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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PERES


chose signifiée, à savoir, le corps et le sang du Christ, l’un contenant l’autre et lui servant de véhicule, de telle sorte que celui qui reçoit le signe reçoit en même temps ce que le signe contient. — b) On insiste : dans sa théorie générale des signes sacramentaux, saint Augustin dit que ces signes reçoivent le nom des réalités à cause d’une certaine ressemblance avec ce qu’ils représentent, sans quoi ils ne seraient pas des sacrements. C’est ainsi qu’on appelle le vendredi saint le jour de la passion, et le dimanche de Pâques le jour de la résurrection, bien que la passion et la résurrection n’aient eu lieu qu’une fois dans le passé. Sicut ergo sccundum quemdam modiiin sacramentum corporis Christi corpus Christi est, sacramentum sanguinis Chrisii sanguis Christi est, ita sacramentum fidei fides est. Epist., xcviii, 9, P. L., t. XXXIII, col. 364. Sccundum quemdam modum, c’est-à-dire selon une certaine manière, et non selon toutes ; car, à propos de l’eucharistie, il peut être question de la passion et de la communion. Or, relativement à la passion, il est vrai de dire que le sacrement du corps du Christ est selon une certaine manière le corps du Christ, à savoir, le corps immolé, crucifié, puisqu’il en est la memoria ; mais reste l’autre manière, dont il n’est pas question ici et qui est sous-entendue, à savoir, que pour la communion le sacrement du corps du Christ est réellement le corps vivant, glorieux et vivifiant du Christ. Celle-ci laissée de côté, il suffit que la première soit vraie pour autoriser le rapprochement établi par saint Augustin entre l’eucharistie et le baptême, et lui permettre de conclure : ita sacramentum fidei fides est. .Mais cette analogie partielle entre l’eucharistie et le baptême ne supprime point dans l’eucharistie ce qui en fait le sacrement qui est, contient et donne le corps du Christ. De plus, il ne faut pas oublier la distinction posée par saint Augustin entre ce qui est apparent et ce qui est invisible, entre ce qui tombe sous les sens et ce qui se croit. « Si nous restons dans l’ordre du visible, dit Mgr Batifiol, L’eucharistie, p. 240, le pain évoque l’idée de chair secundum quemdam modum, et l’on pourra dire que le pain est la chair sccundum quemdam modum. Le langage d’Augustin est, pris ainsi, d’une clarté parfaite, car il est dans l’ordre du sacramentum, c’est-à-dire du visible. Pour tirer de ce texte le symbolisme radical que l’on veut prêter à Augustin, il faudrait anéantir la distinction posée par Augustin lui-même entre ce qui se voit et ce qui se croit, entre le signe et la res dont le signe est le véhicule. » — c) Autre texte : De sacramenio sane quod accipil (catcchumenus), cum ci bene commendalum Jueril, signacula quidem rerum divinarum esse visibilia, sed rcs ipsas invisibiles in eis honorari ; nec sic hahendam esse illam spcciem benedictione sanctiflcatam qucmadnwdum habctur in usu quolibet ; dicendum eliam quid significcl, et sermo ille quem audivit, quid in illo condiat, cujus illa res simililudinem gerit. Deinde monendus est ex hac occasionc ut si quid etiam in Scripluris audiat quod carnaliter sonel, etiamsi non intclligil, crcdut lamen spiriluale aliquod significari quod ad sanctos mores futuramque vilum pcrlincal. De calcch. rud., 50, /’. L., t. XL, col. 344. Il s’agit, dans la première partie de ce passage, du rite du sel que l’on donnait à goûter aux catéchumènes. « On se trompe donc, remarque Mgr Batifîol, L’eucharistie, p. 241, à trouver ici une allusion à la communion. Sans doute, il n’échappera à personne que, dans ce sacramentum salis, se retrouvent tous les éléments d’un sacramentum, c’est-à dire d’un signe matériel signifiant une chose divine ou religieuse… L’analogie est manifeste entre ce sacramentum et tous les sacramenta, et je comprends l’usage que M. Loofs pourra faire de cette analogie. Mais cette analogie est tout extérieure, parce qu’elle porte sur le sacramentum, et que la distinction demeure, ici encore, entre le

signe et la rcs dont le signe est ailleurs le véhicule. Quant aux conséquences que l’on veut tirer du conseil donné par Augustin d’entendre spirituellement ce qui, dans l’Écriture, sonne charnellement, il ne s’applique pas plus au sacrement du sel qu’au sacrement de l’eucharistie : il vise l’histoire sainte que l’on enseigne aux catéchumènes, et dans laquelle les traits qui sont charnels et choquants doivent être compris spirituellement pour être édifiants : ce conseil ne projette pas sur le mystère de l’eucharistie la « lumière crue » que M. Loofs a saluée, parce que ce conseil vise tout autre chose que l’eucharistie. » — d) Comme preuve d’une présence purement symbolique du Christ dans l’eucharistie, d’après saint Augustin, on allègue les textes relatifs à une manducation spirituelle. Il est très vrai que saint Augustin parle d’une manducation spirituelle ; mais c’est qu’il entend écarter une manducation semblable à celle qui a lieu chaque jour pour les aliments ordinaires. In ps. xriii, 9, P. L., t. xxxvii, col. 126 ; De docl. christ., III, xvi, 24, t. xxxiv, col. 74-75 ; In Joa., tr. XXVII, 11, t.xxxv, col. 1621. Le communiant est celui qui manducat in corde, non qui premil dente. In Joa., tr. XXVI, 12, col. 1612. Ni le corps du Christ ne se mange, ni son sang ne se boit de cette manière ; ce qui se mange et j se boit ainsi, ce sont les espèces consacrées ou, comme disait saint Augustin, le signum, le sacramentum. Quant au corps et au sang, leur manducation dans la communion se fait in figura, mais ils n’en sont pas moins réellement reçus par le communiant grâce au signum, au sacramentum, ou aux espèces consacrées, qui, en même temps qu’elles en sont le symbole, les contiennent réellement. Et ainsi de la manducation matérielle des saintes espèces on ne peut pas conclure à la manducation capharnaïte du corps et du sang du Christ, pas plus que de la manducation spirituelle du corps et du sang du Christ on ne peut conclure à une présence purement symbolique ou figurative de ce corps et de ce sang : l’ensemble de la doctrine de saint Augustin s’y oppose formellement. — e) Reste enfin la difficulté tirée du corps mystique du Christ auquel se réduirait le symbolisme eucharistique. A entendre Harnack, Dogmengeschichtc, t. iii, p. 144, et Loofs, Leitfaden zum Sludium der Dogmengeschichlc, Halle, 1895, p. 224, la sanctification ou consécration n’aurait d’autre effet que de faire du pain et du vin le signe de cette chose invisible qui est l’incorporation du communiant au corps mystique du Christ, c’est-à-dire à l’Église. Corpi/s C/iri.s/i si vis intcUigerc, aposlolum audi dicenlem : Vos estis corpus Christi. Si ergo vos cstis corpus Christi et membra, myslerium vestrum in mensa dominica positum est ; myslerium vestrum accipilis. Serm., cci.xxii, P.L., l. xxxviii, col. 1247. Certes, saint Augustin n’était point honnne à répudier un tel enseignement. Avec raison il voit dans l’eucharistie le symbole du corps mystique du Christ, auquel il faut appartenir pour participer à la vie, et dans la comnumion l’acte par lequel on devient membre de ce corps mystlciue ; et c’est i)Ourquoi il l’appelle le sacramentum pietatis, le signum unitatis, le rinculun} carildlis. In Joa., tr. XXVI. l.’J, /’. L., t. xxxv, col. 1613 ; et c’est pour<iuoi dans ce même sermon il montre l’unité de l’Église formée de la multitude des frères comme le pain est formé d’un grand nombre de grains et le vin de plusieurs grajjpes ; et il a droit de conclure que le (Christ a consacré sur sa table notre mystère, le mystère de l’unité. Mais ce n’est là que la conséquence logique, l’apijlication parfaitement justifiée de cette aulre vérité déjà proclamée et mise en lumière dans ce même sermon, à savoir, la présence réelle du corps et du sang du Sauveur, quand il a dit : l’anis ille qucm vidclis in altari sanctificalus pcr vcrhuni Dei, corpus est Chri.iti, etc. Le sens littéral, qui aflirnie