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EUCHARISTIE AU XIP SIECLE EN OCCIDENT


mais suivre la foi et il achève en disant : potissimum vero circa hoc sacramentum suum experitur et agnoscil defeclum omninwdo, nisi quia vel hoc videt esse ralionabile ut in Dei secrelis homini ad crcdendum traditis quod penetrari non potest ratione, non tawen excidat a fide. Ibid., col. 1154. Hugues de Saint-Victor, qui a ici de fort judicieuses réflexions sur l’incapacité de la raison humaine à tout comprendre, reste fort en deçà de ces lignes de Hildebert, dans son c. xi, De sacramentis, 1. II, part. VIII, P.L., t. clxxvi, col. 469, mais les expressions qu’il emploie dans le c. xiii sur la présence corporelle momentanée du Christ, chaque fois qu’il vient en nous, sont des plus justes et peu fréquemment rencontrées. P. L., t. clxxvi, col. 470. La Summa sententiaruni ne dit rien de cette matière. Les Sententiae divinitatis se contentent de dire à propos de la triple fraction : et iamen non sunt très Christi sed unns Christus, à la manière du Qnicunique, pour la Trinité, édit. Geycr, p. 138. UEpilome d’un disciple d’Abélard est non moins bref, et, à part l’allusion à la forma in aère, orthodoxe, c. xxix, P. L., t. clxxviii, col. 1743. Pierre Lombard a entrevu la diffîculté à propos du sacrifice de la messe, mais n’y insiste nullement, 1. IV, dist. XII, 7. Roland également se contente de l’affîmiation de la doctrine, édit. Gietl, p. 222.

Robert PuUeyn s’étend un peu plus sur les merveilles de cette présence et la toute-puissance divine qui a fait d’autres merveilles. Sententiæ, VIII, 4, P. L., t. cLxxxvi, col. 965. Hugues de Rouen affirme toutes les caractéristiques de cette présence mulli pliée simultanément en tous les endroits, sans diminution ni augmentation de ce corps, etc. ; mais comme réponse à la difficulté, il se contente de dire : transcendit communem moreni creatæ substantise. Dialogorum libri Xll, 1. V, 15 P. L., t. cxcii, col. 1210. C’est de cette même dilTiculté que profite Pierre de Poitiers pour donner carrière à ses tendances dialecticiennes ; mais s’il ne dépasse guère ses prédécesseurs dans l’analyse métaphysique, il a sur eux l’avantage d’une plus grande précision dans le vocabulaire et il conclut : quod non est niiruin, narn sicut habuit singularem slalum beatiludinis, étions habuit singularem statum localitatis ; puis plus loin, eadem quoquc virtute (comme dans la naissance virginale, dans la résurrection, etc.), corpus suuni non breviutum, non diminutum in oris augustias recipere fccit, op. cit., ù’isX. XII, P. L., t. ccxi, co !. 1251, 1254 ; la multiplication de cette présence dépasse ix ses yeux toute explication. Alain de Lille parle, comme Pierre de Poitiers, du corjis du Christ déposé sur les lèvres des lidèles : cum jam sit glori/icatum, nec aliquam in loco distantiam jaciat. Contra lurreticos, I, 57, 58, P. L., t. ccx, col. 3, 59,.361. Innocent III n’en dit pas davantage. Op. cit., I. IV, c. xxvii, P. L., t. ccxvii, col. 875. Il recourt, comme Grégoire de Bergame, voir plus haut, à l’analogie de la parole humaine, dont le son remplit l’oreille de tous les auditeurs à la fois, ibid., col. 875, mais se pose la question en refusant d’y répondre : tntiits est in talibus dira rnliuncm subsisterc quum ultra ratinnem excedcre. Op. cit., IV, c. viii, /’. L., t. ccxvii, col. 861 ; voir aussi IV, c. xvi, ibid., col. 868. Il y a unanimité pour reconnaître que le corps échappe aux lois de l’espace ; mais les essais d’explication sont hésitants. Sur l’usage et le sens du mot localis, les pages d’Alger, correctes pour l’idée et d’niu’grande influence sur les écrivains ultérieurs, montrent combien les expressions devaient encore se fixer. De sacramento allaris, jualogus, P. L., t. CLXXX, col. 741. Voir aussi la note de Darwell Stone, A hisloryol thr doctrine of the hohj cucharist, Londres, 1909, t. I, p. 270, n. 4 ; l’on peut mellre en regard les lignes de Zacharias Clirysopolilanus, sur la présence du Christ, locnliter et invisibiliter in cœlo…, Deus illo calis, etc. Op. cit., IV, 156, P. L., t. clxxxvi, col. 507, 508.

3. Humanité et divinité. Adoration. — Sur la présence de l’humanité et de la divinité dans les espèces sacrées, le farouche polémiste antidialecticien des bords de l’Inn, Gerhoch de Reichersberg, a une’expression qui ne satisfait pas Eberhard de Bamberg, divinilas cum Iota humanilale voratur et qui occasionne des conflits. Sa place appartient plutôt à l’histoire des controverses christologiques qui sont si vives alors et dont cette formule renouvelle un moment l’intensité. EpisU, VII, de Gerhoch ; viii, d’Eberhard, etc., P. L., cxciii, col. 497, 504. Guillaume de Saint-Thierry avait été plus discret dans le choix de ses expressions. Op. cit., x, P. L., t. clxxx, col. 358.

L’adoration du Christ dans l’eucharistie, mise en question par Folmar, est également un corollaire de la christologie (voir plus haut) qui a si souvent provoqué la fécondité de la plume de Gerhoch : Schedulas domini G. quitus, jam omnes pscnc anguli lerræ repleii sunl, comme dit Eberhard. Epist., iii, P.L., t. cxciii, col. 500. Cf. Liber de glorificationc, etc., xin.

4. Fraction de l’hostie.

Parmi les autres questions qui se groupent autour de celle de la présence réelle, il en est deux encore, qui ont spécialement préoccupé l’attention du xiie siècle et y ont trouvé, après bien des tâtonnements, une solution satisfaisante dont a hérité la théologie catholique. L’une d’elles est celle de la fraction de l’hostie ; l’autre regarde la permanence de la présence réelle après la communion, ou dans les hosties tombées sur le sol, corrompues, mangées par les animaux, etc.

Le premier problème avait été angoissant à son heure, notamment chez certains partisans de Paschase dans la controverse contre Ratramne de Corbie, ou chez les tenants d’une interprétation trop grossière de la confession de foi imposée à Bérenger par le cardinal Humbert. Voir, par exemple, le texte cité plus haut de Zacharias Chrysopolitanus, In unum ex quatuor, IV, 156, P. L., t. clxxxvi, col. 508, ou l’expression de Roland Bandinelli, op. cit., p. 233 : quod videtur probari passe ex juramento… Bercngario privstito (à savoir que le corps même du Christ est divisé) ; les gloses imprimées du Décret permettent de refaire partiellement l’histoire de l’interprétation de cette formule. De consecratione, dist. II, c. 42.

Les recueils canoniques, qui, tous ou peu s’en faut, enregistrent désormais cette profession, comme ceux d’Yves de Chartres, Panormia, I, 126, P. L., t. clxi, col. 1072, ou de Gratien, De consecratione, dist. II, c. 42, 77 ; voir aussi c. 37, Dum hoslia frangitur, contribuaient d’ailleurs à perpétuer la question. Le même résultat était dû au prestige fascinateur du tri/orme corpus Domi ni, depuis qu’un copiste avait mis par erreur sous le patronage du pape Sergius un texte tombé jadis de la plume d’Amalaire et primitivement assez mal accueilli. Vacant, Le sacrifice de la messe dans la conception de l’Église latine, extrait de V Université catholique. Paris, 1894, p. 31, n. 2 ; il n’est guère de théologien, de canoniste ou de liturgiste qui ne l’invoque d’une certaine façon (voir plus liaut) ; à l’aurore du xiiie siècle. Innocent III reconnaît combien la question offre encore de difficultés : a paucis intctligi, dit-il. Op. cit., 1. IV, c. IX, /’. L., t. ccxvii, col. 861.

La réponse que lui apporte le Viclorin est exacte, mais n’expli<|ue rien : le corjis du Christ a l’air d’être divisé ; en réalité, il nv l’est pas, il est tout entier dans chaque partie ; Hugues se rejette sur la toute-puissance, non idco lalsumest quia nUrum est. Et verum est quia niiruni est, nec tamen sit mirum quia opus Dei est. Op. cit., I. H, part. VIII, 7, /’. L., t. clxxvi, col. 469. Pas un mol ici de la fraction des espèces :