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EUCHARISTIE D’APRES LES PERES


Presque à la fin de son apologie, lorsqu’il examine et discute la lettre de saint Cyrille à Acace et l’accord du patriarche d’Alexandrie avec les Orientaux, Nestorius distingue, au sujetde la différencedes paroles dites de Jésus dans l’Écriture, ce que la foi enseigne de ce qui est évident quant à l’essence ou la nature. L’enseignement de la foi contraire à l’évidence de la nature ne supprime pas les propriétés de la nature ; il apprend seulement qu’elles ne sont pas dans la nature. Mais ce qui a lieu par nature est nécessairement ce qu’est le prosôpon. Or, l’exemple apporté pour expliquer cette formule est l’eucharistie. « Quand (.Jésus) dit sur le pain : Ceci est mon corps, il ne dit pas que le pain n’est pas du pain et que son corps n’est pas un corps, mais en les montrant, il dit « pain » et « corps » , ce qui est l’essence. Mais nous savons que le pain est du pain, par la nature et par l’essencc.Mais (lorsqu’il s’agit de) croire que le pain est son corps par la foi et non par la nature, il cherche à nous persuader de croire ce qui n’a pas lieu par essence ; de manière que cela ait lieu par la foi et non par essence. S’il s’agissait de l’essence, à quoi bon la foi I Aussi il ne dit pas : Croyez que le pain est du pain parce que quiconque voit du pain sait que c’est du pain ; il n’a pas besoin non plus de faire croire que le corps est un corps, car tout le monde voit et sait que c’est un corps. C’est donc ce qui n’est pas (par essence), qu’il nous demande de croire tel (par la foi) de sorte que cela arrive par la foi à ceux qui croient. Ainsi, il n’est pas possible de croire que (deux) choses d’essence différente soient dans une que l’on dirait autre, mais qui ne serait pas dans son essence propre, de manière qu’elles restent deux et qu’elles soient par leur essence étrangères l’une à l’autre. Celui qui supprime ici l’essence supprime avec elle ce qui est conçu par la foi. » Le livre d’IIcraclide, p. 288. Dans ce passage obscur que nous avons cité en entier, Nestorius dit que Notre-Seigneur, en parlant de pain et de corps, a parlé de deux choses qui sont distinctes de nature et d’essence selon l’évidence naturelle. Mais il ajoute qu’au regard de la foi Jésus a dit que le pain est son corps. Le pain n’est pas son corps par essence, il l’est pour la foi. Il nous a donc demandé de croire que le pain, qui n’est pas son corps par essence, l’est aux yeux de la foi. Toutefois, il est impossible de croire que deux choses d’essence difTérente, comme le jiain et le corps, soient dans l’une d’elles que l’on dirait autre et qui ne serait plus dans son essence propre, c’est-à-dire, si nous comprenons bien, que le pain soit dans le corps du Clirist, qui cesserait d’être le corps du Christ et serait un mélange de pain et decorps du Christ. Si l’on supprime l’essence du corps, on supprime en même temps l’enseignement de la foi qui est que le pain est le corjis du (Christ. Nestorius affirme que le corps de Jésus était, dans l’eucharistie, une oùiia, ((ue sa nature humaine y était réelle et non pas seulement intelligible par la foi. Il ne (lit pas que le pain y demeure en o-j-tij ;. La foi nous enseigne que ce qui était du pain est le vrai corps humain du Christ, et non pas le corps du Verbe. Si nous disions, comme saint Cyrille, qu’il est le corps du Verbe, nous supprimerions, avec l’essence du corps humain du Sauveur, l’enseignement de la foi sur le corps de Jésus dans l’eucharistie. Le pain et le corps n’y sont pas deux essences étrangères l’une à l’autre : Je pain y est devenu le vrai corps humain du (Christ. L’analogie avec la doctrine cyrillicnnc de l’incarnation confirme celle inlerprélalion. Cyrille, quoi qu’il prétende, ne tient pas compte de la différcncc des paroles scripluraircs : au lieu de maintenir la nature humaine cl la nature divine de.Jésus, il attribue les choses humaines et les choses divines à runiquc nature de Dieu le Verbe, de sorte fquc Dieu le Verbe soil en mnie temps Dieu et homme, sans avoir été changé en

la chair ou en l’homme. Or Nestorius juge impossible qu’une essence soit deux dans la même essence, lorsque l’une n’est pas ce qu’est l’autre, en d’autres termes, il rejette l’union des deux natures telle que saint Cyrille l’explique. Ibid., p. 287. Dans l’eucharistie, au contraire, nous savons par la foi que le pain est corps, que le pain n’y est plus en essence, mais que le corps de Jésus y est comme corps réel, comme corps naturel, comme corps de l’homme, et non pas comme corps du Verbe. Ici. Jésus nous a demandé de croire que le pain, qui n’est pas corps du Christ par essence, l’est pour le croyant. La foi ne supprime pas l’essence du corps qu’elle aflirme être dans l’eucîiaristie.

Nestorius donc, quoique sa doctrine sur l’eucharistie n’ait pas été très juste, n’a nié ni la présence réelle, ni la conversion du pain au corps du Christ. Il n’a pas enseigné la permanence du pain dans sa propre essence et il n’est pas l’auteur responsable du dyophysisme eucharistique de l’école d’Antioche. Deux théologiens du concile de Trente, l’augustin Etienne Consortes (3 février 1547) et l’observantin Jean du Conseil (18 février), ont bien compris qu’il n’était pas l’adversaire de la présence réelle, mais que de sa doctrine découlait seulement cette conséquence que le corps du Christ ne pouvait pas être adoré dans l’eucharistie, parce qu’il n’était pas le corps de Dieu, mais le corps de l’homme. S. Elises, Conciliiim Tridenlinum, t. v, p. 837, 938, 946.

3°Saint Cyrille d’Alexandrie (-[-444). — A en croire les anciens critiques protestants et tout autant les plus récents, Cyrille d’Alexandrie ne serait pas un témoin favorable à l’enseignement catholique sur l’eucharistie. D’après Steitz, Die A bendmahlslehrc, dans Jahrbilcher fiir deiilsclie Theoloqic, 1807, t. xii, p. 242, « Cyrille voulait tenir ferme à la présence réelle du corps et du sang du Christ dans le sacrement. Mais ce n’est pas par leur substance, c’est par leur vertu seulement, que ce corps et ce sang sont présents dans le pain et le vin consacrés, et sont reçus par le sacrement. » D’après Harnack, Lchrbuch dcr Dogmengeschiehlr, 3e édit., t. ii, p. 43(5, " l’affirmation que dans l’cucharislic le corps réel du Christ soit présent, ne se rencontre pas encore chez Cyrille ; c’est plutôt une simple présence dynamique quil enseigne : le corps eucharistique dans ses efl’cts est identpiue au corps réel. » Dans le même sens ont opiné Loofs, Abendmahl, dans la Realencyklopàdic fiir prot. Théologie, t. i, p. 55, et Michaud dans la Revue internationale de IMologie, 1902, p. 675. Nous allons voir s’ils ont raison.

Le neveu et successeur de Théophile fait connaître sa pensée sur l’eucharistie dans son interprétation du passage de saint Jean sur les paroles de la promesse et dans sa discussion avec Nestorius ; son commentaire de l’Évangile est littéral ; sa controverse avec Nestorius est caractéristique. Entre alexandrins et antiochiens, le fond du débat n’était nullement le dogme de la présence réelle, qui était admis de pari et d’autre, mais bien la question de savoir si le corps et le sang du Christ, dans rcucharislie, sont vivifiants. Nestorius disait non : on mange sans doute la chair du Christ en souvenir de la passion et de la mort, mais cette chair ne produit pas d’efFet viviliant, parce qu’elle est séparée du Verbe. Saint Cyrille répliquait : celle chair est vivifiante, et elle ne peut l’être qu’à la condition, d’être unie au Verbe qui, lui, est vivifiant par nature. Voyons les textes.

A propos de ce texte de saint Jean : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’honnne, et ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-niênics, » Joa., vi. 5), Cyrille écrit : La vie « lui consiste dans la sanctification et la félicité, ceux là seuls en manquent lolakinent qui n’ont pas reçu le Fils par « l’culogic