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EUCHARISTIE AU XII » SIÈCLE EN OCCIDENT


misclie Quarlalsclirifl, Supplementband, p. 16-17. C’est vers cette mOme duLc que les ordonnances d’Eudes de Paris (entre 1196-1208) consacrent cette doctrine par la pratique ; elles ordonnent une élévation de l’hostie après les mots : Iwe est corpus meum, et ne permettent pas de reconnnencer la première consécration si, avant la seconde, on trouve le calice vide. ]Iansi, Coiicil., t. xxii, col. 682. L’usage de l'élévation après la première consécration commence à s’afiirmer dès lors dans les prescriptions conciliaires locales et des rapprochements suggestifs font voir au P. Thurston, dans Etienne Langton, archevêque de Cantorbéry, l’introducteur de cette cérémonie de la messe dans la liturgie des églises d’Angleterre, The élévation, dans The tablet, 1907, p. 645 sq., 684 ; mais elle ne se généralise que graduellement, dans le monde catholique, à un moment où depuis longtemps la croyance à l’achèvement de la transsubstantiation après chacune des deux formules consécratoires ne rencontrait plus de contradicteurs. Voir Élévation, t. iv, col. 2320.

8. Matière de V eucharistie.

La matière du sacrement donne lieu à des considérations symboliques qui remontent par Fauste de Riez à saint Augustin et à saint Cyprien, ou qui sont empruntées à la Bible. On les base parfois sur une étymologie bien hardie, comme Honoré d’Autun qui fait dériver punis de Ttctv.

Le pain et le vin ont été choisis parce qu’ils constituent la nourriture ordinaire, ou pour figurer l’unité dans l'Église, corps du Christ (panis ex n^ultis granis, vinuni ex multis acinis), conmie on le, trouve dans les conférences entre Anselme de Havelberg et l’archevêque de Nicomédie, Z)ia/of/z, iii, 19, P. L., t. cLxxxviii, col. 1240, ou parce que l'âme est figurée par le sang ; or, l’eucharistie est pi’ise ad tuitioneni corporis et animx ; citons comme exemples ; Sumniu sententiaiuni, ]. VI, 6, P. L., t. clxxvi, col. 142-143 ; Sententiæ divinitatis, v, édit. Geyer, p. 130, 139 ; Ognibene, op. cit., édit. Gietl, p. 227 ; l’anonyme de Saint-Florian, ibid., p. 227 ; Pierre Lombard, op. cit., 1. IV, dist. XI, 6 ; Honoré à'Autnn, Elucidarium, i, 28, P. L., t. cLxxii, col. 1129 ; Innocent III, op. cit., 1. IV, 3, P.L., t. ccxvii, col.S54, etc. Innocent III profite de cette question pour établir une connexion nouvelle entre l’eucharistie et l’incarnation, op. cit., 1. IV, 21, P. L., t. ccxvii, col. 874 ; du reste, cette tendance s’accuse fréquemment ; nous l’avons signalée déjà chez Honoré d’Autun, Euchaiislion, iii, P. L., t. cLxxii, col. 1251, chez Guillaume de Saint-Thierry, op. cil., II, P. L., t. CLXxx, col. 348, chez Nicolas d’Amiens qui a une réminiscence ou une imitation anselmiennc, semble-t-il. De aiie seu de articulis culholicte jidei, iv, 3, P. L., t. ccx, col. 613-614.

C’est sous ces espèces que le Christ se comamnique, car la chair sanglante ferait horreur et ainsi la foi garde en même temps son mérite ; cette idée perpétuée depuis Paschase Radbert, dont le traité est toujours fortement utilisé, £)eco/-po/e et sanguine Domini, xiii, P. L., t. cxx, col. 1316, se retrouve sans cesse au xii<e siècle dans les écrits des magistii, des canonistes ou théologiens, les sermons, etc. Citons VElucidarium d’HoJioré d’Autun, i, 28, P. L., t. clxxii, col. 1129 ; la Sunima sententiœum, 1. VI, 4, P.L., t. clxxvi, col. 141 ; les Sententiie diuinilalis, v, édit. Geyer, p. 130 ; Gratien, £)eco/ ! S( ; c/-a^(ci/ie, édit. Quaracchi, dist. II, c. 72 ; Pierre Lombard, 1. IV, dist. XI, p. 239. Il faut du pain de froment, triliceus, nisi de frumento, comme disent Pierre Lombard, 1. IV, dist. XI, 8, et Alain de Lille, Regulæ theologicæ, 109, P. L., t. ccx, col. 679. Uhordaceus ne suffit pas, étant destiné aux jumenla. Ce pain doit être sans levain, et ici s’ouvre habituellement un paragraphe polémique contre les grecs. Les uns sont violents et sévères ; ils voient même

une véritable hérésie dans l’cinploi du pain levé ; tel Alger de Liège, op. cit.. ii, 10, 8, P. L., t. clxxx, col. 827-830. Les autres sont plus modérés et conciliants, comme Gerhoch, Liber de simoniacis, ibid., p. 258, ou Innocent III, op. cit., 1. IV, 4, P. L., t. ccxvii, col. 854 ; plusieurs se ressentent des pourparlers engagés au milieu de ce siècle avec les grecs et dont Anselme de Havelberg, l’un des prélats les plus en vue de l’Allemagne du nord, nous a laissé un compte rendu dans ses Dialogi (voir son échange de vues avec l’archevêque de Nicomédie, sur le fernientalum et Vazijmum, Dialogi, iii, 17-19, P. L., t. clxxxviii, col. 1234-1241). Il en est, comme Gandulphe de Bologne, qui ne se refusent pas à admettre une révélation spéciale, faite à l'Église grecque sur ce point : Verisimile videtur quod alicui doctorum eoruni levelalum fuerit (glose de Gandulphe ; De consecratione, dist. II, c. 3, conservée par Jean le Teuton et imprimée en marge dans les éditions du Corpus juris, par exemple, Lyon, 1624, p. 1913), et Huguccio de Ferrare († 1210) répète son maître Gandulphe (ms. de Cambrai, col. 347 r°). Au vin il faut ajouter l’eau, ce que l’on appuie souvent de raisons symboliques, par exemple, Pierre Lombard, 1. IV, dist. XI, n. 7. Si l’eau n’est pas ajoutée au viii, la Suirima sententiarum n’ose pas se décider pour ou contre la validité, 1. VI, 9, P.L., t. CLXXVI, col. 145 ; Gra tien dit o^err/ non licet, De consecratione, dist. II, c.2, 7. Pour Roland, le sacrement est valide, mais il conseille de recommencer le tout. Op. cit., édit. Gietl, p. 231-232. Pierre Lombard, qui a tout un paragraphe sur la question, concède avec quelque hésitation la valeur de ces consécrations sans eau, en s’appuj’ant sur l’exemple des grecs. Op. cit., 1. IV, dist. XI, n. 8. Anselme de Havelberg rapporte sa conférence à ce sujet, au ch. xx. Dialogi, iii, 20, P. L., t. clxxxviii, col. 1241-1245. Plus tard, Etienne de Tournai se prononce contre la validité, si l’omission de l’eau ou du vin a été produite par la présomption ou l’hérésie : secus est, ajoute-t-il, si ignoranlia vel negligentia (solum vinuni vel solxim uquam fundal).Op.cil., part. III, dist. II, ci, p. 270. On peut voir dans Innocent III, op. cit., 1. IV, 18, 22, 23, 24, 25, 31, etc., la solution de divers cas pratiques relatifs à la forme ou à la matière du sacrement. P. L., t. ccxvii, col. 869, 872, etc. Nous passons également la question fréquemment débattue, si cette eau est aussi transsubstantiée au sang du Christ. Voir Innocent III, op. cit., 1. IV, 29, ibid., col. 876.

9. Minisire de l’eucharistie.

Le ministre du sacrement est le prêtre : on rencontre quelques allusions aux prétentions des vaudois et d’autres sectes qui veulent que les profanes puissent consacrer le corps et le sang du Christ (cf. les œuvres polémiques citées au début de cet article, à propos des attaques des hérétiques) ; avant le milieu du siècle déjà, saint Bernard en parle longuement dans deux de ses sermons in Cantica. C’est probablement ce même motif de respect pour les droits de la hiérarchie sacerdotale qui fait tant insister à ce moment sur l’exercice des ordres ecclésiastiques par le Christ lui-même durant sa vie mortelle. Aux textes cités dans l’article sur Pierre Lombuid et les sept ordres ecclésiastigues, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1909, t. x, p. 296, n. 3, on peut ajouter ceux de Hugues de Reading ou de Rouen, Contra hæreticos libri très, 1. II, 9, 10 ; 1. III, 2, P. L., t. cxcii, col. 1280 sq., et d’Innocent III, op. cit., 1. I, 3-5, etc., P. L., t. ccvii, col. / 76-777, etc.

Une opinion connexe rappelée par.bélard, mais qui a comme point de départ une idée exagérée de l’eflicacité des paroles sacramentelles, attribue toujours sa valeur à la formule consécratoire, fût-elle prononcée