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EUCHARISTIE D’APRES LA SAINTE ECRITURE


font les Corinthiens du sacrifice païen, mais il pari de cette notion pour les détourner de l’acte idolâtrique Il raisoinie ainsi : la communion chrétienne vous fait participer au corps et au sang du Seigneur et vous prendriez part à une cérémonie que vous considérez comme vous mettant en rapport avec la divinité, la faisant passer, ou plutôt, puisque l’idole n’est rien, faisant passer en vous les démons ? Vous ne pouvez pas, que vous soyez forts ou faibles, vous asseoir à la table du Christ et à la table païenne. Vous piqueriez la jalousie du Seigneur et vous vous exposeriez à de terribles châtiments. Mais, peut ajouter saint Paul sans inconséquence, « mangez de tout ce qui se vend au marché, sans faire aucune question de conscience, car la terre est au Seigneur et tout ce qu’elle renferme. Si un infidèle vous invite et que vous vouliez y aller, mangez de tout ce qu’on vous présentera sans faire aucune question de conscience. Si quelqu’un vous dit : ceci a été offert en sacrifice aux idoles, n’en mangez pas, à cause de celui qui vous a donné ce renseignement et à cause de la conscience. Je dis la conscience, non pas la vôtre, mais celle d’autrui. » I Cor., X, 25, 29. Ces autorisations s’expliquent sans qu’on nie la présence réelle : c’est dans les banquets religieux que l’homme croit s’unir à la divinité et s’unit, en effet, aux démons. Dans les repas ordinaires, rien n’est à craindre si ce n’est le scandale du prochain. La terre, tout ce qu’elle renferme, donc les aliments, sont à Dieu et non aux démons. Ceux-ci ne prennent pas possession à perpétuité de la viande qui a été sacrifiée aux dieux.

Toutes les objections déjà examinées portent sur le sens de la xoivwvi’a. A. Andersen, op. cit., -p. 8-12, 108-109 ; J. Réville, op. cit., p. 85, ne discutent pas la signification de ce terme, mais celle du mot corps. Au ; (’. 17, saint Paul dit des chrétiens qu’ils sont un seul corps ; ici, à n’en pas douter, l’apôtre parle du corps mystique du Sauveur, de son Église. Voir aussi Rom., xii, 5 ; I Cor., XII, 13, 27, etc. Donc au ꝟ. 16, le mot doit être entendu de la même manière. Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ, c’est-à-dire n’est-il pas une initiation à l’Église ? Si d’ailleurs saint Paul avait voulu enseigner autre chose, il aurait choisi le mot chair, ay.ç^l, qui seul s’oppose à sang.

Cette argumentation ne peut être admise. D’abord, le mot (7(.i[xa, corps, n’a pas partout dans les Épîtres le sens d’Église, il signifie parfois le corps historique. Rom., VII, 4 ; I Cor., xi, 24. Et si l’on accepte l’hypothèse d’Andersen et de J. Réville, que vient faire ici « la communion au sang du Christ ? » Ce dernier croit que le sang est conçu comme ce qui réalise l’unité du corps. Mais nulle part saint Paul ne dit de Jésus qu’il est le sang de l’Église ; il en est la tête. Le calice, suppose Andersen, serait le symbole de la nouvelle alliance et c’est à ce titre qu’il serait mentionné. Sans doute, saint Paul voit dans le sang versé sur la croix la conclusion d’une nouvelle alliance, mais il ne le présente pas comme le moyen d’initiation à l’Église : c’est au baptême qu’il réserve cette efficacité. Ici, saint Paul présente un argument à l’appui de sa thèse : le pain eucharistique fait de ceux qui le reçoivent un même corps chrétien, donc — et c’était la pensée des Grecs — -le festin religieux païen établit un lien religieux entre ceux qui s’y associent ; c’est une ! profession de foi païenne. EL c’est pourquoi saint Paul interdit toute participation des chrétiens au rite idolâtrique : il unit aux démons, 21 -22 ; il fait de ceux qui se la permettent un peuple païen, 17.

c) Le repas du Seigneur et sa reproduction dans les ssemblées chrétiennes. I Cor., xi, 17-34. — Saint Paul se propose de corriger les abus qui, depuis son départ, se sont glissés dans les assemblées chrétiennes à Corinthe. Il donne d’abord des règles sur la tenue des femmes à l’église, xi, 3-16 ; puis il réprime les dé sordres qui dénaturent le repas du Seigneur. Pour les combattre, il rappelle ses enseignements sur la dernière cène. Ainsi c’est occasionnellement, cette fois encore, qu’il parle de l’eucharistie. Il n’est donc obligé de dire que ce qui va à son but, il rappelle son enseignement antérieur.

17. En réglant cet autre point (la tenue des femmes), je ne vous loue point de ce que vous vous réunissez, non pour votre avantage, mais pour votre préjudice. 18. Et d’abord, j’apprends qu’il y a des scissions parmi vous quand vous vous réunissez en assemblée et je le crois en partie. 19. Car il est nécessaire qu’il y ait même parmi vous des sectes afin que les frères d’une vertu éprouvée soient connus parmi vous. 20. Lors donc que vous vous réunissez au même lieu, ce n’est plus le repas du Seigneur que vous mangez. 21. Car chacun, en se mettant à table, prend à part son propre repas et l’un a faim tandis que l’autre est iTe. 22. N’avez-vous donc pas des maisons pour y manger et y boire ? Ou méprisez-vous l’assemblée de Dieu et voulez-vous faire honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je ? Dois-je vous louer ? En cela je ne vous loue point. 23. Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis à mon tour : que le Seigneur Jésus, la nuit où il fut livré, prit du pain, 24. Et ayant rendu grâces, le rompit et dit : Ceci est mon corps qui [est] pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. 25. Et de même [il prit] la coupe après avoir soupe, disant : Cette coupe est la nouvelle alliance dans mon sang, faites ceci toutes les fois que vous boirez, en mémoire de moi. 26. Car chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il viemre. 27. Aussi celui qui mangerait le pain ou boirait la coupe du Seigneur indignement serait coupable du corps et du sang du Seigneur. 28. Mais que chacun s’éprouve lui-même et qu’ainsi il mange de ce pain et qu’il boive de cette coupe ; 29. car celui qui mange et boit sans discerner le corps mange et boit son jugement. 30. C’est pourquoi plusieurs parmi vous sont malades et infirmes, et un grand nombre sont morts. 31. Si nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés. 32. Mais jugés par le Seigneur, nous sommes châtiés afin de n’être pas condamnés avec ce monde. 33. Ainsi, mes frères, lorsque vous vous assemblez pour le repas, attendez-vous les uns les autres. 34. Si quelqu’un a faim, qu’il mange à la maison afin que vous ne vous réunissiez pas pour votre condamnation.

a. Les abus c Corinthe, 17-22. — Ce paragraphe donne déjà quelques renseignements sur la manière dont les Corinthiens croyaient pouvoir célébrer le repas du Seigneur. C’était dans une « assemblée chrétienne » , 17, 18, 22. Les frères riches et pauvres, 22, se réunissaient en un même lieu, 20. Mais de nombreux abus s’étaient glissés. Les habitudes des confréries païennes avaient envahi la communauté. On se partageait en groupes distincts, il y avait des scissions, 18, 19. Les fidèles se mettaient à table, sans s’attendre, 21, 23. Chacun prenait à part son propre repas, sans doute les chrétiens mangeaient à des tables séparées, 21. De la sorte, les riches ne partageaient pas avec les pauvres, 21. Les indigents étaient humiliés, ils avaient faim, 21. D’autres s’abandonnaient à des excès et s’enivraient, 21. Le repas chrétien devenait donc un repas banal qu’on aurait dû prendre dans sa maison, 22. Ces désordres sont graves. De telles réunions nuisent aux fidèles plus qu’elles ne leur font de bien, 17, elles sont un motif de condamnation, 34. Ce n’est plus le repas du Seigneur, 20, l’assemblée de Dieu est méprisée, 22. Cf. Toussaint, Les Épîtres de saint Paul, Paris, 1910, 1. 1, p. 367 ; Prat, op. cit., 1. 1, p. 167. Déjà, de ce simple exposé des abus, nous pouvons conclure que l’efficacité de la cène n’est pas indépendante des dispositions des fidèles, que l’eucharistie peut être utile ou nuisible selon les sentiments de ceux qui y prennent part et que sa célébration est, au sens le plus vrai du mot, un acte ecclésiastique.

b. L’eucharistie, 23-25. — A ces abus, l’apôtre oppose le repas du Seigneur tel qu’il fut institué et il