI, 8, P. L., t. clxxvi, col. 445 ; les Sententiæ divinitatis, édit. Geyer, p. 133 ; le Brevis traclatus mis sous le nom d’Hildebert. P. L., t. cLxxi, col. 1153-1154 ; le De sacramentis de Hugues de Saint-Victor, 1. IL part. VIII, 11, P. L., t. CLXXVI, col. 469 ; le Liber de sacramento altaris de Baudouin de Cantorbéry, P. L., t. cciv, col. 678 ; Pierre Lombard, toc. cit., avec le texte pris à Alger qui revient souvent ailleurs ; Etienne de Tournai » op. cit., ibid., c. xliv, p. 274 ; Pierre de Poitiers, op. cit., 1. IV, 13, P. L., t. ccxi, col. 1254 : vanum mihi videtur in hujusmodi laborare et sequi naturam