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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PERES

Il GO

avant sa mort pour faire l’apologie de ses idées, nous ne connaissions guère sa doctrine eucliarislique. Elle ne nous était connue que par la polémique de saint Cyrille d’Alexandrie contre lui et que par un extrait de ses œuvres, lu au concile d’Éphèse. Dans cet extrait, Labbe, Concilia, t. iii, col. 527 ; Loofs, Ncsloriana, Halle, 1905, p. 227-228 ; Le livre d’IUraclide, trad. Nau, Paris, 1910, p. 225, en expliquant la parole de Notre-Seigneur : « Celui qui mange mon corps et boit mon sang demeure en moi et moi en lui, » Joa., VI, 56, il traduit « rif. ? par corps et il fait observer que Jésus n’a pas dit : Celui qui mange ma divinité ou cjui la boit, mais : Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang. Or, ce corps, c’est le corps de celui que le Père vivant a envoyé. Joa., vi, 57. Saint Cyrille entend ces dernières paroles de la divinité. Nestorius les entend, lui, de l’humanité. Quelle est des deux la fausse interprétation ? L’hérétique Cyrille voit Dieu le Verbe en celui que le Père a envoyé et il dit que le Verbe vit à cause du Père. Mais on lit immédiatement après : « Celui qui me mange vivra lui aussi. » Que mangeons-nous ? La divinité ou la cliair ? Entre saint Cyrille et Nestorius il n’y avait donc au sujet de l’eucharistie, que cette différence : Nous y mangeons, selon le premier, la chair du Verbe et, selon le second, la chair de l’homme. Tous deux admettaient donc que la chair ou le corps du Christ était dans l’eucharistie. Nestorius ne parlait pas de la permanence du pain ; il disait seulement que, dans l’eucharistie, nous mangeons le corps du Christ, celui qui provient de sainte Marie, nous ne mangeons pas le Verbe ou la divinité. Selon lui, la chair et la divinité, dans l’eucharistie comme dans l’incarnation, ne sont pas une même chose en essence et en prosôpon ; elles y sont unies sans confusion l’une de l’autre et elles n’y forment pas une seule essence qui serait celle du Verbe. Voir plus haut, col. 138. Le commentaire qu’il a fait de ses paroles dans le Livre d’Héraclide, p. 226-227, le montre Ijicn.

Un franciscain français de l’Observance, Jean du Conseil, a exactement saisi la différence de doctrine entre saint Cyrille et Nestorius au sujet de l’eucharistie telle qu’elle est indiquée par le premier dans sa lettre au second pour lui notifier son excommunication prononcée par le concile d’Éphèse, c. vu. Mansi, Concil., t. IV, col. 1075-1076. Il en a fait l’exposé lumineux, le 18 février 1547, à une congrégation des théologiens ilu concile de Trente, réunis pour discuter les matières eucliaristiques. Nestorius n’a pas nié la présence réelle. Verum senienlia ejus fuit hic quidem rêvera contineri corpus et sanguinem humanitatis Christi ; al quia ex divinilale et humanilule Christi duas faciebat personas, idcirco dicebat carnem Domini hic pcrcipi ut coiTimunem carnem hominis et similiter sanguinem, .et non esse dicendum carnem Fiiii Dei aut sanguinem, scd hominis sanctiflcaii tantum et Dec uniti. Cette explication a été condamnée au concile d’Éphèse (431) et on y a affirmé avec saint Cyrille que, dans l’eucharistie,

chair mangée était une chair vraiment viviliante et

propre au Verbe lui-même, qu’elle ne peut donc pas être la chair d’un homme comme nous, une chair d’homme, mais la chair devenue vraiment la chair propre de celui qui, à cause de nous, s’est fait le Fils de l’homme. Ex quibus constat, conclut Jean du Conseil, iVes/o/iu/n hic non negasse veritatem carnis et sanguinis, at negasse hanc carnem et hune sanguinem esse doeendum Filii Dei. S. Elises, Concilium Tridentinum, Fribourg-en-Brisgau, 1911, t. v, p. 937-938. Il n’y a pas là encore de trace de dyophysisme eucharistique.

Après le concile de Chalcédoine (450), en écrivant l’apologie de sa doctrine dans Le livre d’Héraclide, trad. Nau, p. 25-29, Nestorius eut l’occasion d’opposer sa pensée sur l’eucharistie à colle de saint Cyrille.

Sophronius, son interlocuteur, qui représente le parti de saint Cyrille et du concile d’Éphèse, expose que l’union des deux natures, divine et humaine, dans l’incarnation est nécessairement comme celle du pain quand il devient corps. Dans l’eucharistie, il n’y a plus qu’un corps et non deux. Il y a le corps du Christ ; il n’y a plus de pain, de telle sorte que le pain n’est plus désormais ce qu’il paraît, mais ce qu’il est conçu par la foi, c’est-à-dire le corps du Christ. De même, dans l’incarnation, il n’y a plus qu’un corps, qui est, non I)Ius le corps de l’homme, mais le corps du Fils de Dieu. Sophronius ajoute que l’apôtre a condamné ceux qui pensaient que le corps de Notre-Seigneur, dans l’incarnation et l’eucharistie, était commun, le corps et le sang de l’homme (donc Nestorius), quand il a déclaré digne d’un châtiment sévère celui qui a foulé aux pieds le Fils de Dieu et qui a jugé impur (v.otvov) le sang de son alliance par lequel il a été sanctifié, et qui a outragé l’Esprit de la grâce. Heb., x, 29. Nestorius discute cet argument qui lui avait échappé. Il distingue d’abord trois significations bibliques du mot y.otvôv, employé par saint Paul : 1° ce qui est souillé, Act., X, 14 ; 2° ce qui est commun, Act., iv, 32 ; 3° la participation, I Cor., x, 16 (communion eucharistique) ; Heb., ii, 11-14 (union, quant à la nature humai ; ie commune, des chrétiens sanctifiés avec le Christ qui les a sanctifiés). Or Sophronius déclare que saint Paul condamnait Nestorius qui ne voyait dans le Christ qu’un homme comme les autres et dans son sang celui d’un homme et non le sang de Dieu. Nestorius dit, au contraire, que l’apôtre visait ceux qui pensent que la cliair de Jésus appartient à l’essence divine et que le sang humain est impur et ne peut sanctifier les liommes. Saint Paul a voulu dire, en effet, que le Christ qui sanctifie et les hommes qu’il sanctifie sont d’un seul, d’une seule essence, qu’ils sont frères, et que, par conséquent, le sang qui a été versé pour nous et qui nous a sanctifiés est de l’essence humaine par laquelle nous sommes les frères de Jésus. Nous n’avons rien de commun avec Dieu le Verbe, nous ne sommes pas ses frères ni ses enfants, parce que nous ne participons pas à la même essence. Nous sommes les frères de la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie ; nous sommes ses enfants, parce qu’il est mort pour nous ressusciter à la vie immortelle et incorruptible. « A cause de cela ne sommes-nous pas tous un même corps en une seule chose ? Tous, en effet, nous recevons de ce même pain par lequel il nous fait participer au même sang et à la même chair, qui sont de la même nature, et nous participons avec lui par la résurrection d’entre les morts et par l’immortalité. Nous sommes à lui de la même façon que le pain est son corps ; de même, en vérité, que ce pain est un, de même nous sommes tous un seul corps, car tous nous recevons de ce seul pain, » Ces dernières paroles concernent seules les rapports de l’eucharistie avec l’incarnation. Elles ne comparent pas leur nature intime et n’établissent entre elles aucune analogie de constitution, ainsi que l’a admis Mgr Batiffol, Nouvelles études documentaires sur la sainte eucharistie, dans la Revue du clergé français du 1° décembre 1909, p. 535-536, après M. Béthune Baker, Nestorius and his teæhing, Cambridge, 1908, p. 141-142. Nestorius veut seulement montrer que l’eucharistie, qui contient la chair et le sang de Jésus, fait de nous un seul corps avec lui, parce que nous participons par l’eucharistie à la chair et au sang de l’homme ou de la nature humaine, et non pas à la chair et au sang du Fils de Dieu ou de la nature divine. C’est en cela que le corps et le sang de Jésus sont pour nous communs, selon la troisième signification du mot y.oivo’.. Il n’y a pas là la moindre trace de dyophysisme eucharistique.