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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE


apparences de pain (azyme ou fcrnieiité, nous l’ignorons), son sang à boire sous les apparences du vin. Il annonçait sa prochaine immolation et la valeur rédemptrice de ce sacrifice, ilinvitait les apôtres à participer à son corps et à son sang répandus pour beaucoup, il établissait entre eux et lui une alliance, alliance qui ne sera suivie d’aucune autre avant le banquet du royaume. Cette nourriture ne semble donc pas destinée à eux seuls, c’est d’ailleurs pour beaucoup qu’est versé le sang de Jésus. Et si l’on veut résumer d’un mot les effets attribués aux mets de la cène, on devra dire que les disciples furent conviés à une communion. Le rite nouveau est destiné à rapprocher aussi intimement que possible Jésus des siens, à faire passer en leur personne avec les bienfaits obtenus par la mort du Sauveur, son corps et son sang.

Comment le corps et le sang sont-ils présents ? Saint Matthieu et saint Marc ne le disent pas. Mais ils montrent qu’on peut diviser le vin entre plusieurs communiants sans priver l’un d’eux d’une partie du don. De quelle manière Jésus met-il sous le pain ce qu’il offre aux disciples ? La question n’est pas posée. Pourtant, pris dans leur sens obvie, les mots : Ceci est mon corps, ceci est mon sang laissent entendre que ceci n’est plus du pain, que ceci n’est plus du viii, que de ces deux substances restent seulement les apparences. Et si l’on cherche une formule pour exprimer la transsubstantiation, dans le langage courant, ordinaire, ces mots sont peut-être ceux qui le plus simplement et le plus clairement énoncent cette notion. Les protestants, qui ont enseigné que le pain et le corps de Jésus coexistent ou que le Christ s’incarne en quelque manière dans le pain, sont obligés de modifier ces paroles ou d’ajouter à leur contenu. Et l’on peut même dire que, parmi les théologiens catholiques, ceux qui, comme saint Thomas ou le P. Billot, repoussant toute autre idée, veulent expliquer la transsubstantiation uniquement par le changement du pain au corps de Jésus, paraissent être ceux qui conforment le mieux leur langage à rafHrmation évangélique : Ceci est mon corps. Entre ces mots et leur concept se place le travail de plusieurs siècles et se mesure la distance qui sépare une parole d’une théorie, mais l’équivalence est manifeste.

2. Saint Paul.

Le récit de l’institution laissé par saint Luc et celui de saint Paul sont apparentés. D’autre part, celui de l’apôtre est encadré dans des commentaires qui permettent d’en mieux saisir le sens. C’est pourquoi nous croyons devoir commencer par l’examen des Épîtres.

a) La manne et l’eau du rocher. I Cor., x, 1-4. — L’apôtre dit : Israël dans le désert reçut des dons magnifiques, néanmoins, parce qu’elle pécha, la génération sortie d’Egypte mourut sans avoir atteint la terre promise. C’est une figure, c’est-à-dire une leçon pour les chrétiens. Que celui qui est debout prenne garde de tomber, x, 1-14. C’est au cours de ce développement que saint Paul écrit : « 1. Je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée, ont tous traversé la mer, 2. et qu’ils ont tous été baptisés, ÈgaTtx’rravTo, en Moïse dans la nuée et dans la mer ; 3. qu’ils ont tous mangé le même aliment spirituel, TivEuij.aTizriv, et qu’ils ont tous b.i le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les accompagnait et ce rocher était le Christ. » ’'si

Batiffol conclut qu’en cet endroit la nuée et la mer sont la figure du baptême, la manne et l’eau du rocher, celle de l’eucharistie. L’apôtre enseignerait qu*il ne suffit pas d’avoir reçu ces deux sacrements pour être sauvé. Op. cit., p. 4. Batiffol justifie son sentiment par les remarques suivantes : « Le mot de baptême est prononcé, l’eucharistie est désignée

clairement ; » l’adj’ctif s/)(r/7(/e/ a le sens de figuralil prophétique. Cette interprétation est admise par plusieurs critiques. De l’examen de ce texte ainsi entendu, on dégage plusieurs conclusions : l’eucharistie « réalise un type prophétiquement décrit dans l’Ancien Testament. » « Les éléments de la communion viennent… du Christ comme l’eau du désert coulait du rocher. » « Tous les clu-étiens prennent part à la communion. » Mais le pain et le vin ne préservent ni de la tentation, ni de la chute, ni de la perte du salut. Goguel, op. cit., p. 164, 166. Le baptême et l’eucharistie sont posés par saint Paul « systématiquement, sur le même plan, comme deux institutions essentielles de la communauté chrétienne, > Batiffol, /oc.c(7., institutions bien connues, et qu’il est possible, dans une lettre à des chrétiens, de désigner par simple allusion, en langage figuré. ! Mais plusieurs interprètes ont mis en doute cette [ interprétation. M. Mangenot, L’eucharistie dans saint Paul, dans la Revue pratique d’apologétique, 1911, I t. XIII, p. 35, observe que l’adjectif 71v£uaaii/.ôv, spirituel, n’a nulle part dans l’Écriture le sens de figuratif. (On trouve dans l’Apocalypse, xi, 8, l’adverbe iTVEU[jiaTixùiç, employé pour signifier prop/ié/igue/ncn<.) Ce mot veut dire en réalité miraculeux et désigne le caractère merveilleux de la manne et de l’eau du rocher. De plus, ce qui est présenté comme figure par saint Paul, ce n’est pas cet aliment, ce breuvage, c’est l’histoire des Israélites dans le désert : elle est la prophétie de ce qui arrivera aux chrétiens, s’ils tombent dans l’idolâtrie.

L’indéîision qui plane sur le sens de ce morceau ne permet donc pas d’en tirer avec certitude un enseignement sur l’eucharistie.

b) La communion au corps et au sang du Christ. I Cor., X, 15-22. — Saint Paul veut inculqær fortement aux Corinthiens la défense de participer aux banquets où l’on mange des mets sacrifiés aux idoles, il leur écrit :

15. Je vous parle comme à des hommes sensés : jugez vous-mêmes de ce que je dis. 16. La coupe de bénédiction que nous bénissons (to zot/vov t ? ;  : e :).-, -, ; » . ; ô £ :).oy’, ^ ;  ; jLEv) n’est-elle pas une communion au sang du Christ (.<c. ! vuv ; ii ; Tt.3 « ."j.v-To ; ) ? Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion (xotvuvia) au corps du Christ ? 17. Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes, étant plusieurs, un seul corps, car nous participons tous à un pain unique. 18. Voyez Israël selon la chair, ceux qui mangent les victimes (5 J ! j ; a ;) ne sont-ils pas participants à l’autel (xo.vuvoî t.j Ojjiccrcr.oi’oj) ? 19. Que dis-je donc ? Que l’idole est quelque chose ou que la viande immolée aux idoles est quelque chose ? 20. Non ; mais que les païens immolent à des démons et non à Dieu ce qu’ils ofîrent en sacrifice. 21. Or, je ne veux pas que vous soyez en communion avec les dénions (< : > vio/oj ; t.î-Saiiiovio )/). 22. Vous ne pouvez pas boire la coupe du Sei gneur et la coupe des démons ; vous ne pouvez pas prendre part à la table du Seigneur et à la table des démons. 23. Ou bien provoquons-nous la jalousie du Seigneur ? Sommes-nous plus torts que lui ?

Ainsi, saint Paul, pour exhorter à fuir l’idolâtrie, fait appel à la croyance des Corinthiens à l’eucharistie. Les affirmations qu’il avancj sur le corps et le sang du Christ lui paraissent si sûres, si évidentes, si bien connues de ses lecteurs, qu’il s’en sert pour prouver d’autres propositions. Ce qu’il leur dit du sacremeit, ils le savent donc déjà ; car il les invite à juger de la justesse de son raisonnement, 15 ; et il procède non par affirmation comme dans un exposé, mais par interrogatiojis, 16. Il ne rappelle sur l’eucharistie que ce qui est utile à sa démonstration ; en lait, il nous renseigne sur les éléments et sur l’effet principal du repas chrétien.

a. Les éléments : pain et coupe. — Saint Paul nomme d’abord « la coupe de bénédiction que nous bénissons.