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EUCHARISTIE DU IX" A LA FIN DU XISIÈCLE

I2IG

l’idenlilé du corps hislorique et du corps eucharisliquc du Christ. Il attaqua la doctrine de Paschase Radbert dans un traité sous forme de lettre à Égil, abbé de Pruni (vers 851). Le point en litige n’était toujours pas la présence réelle ; liaban la professait, et il croj’ait à la conversion du pain au corps du Christ. Cf. Liber de sacris ordinibiis, c. xix, P. L., t. cxii, col. 1185 ; Epist., iii, ad Egilem Prumienscm (tbbalem, c. I, III, IV, P. L., t. cxii, col. 1512, 1514. Mais ce n’est pas penser sainement, rile, disait-il, que de prétendre que le corps du Christ dans l’eucharistie est le même coips qui est né de Marie. Psenitenliale, c. xxxiii, P. L., t. ex, col. 493 ; Episl. nd Egilem, c. II, P. L., t. cxii, col. 151.3. Conflit plus apparent que réel, puisque Rabau déclarait que le corps eucharisticpie et le corps historique ne sont pas deux corps différents naturaliler, mais seulement specialiler, c. iii, col. 1513 : Sane sciendiim est nobis omninn, concluait-il, c. vii, col. 1517, qiiod, licet aliud specialiler corpus Christi, iinde supcriiis dixi, quod sedel ad dexleram Dei, el aliud specialiler islud quod divinitus creatur et consecratur quolidie novum, simul lamen non duo suni (quod absil) corpora, sed unum. Cf. l’auteur anonyme du fragment publié par Mabillon, Acla ordinis sancti Benedicli, ssec. iv, part. II, Paris, 1680, t. vi, p. 596. Avec une terminologie autre, Paschase Radbert avait enseigné la même chose. Raban prête, en outre, à Paschase cette opinion que quolies loto terrarum orbe missarum solemnia celebrantur lolies Dominum noslrum pâli prædical, c. vi, col. 1516. C’est une conséquence qu’il tire de la théorie de Paschase mal comprise ; elle n’appartient aucunement à Paschase. Ajoutons que Raban, interrogé par Héribald, évêque d’Auxerre, ulrum eucharislia, poslquam consumitur, el in secessuni cmillitur more aliorum ciborum, ilerum redecd in nahiram prislinam quam habueral anlequam in allari consecraretur, Pœnitentiale, c. xxxiii, /’. L., t. ex, col. 492, fit une réponse que Mabillon, op. cit., p. XXXVII, qualifie justement de non parum ambigua, et que nous retrouverons plus loin.

D’autres écrivains s’approchèrent de la ligne de Ratramnc et de Raban Maur, admettant la présence réelle, mais plus frappés de l’aspect spirituel et figuratif de l’eucharistie que de son caractère de réalité, plus « symbolistes » que « réalistes » , et ne niant pas ou même insinuant la transsubstantiation, mais s’expliquant peu, ou avec maladresse, sur elle. Tel fut Florus de Lyon, De exposilione missæ, c. ii-iii, lx-lxiv (J. Bach, Die Dogmengeschichle des Millelallcrs, t. i, p. 203-206, 207-211, cite des passages d’un manuscrit, dont il désigne l’auteur, p. xiv, sous le nom d’anonyme de Saint-Blaisc ; il n’a pas vu que c’est le De exposilione missæ de Florus), Opusc. adnersus Amalurium, I, c. ix ; Opusc, II, c. vii, P.X., t. cxix, col. 16-17, 52-56, 77-78, 83-88. Cf. dom R. Ceillier, Hisloire générale des aulears sacrés et ecclésiastiques, t. xix, p. 7-9. Tel encore Christian Druthmar, moine d’abord à Corbie, puis (vers le milieu du ix'e siècle) à Slavelot ; il y écrivit une Exposilio in Matlhœum, dont le commentaire de l’institution de l’eucharistie, /’. L., t. cvi, col. 1476-1477, s’il peut recevoir « un sens très catholique » , comme s’applique à le démontrer dom Ceillier, t. xviii, p. 690-692, est d’un symbolisme aigu. Tel Walafrid Strabon († 849), De ecclesiaslicarum rerum cxordiis et incrementis, c. xvi-xvii, P. L., t. civ, col. 936-937. Ces écrivains, expliquant dans un but pratique la liturgie et l’Écriture, appuient moins sur la réalité de la présence eucharistique du Christ que sur le côté spirituel et éthique du sacrement, sur les rapports avec la vie religieuse des fidèles ; ils symbolisent volontiers, mais sans tomber dans les extrêmes du symbolisme calviniste.

Toutefois, l’influence de Ratramne ne fut ni exclu sive ni prédominante. De nombreux écrivains se rangèrent à la suite de Paschase Radbert. Cf. Mabillon, Acla ordinis sancti Benedicli, t. vi, p. xvii-xix. Le plus illustre fut Hincmar († 882), De prædestinatione dissertalio poslerior, c. xxxi ; Explanalio in ferculum Salomonis (en prose) et Ferculum Salomonis (en vers) ; De cavendis viliis et virtutibus exercendis, c. viii-x, P. L., t. cxxv, col. 296, 827, 1202, 914-930. Le plus explicite, celui qui eut « les expressions les plus poussées du dogme de la transsubstantiation, moins le mot lui-même, » dit P. Batifi’ol, Nouvelles éludes documentaires sur l’eucharislie, dans la Revue du clergé français. Paris, 1909, t. LX, p. 540, fut Haymon d’Alberstadt (y 853), disciple d’Alcuin et ami de Raban Maur, Exposilio in Episl. I ad Corinlhios, c. x-xi, P. L., t. cxvii. col. 564, 569-575, surtout De corporc et sanguine Domini, P. L., t. cxviii, col. 815-818. Sur l’authenticité de ces écrits (le commentaire de saint Paul a été parfois attribué à Rémi de Reims, ou à Rémi de Lyon, ou à Rcnii d’Auxerre, et, d’après une conjecture plus récente, ces textes eucharistiques auraient été interpolés ou seraient l’œuvre d’Haj-mon, abbé d’Hirschau, 1091), cf. S. M. Deutsch, Realencyktopàdie, 1899, t. vii, p. 348 ; P. Batifïol. Revue du clergé français, t. lx, p. 540, note.

b) Au xe siècle. — L’impulsion que le ix'e siècle avait donnée aux études eucharistiques reste agissante au siècle suivant. Cependant, les écrivains sont inférieurs en nombre et en mérite ; ils n’ajoutent pasgrand’chose aux travaux de leurs prédécesseurs.

L’écrit princiiial est le De corporc et sanguine Domini, dont l’auteur fut appelé jadis l’anonyme de Cellot, parce que son premier éditeur avait été le jésuite CeLot, qui le publia comme l’ouvrage d’un anonyme dans l’appendice de VHisloria Gotleschalci, Paris, 1655. Mabillon, Acla ordinis sancti Benedicli, t. vi, p. xxiixxiii, revendiqua la paternité de cet écrit pour Ilérigcr, abbé de Lobbes († 1007). B. Pez, Thésaurus unecdolorum novissimus, Augsbourg, 1721, t. i b, col. 131, l’attribua à Gerbert (Silvestrc II, f 1003), sous le nom duquel il figure, P. L., t. cxxxix. Les avis des savants se sont divisés entre Hériger et Gerbert. Cf. H. Hurler, Nomenclator lilerarius Iheologiæ calholicæ, 3’édit., Inspruck, 1903, 1. 1, col. 942, 961. Une tentative d’attribution à Jean Scot Érigène n’a pas eu de succès. Naguère, dom G. Morin soumettait la question à un nouvel examen. Revue bénédictine, Maredsous, 1908, t. xxv, p. 1-18, et concluait d’une manière, semble-t-il, définitive pour Hériger. Cf. R. Heurtevent, op. cit., p. 255266. Deux points sont traités dans le De corporc et sanguine Domini : cem de l’identité du corps eucharistique et du corps historique du Christ, et celui du stercoranisme. L’auteur rejette avec indignation le stercoranisme. Quant à l’identité du corps eucharistique et du corps historique du Christ, il démontre que Paschase Radbert, d’une part, et, de l’autre, Ratramne et Raban Maur sont moins éloignés de s’entendre qu’ils ne le paraissent, que les textes des Pères qu’ils allèguent à l’appui de leurs thèses respectives ne s’opposent pas, si on les comprend bien, mais s’harmonisent et se complètent mutuellement. C’est très juste. Au fond, tout en jouant le rôle de conciliateur, Hériger (ou Gerbert ) se rapproche plus de Paschase que de ses adversaires et le loue en des termes qui témoignent de ses préférences : Libcllum… salis ulilem, librumquc dus plurimorum utililali defensum, c. i, viii. col. 179, 187.

Le De corpore et sanguine Domini paraît être de la fin du xe siècle (à la rigueur il pourrait être du commencement du xi « ). Dans les premières années du x'e siècle (peut-être même à la fin du ix*"), Rémi d’Auxerre (f vers 908), a écrit une Exposilio de cclebralionc missse (insérée dans le Liber de diuinis officiis du pseudo-Alcuin, cf. P. L., t. cxxxi, col. 845 ; Hurler, Nomen-