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ENFER (SYNTHÈSE DE L’ENSEIGNEMENT THÉOLOGIQUE)

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Nous avons vu que dans la lutUcontri.’l’origéiiisme, le synode de C.onslanlino]ile de 5’M, dont les canons ont été a])prouvés par le pape Vigile et, grâce à la vigilance de l’empereur Justinien, ont été souscrits par un très grand nombre d’évéques, a, peut-on dire, défini l’éternité des peines de l’enfer : Si guis dicit oui sentit, ad tempiis esse dœmonum et impionim liomintim supplicinm ejiisque finein aliquaiido fiiluriim, siue restituiionem et redinteyraiionem fore diemoniim mit impioriim hominiim, anaihema sit., VAn. 9, n. 21t. Le V concile œcuménique, II « de Constantinople, renouvela ces condamnations contre Origène et ses erreurs, en particulier la monstniosa rcstilulio. Can. 1, 12, 13, 14 ; Denzinger, n. 187 sq. Il en fut de même dans les trois conciles oecuméniques suivants.

Dans les documents concernant la prédestination, on trouve la doctrine de la non-réprobabtion antécédente et l’affirmation par concomitance des supplices éternels. Denzinger-Bannwart, n..321-328.

Toutes ces décisions ne portent que sur l’existence et l’éternité de l’enfer.

Au commencement du xine siècle (1201), Innocent III, dans une lettre insérée ensuite dans les Décrétales, 1. III, tit. xlii, c. 3, Majores, Denzinger-Bannwart, n. 410, distingue deux peines, l’une, pure" ment privative, l’autre, positive : pœna originalis peccati est earentia visionis Dei, actncdis vero pœna peecati est gehennæ perpétuai criieiatus.

Le XII" Concile œcuménique, IV de Latran (1215), c. I, exposant la foi catholique contre les albigeois, dit des réprouvés qu’après la résurrection générale, en raison de leurs mauvaises actions, ils reçoivent eiini diabolo pœnampcrpetuam.DtinzingeT’Bann’warl, n. 429. Au XIV" concile œcuménique, 11"^ de Lyon (1274), on approuva cette profession de foi de Micliel Paléologue, qui affirmait la disparité des peines des damnes et l’entrée en enfer aussitôt après la mort : lllonim animas qui in mortali peccato vel cum solo originali deeedunl, mox in infernum descendere, pœnis tamen disparibus puniendas. Ibid., n. 464.

Ce dernier enseignement est donné par Benoît XII, dans sa constitution Denedictus Deus (1336), sous forme de définition : Dcfinimus quod secundum Dei crdincdionem communeni animas deecdeniium in actuali peccato mortali mox posl morlem suam ad injerna descendunt ubi pœnis infcrncdibus crncicmtur. Ibid., n. 531. Voir du même pape, dans le catalogue des <^rreurs des Arméniens (1341), les art. 4 et 18, sur l’enfer, considéré comme la jjeine du seul péché originel. Ibid., n. 532, 536. Voir aussi t. ii, col. 699.

Le concile de Florence, XVII^ œcuménique, définit, en 1439, dans les mêmes termes que le 11^ concile de Lyon, l’entrée des pécheurs en enfer, de suite après la mort, et la disparité des peines.

Le concile de Trente ne donna aucune décision spéciale sur l’enfer, que les protestants du xvie siècle ne niaient point. Il eut cependant l’occasion de rappeler la doctrine catholique sur la damnation. Cf. sess. VI, can. 25, 30, ibid., n. 835, 840.

A signaler encore la proposition condamnée par Alexandre VIII. Ibid., n. 1290.

Le 28 août 1794, Pie VI a condamné la doctrine du synode janséniste de Pistoie au sujet de la peine t’ternelledudampourles enfants morts sans baptême. Ibid., n. 1526.

Enfin, le 30 avril 1890, la S. C. de la Pénitencerie a déclaré que les pénitents qui ne croient pas au feu <le l’enfer ditigenter instruendos esse et jiertinaces non esse absoluendos. Cette décision disciplinaire atteste que la croyance au feu de l’enfer est au moins une opinion catholique qu’on ne peut rejeter sans péché grave de témérité.

VI. SYNTHÈSE DE L’ENSEIGNEMENT THÉOLO-GIQUE SUR L’ENFER. — I. i : xistence. 11. Origine et commencement. III. Éternité de l’enfer. IV. Damnés. V. Lieu de l’enfer. VI. Nature des peines de l’enfer. VIL Leur graduation. VIII. Cause efliciente. IX. Cause finale de l’enfer. X. Applications pratiques.

I. Existence de l’enfer. — Elle est de toi définie, ainsi qu’il résulte des décisions du magistère ecclésiastique que nous venons de citer. Elle est affirmée par l’Écriture sainte, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, et par toute la tradition catholique : les origénistes eux-mêmes croyaient à l’enfer et ne se trompaient que sur sa durée.

La raison naturelle spéculative et le consentement universel des peuples fournissent aussi sur ce point des arguments certains. Voir Sanction (nécessité de la sanction, laquelle n’est évidemment pas complète en ce monde). P. Bernard, art. En fer, dans Dictionnaire a’apologétique, Paris, 1910, t. i, col. 1377 sq. ; Monsabré, Carême 1888, xciii= conférence. Enfin l’existence de l’enfer est en connexion logique avec d’autres dogmes. Cette connexion est profonde et universelle : tout dans le christianisme évidemment tend à procurer aux hommes le salut éternel, que tous n’atteignent pas. Il y a donc des damnés. Contre l’existence d’une jjunition des pécheurs après la vie, il n’y a, d’ailleurs, guère d’opposition ni aucune difficulté.

IL Origine et commencement de l’enfer. — 1° Le feu éternel a été préparé pour le diable et ses anges. ]Iatth., xxv, 41. L’enfer, séjour définitif des damnés, a donc été créé d’abord pour les anges déchus avant la création des hommes.

2° Quand commence l’enfer pour chaque damné ? — Pour les anges déchus, le châtiment a commencé tout de suite après leur chute, au moins quant à la peine substantielle du dam ; pour la peine du feu, il peut se faire que beaucoup de démons ne la souffrent pas, di rectement du moins, pendant qu’ils sont sur terre à tenter les hommes, c’est-à-dire jusqu’au jugement dernier. Voir t. iv, col. 404-405.

Pour les hommes qui meurent en état de péché, ils vont en enfer tout de suite après leur mort et le jugement particulier. C’est une vérité de foi définie. Voir col. 91. Celle-ci a été incluse dans les professions de foi imposées par Urbain VIII et Benoit XIV aux Orientaux, parce qu’il y avait encore, au moyen âge, quelques sectes orientales qui renvoyaient, après la fin du monde, l’entrée au ciel et en enfer. Cf. S. Thomas, Contra génies, 1. IV, c. xci. Dès le moment de leur mort, les damnés souffrent donc, non seulement du dam, mais de tous les supplices de l’enfer.

Cette doctrine est prouvée : a) Par l’Écriture sainte. — Le mauvais riche est en enfer aussitôt après sa mort. Luc, xvi, 25. Il est dit aussi de Judas : prievaricatns est ut abiret in locum suum. Act., I, 25. Cf. encore les textes qui affirment le jugement de rétribution pour le moment de la mort, par exemple, Eccli., xi, 28. Voir Jugement particulier.

b) Par la tradition. — Elle est, on peut le dire, unanime, au moins à partir du ve siècle. Voir col. 80 sq. Saint Grégoire le Grand, Dial., 1. iv, c. xxviii, P. /.., t. Lxxvii, col. 365, résume ainsi la tradition patristique : Sicut eleclos beatitudo lœtificat, ita credi nccesse est quod a die exilas sui, ignis reprobos exurat.

c) C’est aussi l’enseignement commun des théo logiens. Saint Thomas, Sum. th.eol., III* Supplem.., q. Lxix, a. 2 ; Conl.gentes, . IV, c. xcr, le résume ainsi ex pro/esso. Toute chose qui tend à une fin est coainie un poids qui y tombe dès qu’elle n’est pas empêchée.