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EUCHARISTIE AU XIP SIECLE EN OCCIDENT

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Les objections d’ordre cosmologique du traité Contra amaiirianos, c. xi, xii, et d’autres sectes, se retrouvent chez les Sommistes, notamment chez Pierre de Poitiers, op. cit., 1. "V, 12, 13, P. L., t. ccxi, col. 1250 sq., auquel on a un moment attribué la paternité de cet écrit polémique. Cf. Bacumker, op. cit., p. 12-13. Celles qui prennent comme point de départ la manducation des saintes espèces par les animaux, le processus de la digestion, etc., se retrouvent un peu partout. Cf. Alain de Lille, op. cit., I, 57, ibid., col. 359-360, et les Sommistes cités plus loin.

Des allusions aux mêmes séries d’objections se rencontrent à la fin du 1. I de Hugues de Rouen († 1164) ou de Reading, Contra hæreticos. Cꝟ. 1. I, xiv, P. L., t. cxcii, col. 1271-1272, qui contient un excellent chapitre sur l’eucharistie ; mais il est dans l’erreur quand il s’agit des ministres excommuniés. On y trouve un résumé de la doctrine, en opposition aux affirmations courantes des groupements hérétiques. Voir aussi Pierre le Vénérable qui traite longuement le chapitre de la « conversion » . Op. cit., P. L., t. clxxxix, col. 799-808.

3. Conciles contre les sectes hérétiques.

Le xii<e siècle ne nous présente pas, comme la seconde moitié du xi^, une série de réunions conciliaires qui aient pour objet spécial le dogme de l’eucharistie. Signalons seulement celles qui édictent des canons faisant écho aux erreurs des cathares et des autres sectes hérétiques, par exemple, ceux du concile de Lombers, près d’Albi, en 1176, Mansi, t. xxii, col. 162 et 159, qui ne reconnaissent qu’au prêtre le pouvoir de consacrer et affirment la vertu toute-puissante des paroles consécratoires, malgré l’indignité du ministre ; la lettre de Lucius III à l’époque du concile de Vérone (1183-1184), qui constate les erreurs relatives à l’eucharistie, etc., Mansi, ibid., col. 477, ou les décisions du concile d’Oxford en 1161 qui s’oppose à l’expansion des sectes hérétiques en Angleterre. Mansi, t. xxii, col. 1147-1148. En 1210, le concile de la province de Sens, tenu à Paris, s’occupe des amauriciens, dont une des erreurs consiste à ne reconnaître aucune efficacité aux paroles de la consécration : elles ne produisent pas la présence réelle, elles la constatent, subesse ostenditur. Mansi, t. xxii, col. 809, 801. D’autres conciles s’occupent du respect que les fidèles et les prêtres doivent au sacrement. Rouen, 1187, can. 3. Mansi, ibid., col. 677, etc. Quelques décrets portent le reflet des discussions de l’école sur des cas de rubrique importants ; l’un d’eux suppose une décision ferme entre deux avis contradictoires à propos de l’élévation et du moment de la transsubstantiation, York, décret 1, ibid., col. 653, et Eudes de Paris, c. V, et Communia præcepta, 22, 28, ibid., col. 681682. A la veille du concile de Latran de 1215, il faut mentionner encore la profession de foi imposée aux vaudois dans les lettres d’Innocent III, de 1208, à l’archevêque de Tarragone, de 1210, etc., P.i, ., t. ccxv, col. 1510 ; t. ccxvi, col. 269, 274, etc.

Traités divers sur l’eucharistie.

1. Lettres, consultations,

etc. — La diffusion de ces erreurs et l’attention donnée aux mystères eucharistiques explique aussi le grand nombre de traités, de consultations, de lettres, de sermons, etc. — et l’inédit n’est pas à la veille d’être connu tout entier — qui parlent du saint-sacrement au xiiie siècle. Beaucoup de ces traités sont rédigés sous forme de lettres ou de consultations, dans le genre de celle de Guitmond d’Aversa interrogé par un correspondant, Erfast, sur les comparaisons de la Trinité avec la sphère, sur le mystère de l’autel, etc. P. L., t. cxlix, col. 1501. Remarquable est la courte lettre de saint Anselme, à l’aurore du xiie siècle (est-elle vraiment de lui ? comme le veut sans équivoque l’Histoire littéraire de la France,

t. IX, p. 439) ; la tradition manuscrite n’est pas concluante ; la terminologie et la forme de l’écrit trahit, beaucoup plus qu’une rédaction épistolaire, un extrait de traité di(l ; ictique qui passe en revue les questions des écoles du xui’e siècle ; elle les suppose déjà presque toutes et les aligne à la file en résumé sans guère d’originalité ; comparer aussi avec la Responsio ad Walerani querelas, c. ii, P. L., t. clviii, col. 553, et avec les Sententiæ divinitatis, p. 133, pour les exemples cités, ibid., col. 256, qui résume avec beaucoup de précision, de sobriété et d’exactitude nous dirions volontiers ce qui sera l’enseignement scolaire — car il anticipe sur l’avenir — sur divers points de la théologie de l’eucharistie. A signaler ce qu’il dit de la concomitance, cf. Loofs, Leitfaden der Dogmengeschichte, 4e édit., p. 504 : in acceptione punis totum Christum Deum et hominem et in acceptione sanguinis similiter totum accipimus, P. L., t. clxix, col. 255258 ; sur les espèces qui sont broyées par la manducation, transportées, etc., col. 256, et sur l’erreur de ceux qui soutiennent qu’on reçoit le corps sans l’âme ; on peut en rapprocher Roland Bandinelli, op. cit., édit. Gietl, p. 226-227.

Une lettre de réelle valeur dans le développement théologique du xiie siècle est celle d’Arnoul de Rochester († 1124), ancien élève de Lanfranc, en réponse aux cinq questions d’un confrère, nommé Lambert, sur divers usages eucharistiques ; la maladie lui avait permis de mûrir sa réponse pendant deux ans. On peut en rapprocher les idées de saint Anselme sur la diversité des rites et des coutumes liturgiques, voir plus loin ; mais c’est surtout à propos de la présence du Christ sous chacune des deux espèces que la lettre vaut la peine d’être signalée ; sa date ajoute encore à son importance. D’Achery, Spicilegium, PaTis, 1681, t. II, p. 431-444. Elle n’est pas reproduite dans Migne.

Le court morceau de Geoffroy de Vendôme († 1132) : Tractatus de corpore et sanguine Domini, P. L., t. et vii, col. 211-214, est plutôt une espèce de profession de foi très nette, qui laisse percevoir encore la trace du trouble semé par la controverse bérengarienne ; elle est fort claire sur la conversion, col. 212 : aucune spéculation, mais simple affirmation de la doctrine qui s’en remet, pour le quomodo, à la toute-puissance créatrice, si souvent invoquée par Guitmond, Alger et avant eux par Paschase, etc. : Qui talia quæris, noli errare, col. 213.

La consultation de Guibert de Nogent († 1124) : Epistola de buccella Judæ tradita et de verilate corporis Chrisii, P. L., t. clvi, col. 527-532 (la fin des ch. ivet v traite de tout autre chose ; à part quelques lignes, col. 534, c’est le commentaire dellIReg., xvii, 3-15) répond à la double question communiquée par Sigefroid de Saint-Vincent sur la communion de Judas : question fort débattue, à cause des avis contraires de saint Augustin et de saint Léon d’une part, de saint Hilaire et de Victor de Capoue de l’autre ; cela explique aussi sa présence chez tous les Sommistes, ou peu s’en faut, jusqu’à Innocent III. Cf. S. Bernhard, War Judas der Verràter bei der Einsetzung der ht. Eucharistie gegenwartig, dans Zeitschrift fiir katholische Théologie, 1911, t. xxxv, p. 30 sq. Rupert de Deutz a soutenu même une polémique sur ce sujet, avec un maître réputé, qu’il ne nomme point. Super qusedam capitula regutæ S. Benedicti, i, P.L., t. clxx, col. 496. Guibert résout la question affirmativement : Judas a communié vraiment, mais cette communion a eu lieu en même temps que celle des autres apôtres, et non avec la buccella panis reçue des mains du Sauveur. Sur ce premier problème s’en greffait un second, connexe avec celui de la manducation du corps du Christ par les mauvais : notre sacrement de l’eu-