Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/604

Cette page n’a pas encore été corrigée
1179
1180
EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES


d’abord categoriqucment la présence réelle, n’empêche nullement d’en découvrir et d’en manifester un autre tout symbolique, celui du corps mystique du Christ. Il y a d’abord le mystère du corps et du sang réels du Christ donnés sous les symboles du pain et du viii, et l’incorporation du communiant au Christ lui-même, qui, par la vertu du sacrement, devient principe de vie divine. Il y a ensuite le mystère du corps mystique, ceci conséquence de cela, car c’est parce que les communiants, en recevant le sacrement, sont incorporés au Christ et vivent du Christ qu’ils forment ensemble un seul corps mystique, l’Église.

5. En résumé, saint Augustin est un témoin du réalisme. S’il parle de figure, de mémoire, ce n’est pas à propos du corps et du sang, mais simplement du signe ou du sacrement, qui figure le corps et le sang, et qui rappelle la passion du Sauveur ; car il a soin d’indiquer que sous le signe ou dans le sacramenium se trouve réellement le corps du Christ, lequel est réellement reçu par celui qui reçoit le signe, et est reçu dans un état spirituel. Le pain, la consécration faite, n’est plus du pain, mais le corps du Christ. Quant à la question de savoir comment le pain cesse d’être et devient le corps du Sauveur, et quelle est la nature intime du changement qui intervient, l’évêque d’Hippone ne l’a pas traitée.

2° Saint Pierre Chnjsologue († 450). — Parmi les autres Pères latins du ve siècle, le dogme eucharistique reste au point où l’ont laissé saint Ambroise et saint Augustin. Saint Pierre Chrysologue n’ofi’re que des allusions à la présence réelle. Iste partis, qui saius in Virgine, jermenialus in carne, in passione confessas, in fornace coctus sepulcri, in ecclesiis conditus. Hiatus altaribus cselestem cibum quotidie fldelibus subministrat. Serm., lxvii, in tradit. oral, dominicæ, P. L., t. lii, col. 392. « C’est dans le sacrement du corps du Seigneur que Dieu veut qu’on lui demande le pain qui est nécessaire pour chaque jour, et qui est comme le viatique dont nous avons besoin durant le pèlerinage de cette vie, afin que, étant soutenus par cette chair divine, nous puissions parvenir au jour éternel, à la table céleste de Jésus-Christ, et qu’après en avoir goûté dans la vie présente nous en soyons pleinement rassasiés dans la vie future. » Serm., Lxviii, col. 395. Rogas, Pharis ! re, ut manduces cum illo, crede, esta christianus et manducas ex illo. Serm., xcv, col. 417.

3° Saint Léon († 461). — A la même époque, le pape saint Léon, sans faire de choix entre la doctrine de saint Ambroise et celle de saint Augustin, s’en tient à la lettre même de l’Évangile. Le Seigneur ayant dit : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes, Il vous devez prendre part à la table sainte sans le moindre doute sur la vérité du corps et du sang du Christ. Hoc enim ore sumitur quod flde crediiur, et frustra ab illis Amen respondetur, a quibus contra id quod accipitur disputatur. Serm., xci, 3, P. L., t. liv, col. 452. Saint Léon s’appuie sur la foi en la présence réelle pour réfuter le monophysisme. L’erreur eutychienne, refusant d’admettre qu’après l’incarnation l’humanité du Christ fût réelle, rendait illusoire la communion puisqu’elle disputait contra id quod accipitur. Saint Léon dit : Fides catholica… istas impietates réfutât, damnans Nestorium divina ab homine dividentem, détestons Euiychen in divinis humana vacuantem. Serm., xci, 2. Et dans sa lettre au clergé de Constantinople, antérieure au concile de Chalcédoine, il touche à l’un des effets de la communion, de cette distribution mystique d’aliment spirituel, qui est, dit-il, de nous assimiler au Christ, de nous faire passer en la chair de celui qui pour nous s’est fait chair. In illa mystica distributione spiritualis alimonias

impartitur, hoc sumitur, ut accipienies virtutem cælestis cibi, in carnem ipsius qui caro nosira factus est transeamus. Epist., lix, 2, col. 868. C’est la doctrine qu’il enseigne dans l’un de ses sermons : Non aliud agit participali corporis et songuinis Christi, quam ut in id quod sumimus Ircmseamus. Serm., lxiii, 7, col. 357. 40 Fauste de Riez (y vers 492). — La xvi « (ou iv « ) homélie du pseudo-Eusèbe d’Émèse Sur le corps et le sang du Christ, publiée dans la Biëliotheca maxima Patrum, Lyon, 1677, t. vi, p. 636-637 ; P. L., t. xxx, col. 271-276, est attribuée maintenant à Fauste, évêque de Riez. Voir Engelbrecht, Sludien iiber die Schriften des Bischofs von Reii Fauslus, Vienne, 1889, p. 68. L’intérêt principal de cette homélie est que le pain et le vin y sont dits convertis et changés en la substance du corps et du sang du Christ. Aussi M. Dar^vell Stone attire-t-il l’attention des théologiens sur ce point important de doctrine. An history of the doctrine of the holy eucharisl, Londres, 1909, t. i, p. 129-131. Cette homélie représente une tradition doctrinale, qui est en partie grecque et en partie ambrosienne. Il parle de la substance du pain avec une propriété ignorée de saint Ambroise et dérivée des controverses de l’époque de saint Cyrille d’Alexandrie. P. L., t. xxx, col. 275. Il parle de la transformation des éléments terrestres et mortels in Christi substantiam. Ibid., col. 272. Il professe que l’hostie véritable unique et parfaite doit être jugée, flde, non specie. Ibid. La langue théologique a acquis sous sa plume ses termes définitifs. Après avoir rappelé que la création s’est faite par la seule volonté de la puissance divine, il attribue à une parole de Dieu la conversion des éléments créés au corps du Christ. Quando benedicendæ verbis cselestibus creaturæ sacris altaribus imponuntur, antequam invocationem sancii nominis consecrentur, substanlia illic est panis et vifui : post verba autem Christi corpus et sanguis Christi. Ibid., col. 275. La terminologie, empruntée à saint Ambroise, est plus précise que celle du De mysteriis. Un autre texte sur la conversion des créatures visibles en la substance du corps et du sang du prêtre invisible par sa propre parole : Accipite et comedite, hoc est corpus meum ; Accipite et bibite, hic est sanguis meus, et par une puissance secrète, est de la même frappe. II a acquis une grande célébrité. Nous le verrons cité, sous le nom d’Eusèbe d’Émèse, par Paschase Radbert, par Haymon d’Halberstadt, par Hériger, abbé de Lobbes, par Guitmond d’Aversa. RecueiUi par Gratien et par Yves de Chartres, il a passé d ; ns les Sentences de Pierre Lombard et par elles chez tous les scolastiques. C’est donc à un écrivain du ve siècle que les docteurs latins, à partir du ixe siècle, ont emprunté les termes les plus précis sur la conversion, disons mieux, sur la transsubstantiation, moins le mot. Cf. Mgr Batifïol, Nouvelles études documentaires sur la sainte eucharistie, dans la Revue du clergé français, du l^’décembre 1909, p. 537-540. 5° Le pape Gélose († 496). — Dans son traité De duabus naturis in Christo aduersus Eutychen et Nestorium, dans Thiel, Epistolæ romanorum pontificum genuinæ, Braunsberg, 1868, le pape Gélase veut justifier la doctrine du concile de Chalcédoine, l’union des deux natures dans l’unité de personne ; à l’exemple des antiochiens et dans le même courant d’idées, cf. Saltet, Les sources cfe /"Eoav.(j--/, ; de Théodoret, toc. cit. ; Lebreton, Le dogme la transsubstantiation, toc. cit., il appuie trop, pour combattre le monophysisme, sur l’analogie tirée du dogme eucharistique. Son prédécesseur saint Léon avait très bien formulé la doctrine christologique dans sa lettre à Flavien : Salva proprietale utriusque natures et substontiæ, et in unam coeunte personam, suscepta est a majestate humilitas… Tenet sine defectu proprielatem suam utraque naiura. Epist., xxviii, 3, P. L., t. liv, col. 763. Or, c’est pré-