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ENFER (SYNTHÈSE DE L’ENSEIGNEMENT THÉOLOGIQUE]


de son péché. L’âme séparée enfin et radicalement, de par sa psychologie intuitive, est à jamais fixée dans l’immobile par rapport à sa fin dernière ; la mobilité morale supposant essentiellement une psychologie abstractive. Et là se trouve, en effet, pour saint Thomas, l’explication dernière de l’enfer : l’enfer est éternel, non parce que Dieu punit éternellement, jnais Dieu punit éternellement parce que le péché est éternel. Siim. theol., I » , q. lxiv, a. 2 ; Contra génies, 1. IV, c. xciii. Voir Obstination.

Le fond du problème de l’enfer se trouve donc dans la nature du péché non expié et non expiable en l’autre vie. « L’enfer, si nous l’entendons, disait Bossuet, c’est le péché » , le péché dans l’état de terme.

h) Pour la raison théologique, la connexion de réternile de l’enfer avec le dogme révélé est profonde et universelle ; et l’existence de l’enfer éternel est une conclusion logique de tout l’ordre surnaturel. La conduite de Dieu à l’égard de l’iinmanité, les interventions répétées de révélation, de miracles, de grâces sans nombre, de sacrements, d’institutions religieuses spéciales, la loi judaïque, l’Église avec tous ses constitutifs surnaturels divins, enfin la direction particulière de toute l’histoire, selon les fins d’une providence spéciale, supposent pour l’homme l’obligation morale du salut éternel et la sanction éternelle pour les liommes qui, par leur faute, n’ont pas fait leur salut. Pourquoi, de la part de Dieu, tant de menaces contre les péclieurs impénitents, tant de préceptes difficiles à pratiquer, tant de sacrifices, même héroïques, inij^osés à 1 liomme pour le salut, si quelqi’.cs années de soufirances Mans l’autre vie suffisent à expier les plus grands crimes ? Pourquoi l’incarnation, la rédemption par la mort du Fils de Dieu incarné, s’il ne s’agit que d’arraclier l’homme coupable à une peine finie et passagère, si longue qu’on la supjiose ? Ces mystères d’amour infhii ne s’expliquent que si l’humanité pécheresse avait besoin d’être rachetée d’une peine, elle aussi infinie, c’est-à-dire éternelle. Cf. Hottinger, op. cit., p. 396 ; A. Nicolas, op. cit., p. 472.

IV. Les damnés.

Qui sont ceux qui sont en enfer ? — l"Les démons ou anges déchus. Voir t.iv, col. 104-105. — 2°rous les hommes morts en état de péché mortel actuel. C’est de foi définie, au moins .secundiim Dei onlinalionrni commiinem. Xnir col. 91, « t la proposition condamnée par Alexandre VIII. Den/iiigcr-Iiannwart, n. 1290.

1. L’Écriture sainte est explicite à ce sujet. Notre-Seigneur a déclaré qu’il fallait supprimer tout scandale et toute cause de péclié jiour ne pas s’exposer il la géhenne du feu inexfinguilile. Marc, ix, 12-48. Le mauvais riche est en enfer, parce qu’il n’a pas fait lin bon usage de ses richesses. Luc, .vi, li), 2."). Saint Paul a donné à trois reprises un catalogue des péchés <|ui méritent l’enfer. I Cor., vi, 9, 10 : neqiie molles, … neqne Jures, neqiic (wari, neqiie ebriosi, nrque malctliri, nequc rapaces ref/niini Dei possidehiinl ; Gal., V, 19-21 : fornicolio, imnum<liliii, impiidicili(i, liixiiria, idolonim seivilits, veneficia, inimiciliic, contenliones, jemiilalionrs, iræ, dissensiones, seclic, inuidite, Iwniicidin, ebrie.Utles, comessationes, el lus similia… regnum J)ei non ronsequcntur ; I- ; ph., v, ’i : omnis /ornicalor uni imnmndus, mil cwarus, quod rsl idolorum serviliis, non Imbel hcredilalrni in rer/no Christi et Dei.

A la thèse que tout péché mortel non expié à la mort mérite l’enfer, on a opposé le jugement dernier imiquement basé sur les « livres de miséricorde tant « fil côlé des élus que du côté des réprouvés, Matlh., XXV, .’M-4r) ; maiscctte description n’est pas exclusive ; les iriivres de miséricorde accomplies ou omises ne sont qu’un exemple, et un exemple bien choisi d’ailleurs, (le la matière du jugement général, puisque la

DICT. DE TII^OL. CATHOL.

loi et les prophètes se résument dans le précepte de la charité et que la charité efi’ective, celle qui sauve, c’est celle qui s’exerce dans les œuvres à l’égard du prochain, faites surnaturellement pour Dieu. Voir t. ii, col. 2256.

2. La tradition ecclésiastique, dès le principe et sans discontinuité, répéta les menaces évangéliques et apostoliques de l’enfer contre tout iiéché, non seulement contre tout péché d’impiété, d’incrédulité ou d’apostasie, mais contre tous les péchés mortels des chrétiens eux-mêmes. Les Pères apostoliques ne s’adressent qu’aux fidèles et leur pensée est claire dans l’enseignement des deux voies, via vitiv. via mortis. oir col. 48. Les Pères apologistes disent que l’enfer est préparé pour tous les pécheurs païens et chrétiens. Voir col. 49-52. La controverse avec l’origénisme et la discussion de saint Augustin contre les miséricordieux confirment l’enseignement catholique. Voir col. 64-77..près saint.ugustin, il n’y eut plus dans l’Église le moindre dissentiment. Les théologiens qui pensèrent que les damnés sont soulagés par les prières qu’on fait pour eux, ne prétendirent jamais qu’ils sont ainsi délivrés de leur peine.

3. La raison reconnaît clairement qu’il en doit être ainsi. La vie éternelle, c’est l’amour de Dieu, la sainteté béatifiée ; l’enfer, c’est le rejet de Dieu, la fixation dans la fin dernière désordonnée, ou le désordre moral radical, désordre qui résulte du choix décisif de la fin dernière elle-même. Or, tout péché mortel non pardonné établit définitivement le pécheur dans cet état tout de suite après la mort. Au point de vue surnaturel, la vie éternelle, c’est la grâce sanctifiante ; le péché mortel, quel qu’il soit, détruit cette grâce et avec elle la vie éternelle et le droit à l’héritage céleste. Tout homme qui meurt en état de péché mortel, y restant à jamais, ne peut obtenir la vie éternelle ni l’iiéritage céleste. Il est donc nécessairement destiné à l’enfer. Mais y aiira-t-il au moins un milieu après la mort entre le ciel et l’enfer’? Pour les enfants, voir Limbes.

3° Tout homme mort à l’âge de discrétion qui ne sera pas au ciel, sera en enfer. On s’est donc demandé si, après avoir atteint l’âge de raison, un homme pourrait mourir sans avoir ni commis de péclu’. mortel, ni fait d’acte de charité justifiante, ni reçu le baptême, ne méritant ainsi ni le ciel ni l’enfer. Quelques-uns l’ont soutenu, pensant sans doute que le cas se vérifierait pour beaucouj) de païons en par ticulier. Ainsi Dante, In/erno. canto iv, met dans les limbes, avec les enfants morts sans baptême, les meilleurs païens de rantiquité..ristote, Homère, etc. L. Picard, La transrendanee de.JésusChrist. Paris. 1905, t. II, p. 102, 103 : « Là aussi (dans les limbes) sans doute, se trouvera la masse innombrable des infidèles, morts dans l’infidélité ; cette cohue d’êtres humains qui ont traversé l’existence, comme des flocons de neige…, ces innombrables adultes morts ajirès avoir suivi autant que possible les dictées de leur conscience ne seront pas damnés. » Saint Tliomas tient pour absolument imjiossible que des hommes capables de faire des actes libres, moraux, ue soient ni justifiés, ni ]iersonnellement [jécheurs..Siun. Iheol., ni"’Su/’/'/-’({ i-xix, a. 7. ad 6’"" ; surtout I’II » ", q. I. XXXIX. a. (i. La raison {(ii’il en donne est celle-ci : Cum usiim ralionis… habere ineeperil… primiim quod lune homini eof/ilandum oeeurrit est delihenire de seipso el si quideni seipsuni ordiiuuwril ad debilum j’inem per qraliam consequitur remissionrm orii/inalis peeadi ; si vero non ordinel seipsum ad debilum finrm sreundum quod in illa ivUde est eapa.t diserelionis, peerabil moilaliler, non fæiens quod in se est. C’est là une observation très psychologique : un des | » remiers actes libres, moralement accompli par l’homme, est natu V. - 4