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EUCHARISTIE DU IX « À LA FIN DU XP SIÈCLE


t. cxx, col. 528 ; de Théophylacte (vers 1081), Enarratio in Evangelium Matthæi, c. xxvi ; in Evangelium Marci, c. xiv ; in Evangelium Joannis, c. vi, P. G., t. cxxiv, col. 288, 389, 711, cf. col. 111-118, etc. Enfin, dans ses entretiens polémiques avec les musulmans, Théodore Abucara (vers 820) explique, par une comparaison imparfaite mais qui a le mérite de ne pas laisser de doutes sur la réalité du changement, que le pain et le vin se changent, [j.£tâôa).>, Ei, au corps et au sang du Christ. OpuscuL, XXII, P. G., t. xcvii, col. 1553. A son tour, Samonas de Gaza (vers 1050) traite, avec un sarrasin, de la réalité du corps et du sang du Christ dans le pain et le vin consacrés par le prêtre ; il commence par reproduire en entier — sans en avertir — l’opuscule de Théodore Abucara, P. G., t. cxx, col. 821-824 ; puis, à diverses reprises, il insiste sur la conversion du pain et du vin eucharistiques ; il ne veut pas qu’on appelle exemplaire du corps du Christ, ou simple pain, ou figure ou image, ce qui est le corps même du Christ notre Dieu, col. 828. « Ce très saint corps du Christ, dit-il, col. 832, est assis et demeure auprès du Père. Cependant, le pain étant consacré par le prêtre et changé, par la puissance divine et par l’avènement du Sain) -Esprit, au vrai corps du Christ, quelque division qu’on en puisse faire, le corps du Christ demeure tout entier et vivant dans chaque partie… Lors donc que le pain consacré, qui est le très saint corps du Christ, est divisé en parties, ne pensez pas que ce corps soit divisé, ou déchiré, ou démembré, car il est immortel, incorruptible, et incapable d’altération ; mais cette division ne tombe que sur les accidents sensibles après la consécration, » àXX’oTt (jLîptfjp.ô ; â<TTtv èx£îvo ; TMv aiTOr.Ttiiv t7U[j.6Eê-i^xÔT<i)v (xdv’jv ucTa Tov â-(- ; aiT ! j.6v. Rarement la pensée grecque a atteint cette plénitude d’expression.

II. Les résultats.

l" La présence réelle. — La présence réelle fut niée dans la période qui va du ix « à la fin du XIe siècle. S’il n’y a pas à s’arrêter à un passage de Paschase Radbcrt, Liber de corpore et sanguine Domini, c. xxi, n. 1, P. L., t. cxx, col. 1333, où il est question des « sornettes » , non pas d’hérétiques récents, mais des millénaristes, en revauclie, dans son Exposilio in Malihœum, 1. XIT, c. xxvi, P. L., t. cxx, col. 890, Paschase parle de « certains » qui disent non in re esse verilatem carnis Christi vel sanguinis, sed in sacramento virfutem carnis et non carnem, virtutem sanguinis et non sanguincm, figurant et non veritatem, umbram et non corpus. Cf. encore Paschase, Epist. ad Frudegardum, P. L., t. cxx, col. 1351, 1352, 1356-1357, 1361, et InConlessio fidei attribuée àAlcuin, part. IV, c. v, P. L., t. a, col. 1089. Les novatiens, auxquels Mabillon avait d’abord songé, Acta sanctorum ordinis sancti Benedicii, sæc. iv, part. II, t. vi, p. xiii-xiv, ne semblent pas visés dans ces textes ; ceux qu’ils concernent, ce sont bien plutôt, d’après une hypothèse que Mabillon préfère, les catholiques, qui liœresim mente facile concipiunt lamelsi cam verbis non disséminent, p. XIV, semblables à ce saint vieillard, admirable en ses actions, mais simple en sa foi, » dont les Vies des Pères du désert, reproduites par Paschase, Liber de corpore et sanguine Domini, c. xiv, n.4, P. L., t. cxx, col. 1318, racontent que, par ignorance, il disait non esse naturale corpus Clirisli pancm istum quem sumimus sed figuram ejus esse, ou semblables à ces esprits qui jugent trop charnellement de l’eucharistie et que dénonçait Fulbert de Chartres, à ces I jcrcs du temps de saint Odon, archevêque de Cantorbéry († 958), dont le biographe du saint, Osbem (f vers 1100), rapporte, Vita sancti Odonis, c. x, /’. L., t. cxxxiii, col. 939, qiic, mnligno errore seducti, iissevrrare ronahantur pancm ri vinum quw in altari p’inuntur posi rnnsecrationem in priori subslantia permanerc, et figuram tantummodo esse corporis et san guinis Christi, non verum Christi corpus et sanguincm. Cf. Guillaume de Malmesbury, De gestis pontiflcum anglorum, I. I, P. L., t. clxxix, col. 1452-1453. Les néo-manichéens d’Orient, au ixe siècle, et, au commencement du xie siècle, ceux d’Occident (Orléans et Arras) inscrivent la négation de l’eucharistie parmi les principaux articles de leur croyance. Une secte d’iconoclastes en fait autant. Parmi les écrivains, peut-être Jean Scot Eriugène, et, plus probablement quoique non certainement, Bérenger, nient la présence réelle. Un groupe de partisans de Bérenger, les umbraiici opposés aux impana/ores, considère l’eucharistie comme une simple figure et une ombre du corps véritable du Christ.

Toutefois, ce n’est pas sur le terrain de la présence réelle quesepose la question eucharistique au ix’^siècle. Il n’y a plus à établir que le dogme de la présence réelle n’a pas été inventé par Paschase Radbcrt. Que le ministre Aubertin et surtout le ministre Claude aient attribué cette paternité à Paschase et se soient crus autorisés à l’affirmer au nom de l’histoire, cela est une belle preuve des excès où peuvent tomber des hommes de talent quand la passion les aveugle. Il est inutile de reprendre, sur ce point, la polémique des auteurs de la Perpétuité de la foi de l’Église catholique sur l’eucharistie, 1. VIII, c. viii-x ; 1. IX, c. vi-xi, édit. Mignc, 1841, 1. 1, col. 854-879, 925-978 ; cf. col. 1546. L’argument de « prescriptioii » développé par les auteurs de la Perpétuité, et devenu classique en théologie, cf., par exemple. Ad. Tanqucrey, Synopsis theologiæ dogmaticae spccialis, 2’= édit.. Tournai, 1897, t. II, p. 333-336, a perdu de son importance depuis qu’on a ramené le rôle de Paschase Radbert à ses justes limites. Non seulement Paschase n’est pas le novateur qu’on avait prétendu, mais la controverse dont son Liber de corpore et sanguine Domini fut l’occasion ne porta point sur le fait de la présence réelle. Ici encore, les positions des coiitroversistes protestants du xviie siècle ont été reconnues impossibles à tenir. Les calvinistes revendiquaient, parmi les précurseurs de leur symbolisme eucharistique, Ratramne (souvent sous le nom de Bertram), Jean Scot Eriugène, Raban Maur, Héribald d’Auxerre, Prudence de Troyes, Florus de I-yon, Servat Loup de Ferrières, Walafrid Strabon, Christian Druthmar, Rcmi d’Auxerre, etc. ; il y a plus, un moment ils avaient entrepris de s’annexer Paschase lui-même. Or, il est vrai qu’on peut constater, au ix'e siècle, l’existence de deux courants, dont l’un peut être appelé réaliste et l’autre symboliste, mais à la condition de ne pas prendre ces mots dans un sens rigoureux et exclusif, et de se rappeler que ces deux courants, qui jjartent, l’un, et c’est le symbolisme, de saint Augustin, l’autre, le réalisme, de saint Ambroise, sont " distincts ii, mais " non point contraires ", qu’ils se sont entrecroisés un peu partout le long des siècles, cf. P. Batiffol. L’eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, p. 339, 341, et qu’ils se rencontrent fréquemment au temps de Paschase Radbert et tout d’abord dans les écrits de Paschase. « L’hérésie d’aujourd’hui, a dit Pascal, Pensées, ne concevant pas que ce sacrement (l’euchiiristie ) contient tout ensemble et la présence de Jésus-Christ et sa figure, et qu’il soit sacrifice et commémoration de sacrifice, croit qu’on ne peut pas admettre l’une de ces vérités sans exclure l’autre. » Les écrivains du ixe siècle admettaient l’une et l’autre vérité, mais chacun, selon les circonstances ou sa tournure d’esprit, donnait son attention i^ l’une plutôt qu’à l’autre. En ce sens, ils se partagent en symbolistes et réalistes. Quant à vouloir les classer en symbolistes et en réalistes, comme si les réalistes affirmaient la iircscncc réelle qui serait niée par les symbolistes, c’est une tentative condamnée par l’histoire. On a pu s’y