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EUCHARISTIE D’APRES LES PÈRES

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il interprète dans un sens littéral le passage de saint Jean sur la promesse de l’eucharistie, Joa., vi, 51-56, et celui de saint Paul sur son institution, I Cor., XI, 23-27 ; il identifie le corps eucharistique du Christ et son corps naturel et tient un langage tellement réaliste que Loofs l’a qualifié de « grossièrement charnel et de dénué de tact, » Abendmahl, p. 55, ce qui est quelque peu exagéré. « Qui nous donrtera de nous rassasier de sa chair ? » Job, XXXI, 31, disaient les serviteurs de Job dans leur amour pour leur maître. Ce qui n’était chez eux qu’un désir impuissant, remarque saint Jean Chrysostome, le Christ en a fait une réalité. Il ne s’est pas contenté de s’offrir à la vue de ceux qui l’aiment, il s’est mis entre leurs mains, dans leur bouche, sous leurs dents, mêlant sa substance à la leur : y.al âij/aaOat, xa’i fflays ?"’, "/.al âiJ.Tcrilat toÙç ôoôvra ; tt) (japxt xa ij-j^-kXo.-y. ?ivat. In Joa., homil. xlvi, 3, P. G., t. lix, col. 260. € Les parents font nourrir souvent leurs enfants par des étrangers ; quant à moi, ce n’est pas ainsi : je nourris les miens de ma propre chair, je me donne moi-même à vous en nourriture, rat ; lapEi Tpéçu) Taï ; 6(x.a ;  :, Èjja-jTÔv’ji.X’i 7rapâTiOy||j.t. J’ai voulu devenir votre frère, avoir à cause de vous la même chair et le même sang que vous, eh bien 1 je vous donne cette chair et ce sang, par lesquels je suis devenu de votre race, Tiâ À IV aù-rriv û[j.ïv tïjv (rip-xa -/.a ; '<> aIu.a, Si’o)v (j-jYYivT, ; ÈYîvo(j.ïiv £x816ci) ! J.’.. » Ibid., col. 261. Sur ces paroles : « Le calice de bénédiction, que nous bénissons, n’est-il pas une communion au sang du Christ ? » I Cor., X, 16 : « Voilà, dit saint Chrysostome, des paroles pleines de foi et bien redoutables. Ce que l’apôtre dit, c’est ceci : ce qui est dans le calice est la même chose qui a coulé du côté du Christ, et nous y participons :

ToCtO t"o l’I TtOT-^pC(i) OV, È/.êïVO ETTl TO àn’o Tr|Ç TiAEupâ ;

p£-j<7av, /.a’i Èxeîvou i.z-iyo^i-I. » In / Cor., homil. xxiv, i, P. G., t. XLi, col. 199. « Ce n’est plus dans la crèche que le corps du Christ vous apparaît, mais sur l’autel ; il n’est plus entre les mains d’une pauvre femme, voyez, le prêtre le tient, » et ce corps, « non seulement vous le voyez, mais vous le touchez, non seulement vous le touchez, mais vous le mangez et le portez dans vos demeures, i) Ibid., 5.

C’est là un mystère qui paraît à peine croyable ; mais « le Christ a dit : « Ma chair est vraiment une « nourriture et mon sang est vraiment un breuvage. » Qu’est-ce à dire ? Ou bien que c’est ici une vraie nourriture, la seule qui puisse sauver l’âme, ou bien que la parole de Dieu est digne de toute foi, qu’elle ne renferme ni énigme, ni parabole, qu’il faut réellement manger son corps : ar, voat^S’.v aîviyjia eV/ai xh ei’pr, (J.ÎVOV /.al 7tapaêo), r|V, à).), ’EiSÉvai on itâvTn) : 6eî çayEiv -0 71, )ij, 2. 1) 7/1. 70a., homil. XLVii, 1, P. G., t. lix, col. 263. Sans pénétrer ce mystère pour l’expliquer, suint Chrysostome l’affirme fortement ; il veut qu’on s’en tienne à la parole du Sauveur et que le témoignage des sens n’infirme pas la foi. « Puisqu’il a dit : « Ceci est mon « corps, » soumettons-nous, croyons, contemplons-le des yeux de l’intelligence. Il ne nous a donné rien de sensible ; dans les choses sensibles elles-mêmes, tout est spirituel. Dans le baptême, par exemple, c’est un élément matériel, l’eau, qui nous est administré, mais c’est une transformation spirituelle qui s’accomplit, la régénération ou la rénovation. Si vous étiez un être incorporel, ces dons incorporels vous seraient donnés sans intermédiaire. Mais comme l’âme est unie au corps, les dons spirituels vous sont communiqués par le moyen des choses sensibles. Que de personnes, aujourd’hui, qui disent : « Je voudrais le voir lui-même, son visage, ses traits, ses vêtements, ses « chaussures 1° Eh I bien, vous le voyez, vous le touchez, vous le mangez… Il se donne lui-même à vous, avtb ; Si laytôv aoi SiSoxT’.v, où/, iîîiv [lovov, à>>, a zai

a’j/aaôai, v.x. çayeX-/, y.a’t Xaêsiv svSov. > 7/1 Mnllh., homil. Lxxxii, 4, P. G., t. Lviii, col. 743.

Présence réelle, mais non sensible ; présence uniquement accessible à la foi : Dieu donne l’intelligible dans le sensible, et le Christ se donne invisiblenient sous des signes sensibles. « Ce sang ravive en nous la fleur de l’image royale, entretient sa noblesseet sa vigueur…, ce sang reçu dans un cœur bien disposé chasse les démons…, ce sang est le salut de nos âmes. » 7/i Joa., homil. xLvi, 3, P. G., t. lix, col. 261. Mais manger le corps et boire le sang du Christ, c’est être uni au Christ. Pourquoi parler de xoivwvia ? Nous sommes ce corps lui-même. Car qu’est-ce que ce pain ? Le corps du Christ. Que reçoivent ceux qui le reçoivent ? Le corps du Christ ; ils ne sont pas plusieurs, mais un seul, oj-/ awjj-atauoXXi, à>.>à awija îv. In ICor., homil. xxiv, 2, P. G., t. Lxi, col. 200. Combien de grains de froment entrent dans la composition du pain I Mais ces grains, qui les voit ? Ils sont bien dans le pain qu’ils ont formé, mais rien ne les distingue les uns des autres, tant ils sont unis : ainsi sommes-nous unis les uns avec les autres et avec le Christ. Ibid. Cette union n’est pas le seul fruit de la communion, il en est un autre, dont Chrysostome parle avec plus de précision que ses prédécesseurs, c’est la résurrection. « Le Seigneur semble parler ainsi : Celui qui mange ma chair ne succombe pas entièrement à la mort et n’y trouvera pas même un supplice. II parle également, non de la résurrection de tous, mais de celle des justes en particulier. Tous ressusciteront, en effet, mais il est une résurrection spéciale et glorieuse que suivra l’éternelle récompense. » In Joa., homil. xlvii, 1, P. G., t. LIX, col. 265.

Qui donc opère la merveille eucharistique ? Est-ce le prêtre qui célèbre les saints mystères ? Non, et, d’un mot, saint Chrysostome indique la cause et l’effet. « Ce que nous avons sous les yeux (à l’autel) n’est pas l’œuvre de la puissance humaine. Celui dont vous avez vu l’action à la dernière cène agit encore sur nos autels ; nous ne sommes que ses ministres ; c’est lui qui sanctifie, c’est lui qui transforme, ô 6k âyiàX’ov aJTa xal (j.sTacrxe’jcxptov aùrôc. » 7/ ! il7a^//i., homil. Lxxxii, 5, P. G., t. Lviii, col. 744. « Ce n’est pas un homme qui fait que les oblala deviennent corps et sang du Christ, mais bien le Christ lui-même crucifié pour nous. Le prêtre est là, qui le représente et prononce les solennelles paroles, mais c’est la grâce et la puissance de Dieu : « Ceci est mon corps, » dit-il. Cette parole transforme les oblala, xoOto -h pôiix (js-app-jli. iZii xà itpo/etp.£V3c. » In prodil. Judæ, homil. i, 6, P. G., t. XLix, col. 380. Dans l’eucharistie, il y a donc un changement qui s’opère : Cyrille de Jérusalem l’appelle une [j.sTa60)r, ; Grégoire de Nysse, une [jEia-oir, -Tiç ; pour Chrysostome, en tenant compte des verbes dont il se sert pour l’exprimer, c’est une i/îiafrxEuT ;, un ij.i-xiç.-’jhu.ioi :. Si les termes diffèrent, le sens est le même, c’est celui d’une conversion. La différence (les termes prouve seulement que la langue theologique n’a pas encore fait choix d’un mot approprie pour exprimer la chose dont on parle ; mais l’identité du sens de ces termes prouve aussi que les Pères avaient l’idée d’une conversion substantielle. Et saint Jean Chrysostome aflirme positivement le fait de cette conversion et, sans nous dire comment il l’entend, il afiirme que la conversion s’opère par la parole du Christ : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, » et au moment même où cette parole est prononcée.

Devant de tels témoignages en faveur de la présence réelle et de la conversion substantielle, on s’étonne que E. Michaud se soit attardé à soutenir que saint Jean Chrysostome ne connaît qu’une présence pneumatique. S. Jean Clirysoslome et l’eucharislic, dans la Revue inlernulionale de théologie, 1903,