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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES

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pas substanliellement, mais qualitativement, en leur donnant la puissance vivifiante de son corps et de son sang, et en les rendant capables de produire un changement analogue dans les communiants. » Saint Cyrille, par suite, n’aurait pas professé le réalisme, mais un simple dynamisme. Voyons donc ce que dit le contexte : « Il fallait que le Christ vînt en nous divinement par le Saint-Esprit, et qu’il se mélangeât en quelque sorte avec nos corps par sa chair sacrée et son précieux sang ; c’est ce que nous avons eu en eulogie vivifiante comme dans du pain et du viii, « ô ; âv ap-(i> TE y.ai otva). En voyant de la chair et du sang étalés sur les tables saintes de nos églises, nous aurions pu éprouver de la répulsion. Aussi Dieu, par condescendance pour notre faiblesse, communique aux oblats une force de vie et les transforme en l’énergie de sa propre chair, svîtiiti toï ; Ttpoijy.cCfiévoïc Swpoi ; Sjva[xiv swîi ; xal [xe61(7TTiiTiv aura npb ; èvjpyctav t- ?, ; iauToO (Tapxdc, afin qu’ils soient pour nous une communion vivifiante, et que le corps de la vie se trouve en nous comme un germe vivifiant. Croyez fermement que c’est la vérité, car le Seigneur a dit clairement : Ceci est mon corps, » et < Ceci est mon sang. » Recevez avec foi la parole du Sauveur : il est la vérité et ne ment pas. » In Luc, xxii, 19, P. G., t. lxxii, col. 912. Qu’à prendre isolément ce texte, on l’interprète exclusivement d’une énergie divine communiquée au pain et au viii, cela paraît assez difficile, étant donné que saint Cyrille rappelle immédiatement les paroles de l’institution, lesquelles ne parlent pas le moins du monde d’énergie, mais de corps et de sang. A-t-on le droit, d’ailleurs, en bonne critique, d’isoler d’abord tout ce passage de tant d’autres du même Père, qui sont clairs, précis et décisifs, comme le faisait déjà justement remarquer Arnauld contre Aubertin, Perpétuité de la foi, t. ii, 1. V, c. x, p. 548-549 ? On a moins encore le droit de séparer cette phrase de son contexte qui l’éclairé et proteste contre l’interprétation qu’on lui donne. « Il y est dit, remarque le P. Mahé, L’eucharistie et Cyrille d’Alexandrie, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1907, t. viii, p. 695, que Notre-Seigneur doit se mélanger avec nos corps par sa chair sacrée et son précieux sang ; que son corps, par la communion, se trouve en nous comme un germe vivifiant ; qu’il faut croire avec foi et comme une vérité claire la parole du Sauveur : « Ceci est mon corps et ceci est mon sang. > Et que signifie cette condescendance divine ménageant notre faiblesse et ne nous imposant pas de contempler et de manger une chair matérielle ? Si notre docteur n’avait eu en vue qu’une présence dynamique, semblable idée eût-elle pu lui venir à l’esprit ? Lue dans son contexte, cette phrase ne peut pas être invoquée contre la présence réelle ; l’interpréter ainsi serait la mettre en contradiction trop évidente avec ce qui la précède et ce qui la suit. Elle exclut simplement une présence matérielle et grossière comme celle dont se scandalisaient les capharnaïtes, et elle insiste sur le caractère vivifiant de l’eulogie. » Il reste donc que saint Cyrille d’Alexandrie est un témoin très ferme du dogme de la présence réelle ainsi que du dogme de la conver sion, bien qu’il n’ait pas essayé de rendre compte de ce dernier en en poussant l’analyse à fond et en tâchant de résoudre les divers problèmes qu’il soulève. Mais, telle quelle, sa doctrine eucharistique est l’écho de la foi traditionnelle, et Léonce de Byzance, malgré la tentative de Théodoret, saura la faire triompher au siècle suivant. Voir t. iii, col. 2520 252L Cf. A. Struckmann. Die lùtchnristielchre des hcihgrn Cyrill von Alexandricn, Padcrborn, 1010.

4 » Euthcrius de Tyane ([ vers 4.35). — Photius décrit un recueil de 17 discours ou Confulaliones quanim’lam propositionum, qu’il attribue à Théodoret,

mais qui existe ailleurs sous le nom de saint Athanase. M. Ficker a récemment démontré que l’auteur de ce traité est Euthérius de Tyane qui fut, au concile d’Éphèse, avec Jean d’Antioche, un chef du parti nestorien. Déposé par le concile, il ne se soumit pas et il fut exilé à Scythopolis d’abord, à Tyr ensuite. Il avait écrit, d’après Mercator, des discours contre certaines expressions des catholiques. Or les Con/u/af zones dont il s’agit, combattent pour la plupart des expressions de saint Cyrille. Elles ne viseraient pas directement le patriarche d’Alexandrie, mais son parti, et elles auraient été écrites peu après le concile d’Éphèse sous l’impression de cette assemblée, par un évêque de la minorité et avant le commencement de 433. G. Ficker, Eulherius von Tyana, Leipzig, 1908. Or, en même temps qu’il déterminait quel était l’auteur de ce traité, M. Ficker publiait un passage qui manque dans les éditions précédentes. L’auteur y argumente contre » ceux qui osent dire qu’il y a dans l’incarnation une seule nature, visible et invisible, passible et impassible, immolée et éternelle. » Selon lui, le Verbe et la chair sont distincts dans l’incarnation, sans que cette dualité de natures permette de dire qu’il y a deux fils. Si, dans l’homme, le dualisme de l’âme intelligible et du corps sensible n’empêche pas l’unité de personne, la dualité des natures distinctes dans le Christ n’empêche pas l’unité de personne. L’auteur signale d’autres analogies, l’une dans le baptême, l’autre dans l’eucharistie. En cette dernière, le pain mystique est de même nature que le pain commun, produit de la terre, et cependant on croit qu’il est le corps du Christ. Dans sa nature, c’est du pain simplement ; mais a si tu crois que la grâce de l’Esprit lui est unie, tu reçois en vérité le corps du Christ. » Ce pain est donc le corps du Christ xarà y.dtpiv et non pas xat’oO<7 : av. En outre, il n’y a pas deux pains, mais le pain et le corps du Christ sont distincts et coexistent, et celui qui refuse de recevoir le pain se prive de la participation de l’Esprit. Joa., vi, 54. De même, le calice comporte deux êtres, le vin et l’Esprit, bien qu’il n’ait qu’un nom. Le pain et le vin avec l’Esprit forment donc ensemble une seule chose que l’on nomme le corps et le sang du Christ. La conclusion est donc qu’une entité, constituée par deux unités, est une et que l’unité de composition est une raison de nier la distinction des deux unités composantes. Ici, nous avons clairement, avant Théodoret, le dyophysisme eucharistique. Cf. Mgr Batiffol, Nouvelles études documentaires sur la sainte eucharistie, dans la Revue du clergé français, du f’décembre 1908, p. 531-534. 5° Théodoret (f vers 458). — 1. L’idée de conversion pendant la controverse monophysite. — L’analogie qui existe entre le dogme de l’incarnation et celui de l’eucharistie a fait croire que la présence réelle du corps du Christ dans l’eucharistie n’empêche point le pain et le vin de subsister dans leur nature propre. C’est la théorie que Pusey, The doctrine of the rcal présence, Oxford, 1855, p. 83-91 ; Gore, Dissertations on subjects connccled ivith the Incarnation, 3e édit., Londres, 1907, p. 274-276 ; The body of Christ, 3’- édit., Londres, 1902, p. 113 ; et Watterich, Die Gcgemvartdes Hcrrn im heiligen Abendmahl, Heidelberg, 1900, p. 84 sq., ont cru justifiée par un groupe d’écrivains du ve siècle. Mais, tandis que Pusey invoque Théodoret, le pseudo-Chrysostome, le pape Gélase, saint Augustin, Éphrem d’Antioche et Facundus d’Hermiane, Watterich ne retient que Théodoret, la letlreà Césaire et le pape Gélase ; il soutient que la théorie luthérienne de l’impanation ou de la consubstantialion a été la doctrine (le l’Église au ve siècle ; mais il oublie ou néglige Théodore de Mopsuestc, Macarius Magnés et saint Cyrille, dont nous venons de voir les témoignages. Le P. Lcbreton, Le dogme de la transsubstantiation et