Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/644

Cette page n’a pas encore été corrigée
1259
1260
EUCHARISTIE AU XIP SIÈCLE EN OCCIDENT


ecclésiastiques d’Angleterre ou de France, etc., par exemple, sur la communion sous les deux espèces, Senienliæ, viii, 3 ; iii, 9, P. L., t. clxxxvi, col. 9C3, 964, etc. ; voir les excellentes notes de dom Mathoud, col. 10, 53, etc. Malgré cela, on peut ici ne pas s’arrêter longuement à son œuvre, beaucoup moins bien ordonnée que celle des autres Sommistes et, semble-t-il, sans postérité littéraire directe ; même la dépendance de Pierre Lombard, que nous ne voulons pas nier, n’est encore nullement prouvée. Les chapitres sur l’eucharistie, viii, 1-7, col. 959-988, ont une page excellente sur la conversion et les accidents (forma, qualilales naliiræ, dont nous reparlerons plus loin), et quelques lignes sur la valeur de la consécration par les indignes, viii, 6, col. 968. Par contre, il attribue trop de réalité aux effets des figures antiques de l’eucharistie, c. viii, 1, col. 959, 961 ; voir les notes de Mathoud. L’espèce de catéchisme de l’eucharistie, d’Honoré d’Autun (voir plus haut), avait ici la note juste, Eucharislion, c. xi, P. L., t. cLxxii, col. 1256 ; on peut comparer aussi le chapitre de Hugues de Saint-Victor. De sacramentis, I. H, part. Vin, 5, P. L., t. clxxvi, col. 465.

Des autres recueils, fruits en partie de l'école abélardienne (du Magister Petrus, nous l’avons vii, il nous reste autant que rien), nous nous contenterons de citer les Sentences de Roland Bandinelli qui ordonne tout son traité, selon son habitude, en une longue série de questions s’alignant à la file au nombre de trente ; c’est le seul qui ait, comme nous dirions de nos jours, une thèse sur la présence réelle ; les autres n’introduisent ce chapitre que comme une réfutation de l’ancienne objection béreng arienne. Die Sentenzen Rolands, cdit. Gietl, 1891, p. 214-237. Ajoutons-y les Sentences d’Ognibene (ms. de Munich, lat. 1934), les Sentences de l’anonyme de Saint-Florian (ms. X. 264 de Saint-Florian, en Haute-Autriche), dont les points principaux sont fournis en note par l'éditeur de Roland, Gietl. L’Epitome d’un élève d’Abélard, c. XXIX, P. L., t. clxxviii, col. 1740-1744, fort bref en général, et les Sententiæ divinilalis qui se ressentent beaucoup des idées de Gilbert de la Porée ; sur la conversion, il y a là quelques lignes intéressantes. Die Senienliæ divinilalis, édit. Geyer, dans les Beilràge zur Geschichle der Philosophie des Millelallers, t. vii, fasc. 2-3.

L'école de Gilbert de la Porée — car les dernières recherches donnent à croire que l’enseignement de l'évêque de Poitiers laissa des disciples et des œuvres — ne semble pas avoir eu quelque doctrine spéciale par rapport à l’eucharistie. Nous avons déjà mentionné les Senienliæ divinilalis ; le Spéculum universale de Raoul l’Ardent, écrit plus tard, est encore inédit. Cf. Geyer, arl. cil., dans la Tiibinger Iheologische Quarlalschrifl, 1911 ; Grabmann, Geschichle der Scholaslichen Melhode, Fribourg-en-Brisgau, 1909, p. 246 sq.

La Summa sententiarum, plus succincte et en certains points plus précise que le De sacrcmuntis, unit les deux courants abélardien et victorin, 1. VI, c. ii-ix, P. L., t. CLXXVI, col. 139-146. Voici le contenu de son traité sur l’eucharistie : généralités, figures symboliques, cause de l’institution, c. ii ; théorie du sacramentum, sacramentum et res, res sacramenti, c. m ; la forme, les species subsistent ; pourquoi sub specie, c. IV ; quelques erreurs sur la présence réelle, sur la conversion, c. v ; pourquoi deux espèces, c. vi ; double manducation par les bons et les méchants, c. vu ; fraction des espèces du pain, c.viii ; signification des parties de l’hostie, quelques expressions difficiles des Pères, valeur des consécrations par les hérétiques et les excommuniés indignes (réponse plutôt négative, car le mot offerimus, dans le canon, veut qu’il y ait communion avec l'Église). On le voit, c’est un exposé fort

rapide, mais ici de même que pour d’autres chapitres, tout à peu près a été utilisé par les recueils ultérieurs ; cf. les Senienliæ divinilalis, P.oland, Pierre Lombard, etc., et à ce titre il fallait développer ici le contenu.

b) Pierre Lombard. — L'œuvre de Pierre Lombard doit nous retenir davantage, puisqu’elle sert de guide aux théologiens de l’Occident et de thème à leurs développements pendant des siècles.

Comme toutes les compilations, les pages de Pierre Lombard sur l’eucharistie, 1. IV, dist. VIII-XIII, se ressentent de la diversité des sources auxquellesil puise. L’absence d’un plan d’ensemble dans la juxtaposition des chapitres et des paragraphes est rendue plus sensible encore par l’emploi de formules de transition, telles que : sunt alii qui, dist. X, 1 ; si autem quæritur, dist. XII, 1 ; si vero quæritur, dist. XI, 8 ; solel eliam 9u « ri, dist. XII, 2 ; XII, l ; pos/ /iacguien/ur, dist.XII, 7 ; el sicut quæ res sunl, eliam duo sunt modi, dist. IX, 1, etc. Cela permettait à l'écrivain de placer sans peine à la suite les^ moindres lignes inédites que pouvait présenter un de ses modèles, et d’enregistrer à la manière d’un écho toutes les questions discutées dans les écoles, jusqu'à son époque. Ce n’est que l'ébauche d’un plan fragmentaire qui se rencontre après l’introduction cdia ou inler alla, consideranda occurrunt qualuor, dist. VIII, 2, à savoir, inslilulio, forma, sacramentum et res ; encore ne porte-t-il que sur les premiers paragraphes. Par suite, les répétitions ne manquent pas, comme celles qui mentionnent à divers endroits les fruits de l’eucharistie, ou qui traitent des causes de son institution, du sacrifice de la messe, etc. Cf. dist. VIII, 1, 2, 4 ; XII, 7, etc., de la communion fréquente, dist. XII, 6, 7. D’autres fois, l’on se heurte à des hors-d'œuvre, ou à des théories à peine ébauchées ou mal reliées à la matière principale de l’exposé : tels, par exemple, les extraits sur les caractéristiques du sacrement et sacrifice, dist. VIII, 4 ; I, 2 ; XII, 6 ; XIII, 1, et l’essence de l’hérésie, dist. XIII, 2 ; remarquons que la même chose se rencontre chez Grégoire de Bergame, op. cil., c. xxix, p. 113, et d’autres. Ailleurs encore, l’emploi des mêmes termes avec des sens différents accusent une terminologie mal assurée, et trahit sans doute la diversité des sources comme le mot forma appliqué à la formule consécratoire et aux espèces, dist. VIII, 3, 4.

Malgré ces défauts et ces lacunes, l’exposé de Pierre Lombard est le plus complet de tous ceux de son époque, sans pour cela tomber dans la prolixité. Comparées aux traités sur la pénitence, 1. IV, dist. XIVXXIII, et sur le mariage, dist. XXVI-XLII, qui sont diffus, les six distinctions du Magister sur l’eucharistie sont plutôt sobres, voire même concises. Ajoutons qu’elles ouvrent quelque échappée de vue, parfois avec succès, clarté et progrès, sur les questions qui préoccuperont de plus en plus la théologie médiévale, comme celles de la conversion, dist. XI, de la fraction et de la persistance des accidents, dist. XII. Sous réserve des remarques précédentes, on peut dire que l’ensemble se présente dans un ordre convenablement logique : la main expérimentée du compilateur avait eu le talent de retenir les bons morceaux et de les grouper habilement, en dissimulant le mieux possible les manques de cohésion. On en jugera par le plan suivant : après une introduction sur les figures de l’eucharistie et sur son rôle à côté du baptême et de la confirmation (il est plus bref ici que plusieurs de ses devanciers, cf. Pulleyn, Honoré d’Autun, Hugues, etc.), Pierre Lombard passe en revue une série de questions : consideranda occurrunt quatuor, à savoir, l’institution, la forme, le sacranvntum et la res sacramenti. Puis il rattache à la double res sacra-