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EUCHARISTIE AU XIP SIECLE EN OCCIDENT


voie Guillaume de Saint-Thierry ou des allusions possibles chez Alger de Liège, la position que prend dans ces chapitres Rupert de Deutz, De divinis officiis, II, 2, 9, P. L., t. cLxx, col. 35, 40 ; In Exod., ii, P. L., t. CLXvii, col. 617-618 ; In Joa., vi, 52, P.L., t. clxix, col. 481, et qu’on a interprétée dans le sens de l’impanation ou dans celui de la consubstantiation et d’une union personnelle avec le pain, Baronius, Annales écoles., an. 1111, n. 49 ; Bellarmin, De eucharislia, disp. XLIX, sect. ii, n. 12 ; Vasquez, In I II-" purleni, disp. LXXX ; Pusey, The doctrine of Ihe rcal présence ns contained in ihe Faihers, Londres, 1865, p. 5 sq. ; tandis que d’autres l’absolvent de ces erreurs : Gerberon, Apologia Riiperti, déjà citée ; Histoire lillérairc de lu France, t. xi, p. 456, 520, etc. ; Noël Alexandre, // « /. cccles., Paris, 1714, t. vi, p. 520-524 ; Tournely, Cursus theologicus, Cologne, 1734, t. iii, p. 358-359 ; Bach, Dogmengesehiehle des Miltelalters, icnnc, 1875, t. i, p. 413 ; Schwane, Dogmengeschichle, Fribourg-en-Brisgau, 1882, t. iii, p. 641 ; Pohle, art. Impanation, dans la Catholic eneyclopedia, 1910, t. vii, p. 694, etc., demanderait une étude spéciale qui aura sa place propre dans l’article sur Rnpcrt et qui doit tenir compte aussi des vues du moine de Saint-Laurent sur la christologie et l’incarnation. Dans les œuvres subséquentes de Rupert et même dans le De divinis officiis, se rencontrent des passages d’une orthodoxie irréprochable et irréductibles à une interprétation conciliable avec l’impanation ou la consubstantiation, par exemple. In Exod., iv, 7, P. L., t. clxvii, col. 704 ; Epistola nnncupatoria ad Ciinoncm, P. L., t. CLxix, col. 203 ; voir d’autres passages dans V Apologia Rupcrti de Gerberon, P. L., t. clxvii, col. 163 sq. P’aut-il voir, dans les lignes incriminées de De divinis officiis, des conceptions passagères ou des manières de s’exprimer qui revêtent la vraie pensée de l’auteur de considérations mystiques, sans la rendre dans toute son exactitude ? Peut-être ; il faudrait alors, pour écarter la contradiction de ses diverses affirmations, entendre ce changement du pain et du viii, non pas au sens destructif, mais dans un sens perfectif qui les élève à la substance du corps du Christ. Des expressions d’une exactitude douteuse se rencontrent de-ci de-là, comme explications, chez les auteurs fort orthodoxes que nous avons passés en revue. Nous pouvons ajouter que le peu d’écho que trouvent ces idées de Rupert, malgré la dilïusion de ses écrits, nous permot de considérer son cas comme un chapitre spécial, plutôt dans l’histoire d’une personnalité théologique intéressante que dans celle du dogme ou de la théologie eucharistique ; le développement des doctrines et des systèmes du xiie siècle n’en a guère été affecté. A part divers passages du Mitrate, iii, 5, 6, P. L., t. ccxiii, col. 116-118, 129, de Sicard de Crémone, nous n’en trouvons d’éclio nulle part ; encore Sicard a-t-il dans les mêmes chapitres, iii, 8, ibid., col. 141, et plus loin, tout comme dans son œuvre canonique, un exposé complet de la transsubstantiation, si bien qu’il n’a pas même l’air, en employant quelques-unes des expressions de Rupert, de leur soupçonner un sens qui répugne à la vraie doctrine qu’il professe ; il ne leur donne que la valeur d’une comparaison.

2° Le terme ulranssubstantiulio » . — 1. Premier emploi.

— On a cru et répété longtemps, contre les affirmations déclaratoires de Luther qui attribuait à saint Thomas et aux thomistes l’introduction dumofntranssubstantiation n, qu’Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, mort en 1134, était le premier auteur chez qui l’on constatât l’usage de ce terme. Le témoignage d’Hildebert présentait cette particularité intéressante qu’il faisait emploi du mot dans un sermon à ses prêtres, dix ou vingt ans, peut-être même davantage.

avant la composition des traités systématiques des Victorins ou des Sommistes des écoles de Paris ; en outre, la manière aisée et toute naturelle dont il faisait intervenir l’expression dans une œuvre d’édification donnait à croire qu’elle avait depuis assez longtemps droit de cité dans le langage thèologiquc pour pouvoir se passer de légitimer ses titres et être aisément comprise d’auditeurs étrangers à la terminologie scolaire. Voici le texte : Cum proféra verba canonis et verbum trunssubstantiationis, et os meum plénum est contradictione et amaritudinc et dolo, quamvis eum honorcm labiis, tamen spuo in facicm Salvatoris… Ilaque mundamini, etc. Serm., xciii, P. L., t. xxi col. 776. En réalité, le sermon n’est pas d’Hildebert. Beaugendre.qui grossit outre mesure le bagage littéraire de l’évêque du Mans, dans l’édition de ses œuvres entreprise à quatre-vingts ans, Paris, 1708, fut cause de l’erreur de la plupart des théologiens et d’historiens, comme Déni Ile, Luther und Lutherthum, Mayence, 1904, p. 239 ; Mgr Batifïol, Études d’histoire’et de théologie positive, 2<’série. L’eucharistie, Paris, 1906, p. 372 ; Darwell Stone, A history of the doctrine of the holy eucharist, Londres, 1909, p. 275, note 2. C’est non pas à Hildebert, mais à Pierre Comestor, mort vers 1178, qu’il faut désormais reconnaître la propriété du Serm., xciii, de l’édition de Beaugendre. Notons en passant que Boehmer écrit par erreur « sermon lxxiii » dans l’art. Hildebert de la Rcalencyclopàdie de Hauck, t. viii, p. 69 ; la faute est corrigée par Kattenbusch au mot Transsubstantiatio, t. XX, p. 57.

La preuve de la paternité de Pierre le Mangeur a été faite par B. Hauréau, en 1887, dans les Notices et extraits de la Bibliothèque nationale, ^. xxxii, 2 « partie, qui a singulièrement diminué l’héritage littéraire d’Hildebert au profit de Pierre Comestor, de Pierre Lombard ou de Geoffroy Babion. Il faut donc reculer le sermon et le témoignage y contenu d’une quarantaine d’années. Cela ne lui donne plus, tant s’en faut, la première place dans l’ordre chronologique, car nous trouvons fréquemment le mot en usage avant 1175. Denifle a réduit à néant, avec sa vigueur coutumière, les accusations de Luther contre cette « introduction thomiste » ; un substantiel chapitre, d’une virulence plutôt étrangère au style historique, groupe en quelques pages les principales affirmations qui se font jour au XII’siècle. Luther und Lutherthum, Mayence, 1904, p. 237-245 ; 21e édit., Mayence, 1906, t. i, p. 612. Elles ont été reprises et complétées ou corrigées par Kattenbusch dans Realencyclopàdie fiir prolest. Théologie und Kirche, art. Transsubstantiatio, 1908, t. xx, p. 56-58, et, depuis lors, Fr. Gillmann de Wurzbourg a singulièrement grossi la liste des citations canoniques dans Der Kutholik, 1908, t. ii, p. 417 sq. ; 1910, t. II, p. 77. Le premier témoignage en date serait celui de Pierre Damien qui emploie l’expression dans V Expositio canonis misstc, retrouvée par le cardinal Mai, Scriptorum veterum collectio nova, t. VI, et reproduite par Migne, P. L., t. cxlv, col. 79 sq. : Hoc est corpus meum ; quacritur quid demonslret sacerdos per hoc pronomen hoc ? Si panem, pani nunquam congruit esse corpus Christi, sed demonstrat corpus Christi ; sed quando profcrtur ipsum pronomen, nondum est transsubstantiatio. Respondetur quod sacerdos non demonstrat, cum illis verbis non utatur enuntiative sed recitativc. Op. cit., n. 1, ibid., col. 883. Pierre Damien, qui est le premier aussi, semble-t-il, qui emploie les mots sacramentum confessionis, aurait également enrichi de cette expression la terminologie théologique. C’est l’avis de l’évêque de Birmingham, Ch. Gore, qui après avoir donné la priorité probable à Etienne â’Antun, Dissertations on subjects cormected with the Incarnation, Londres, 1895,