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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ECRITURE

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mitive. » Arrive saint Paul. « Son rôle a été double. » Il donne de l’eucharistie une interprétation théologique. « Prenant les formules dans un sens réaliste, » il montre dans la cène « un moyen de s’unir au Christ souffrant et mourant, et, subsidiairement, un moyen pour le ; chrétiens de s’unir entre eux. » D’autre part, il hellénise l’institution. Transportée dans le monde grec, l’eucharistie est rapprochée par les nouveaux chrétiens des banquets d’associations, des mets sacrés offerts aux dieux et qui unissent à eux. Paul devait avoir subi l’influence de ces idées. Ainsi, l’eucharistie devint « d’une manière toute spontanée… un de ces repas qui suivaient les sacrifices et dans lesquels l’absorption d’aliments consacrés à la divinité mettait l’homme en un contact presque physique avec elle. "

Cet exposé montre quel est le devoir de l’apologiste ou du théologien catholique.

Il doit d’abord essayer de dégager des textes du Nouveau Testament, tels que nous les possédons, leur véritable contenu. Ce travail est nécessaire, d’abord, pour permettre aux catholiques de découvrir la vérité révélée. Il l’est, de plus, parce que les interprétations symbolistes des paroles de Jésus, très souvent proposées jadis, le sont aujourd’hui encore par certains protestants conservateurs et par des critiques. Enfin, reste à l’historien une dernière tâche à accomplir. Quand il a étudié les récits des Synoptiques, de l’apôtre saint Paul et du livre des Actes, les enseignements de l’apôtre sur l’eucharistie, il sait ce que pensaient ces divers écrivains, les chrétiens près desquels ils vivaient et les fidèles auxquels leur œuvre s’adressait. Il peut et doit ensuite se poser cette question : les émoignages des Évangiles, des Épîtrcs etdes Actes nous permettent-ils de connaître la pensée de Jésus ?

Le catholique répond aisément à cette question, elle ne se dislingue pas pour lui de la précédente. S’il a établi que les dogmes de la présence réelle et de l’institution de l’eucharistie par Jésus sont affirmés dans les Livres saints, il sait que le Christ a réellement donné, sous les apparences du pain et du viii, son corps et son sang ; il saitqueleSeigneuraprcscritauxapôtres de réitérer l’acte de la cène. Mais le controversiste a d’autres obligations. l’armi ses adversaires il en est qui ne croient ni à la valeur surnaturelle ni à l’inspiration de l’Écriture. Ces critiques ne voient dans les livres du Nouveau Testament que des documents d’histoire qui doivent être interpréts uniquement d’après la méthode historique. Quelques-uns d’entre eux admettent parfois que, tels qu’ils sont, certai’s textes du Nouveau Testament ont un sens catholique, enseignent la présence réelle et l’instituti n par le Christ de l’eucharistie (Eichhorn, Peine, Hoffmann, Loisy, etc.). Mais aucun de ces critiquesne reçoit comme historiques, dans leur intégrité, les témoignages de l’Évangile et de saint Paul ; ils estiment c.u’il y a eu évolution de la doctrine entre Jésus et les auteurs du Nouveau Testament, et ils essaient d’attribuer au Christ, par reconstitution, des intentions, es paroles (les actes tout différents de ceux que ! ui pr.tent les Livres saints. L’apologiste est donc tenu de suivre l’adversaire sur son terrain, de démontrer par la méthode de l’histoire que les arguments de ces critiques sont sans valeur, que les sources bibliques méritent créance et reproduisent la physionomie des faits, le sens et la teneur des paroles de Jésus.

2° Ce que les premiers chrétiens croyaient recevoir dans l’eucharistie. — 1. Saint Matthieu, xxvi, 17-29, et saint Marc, xiv, 12-25.

Matth., XXVI, 17. Le premier jour des azymes, les disciples s’approchèrent de Jésus, disant : Où voulez-vous que nous vous préparions [ce qu’il faut pour] manger la Pâque ? 18. Et

il leur dit : Allez à la ville chez un tel et dites-lui : Le Maître te tait dire : Mon temps est proche, je fais chez toi la Pâque avec mes disciples, li). Les disciples firent comme Jésus leur avait ordonné et ils préparèrent la Pâque. 20. Le soir venu, il se mit ù table avec les Douze. (21-25. Il prédit la trahison.) 20. Pendant qu’ils mangeaient, Jésus, ayant pris le pain et prononcé une bénédiction, le rompit et le donna aux discipies et dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps. 27. Ayant pris la coupe et ayant rendu grâces, il la leur donna, disant : Buvez-en tous, 28. Car ceci est mon sang, celui de falliance, celui qui est répandu pour un grand nombre en rémission des péchés. 29. Et je vous le dis : je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau a^ec vous, dans le royaume de mon Pérc. 30. Et après avoir dit des cantiques, ils sortirent.

Marc, xiv, 12. Et le premier jour des azymes, où l’on immolait la Pâque, ses disciples lui dirent : Où voulez-vous que nous allions faire les préparatifs pour que vous mangiez la Pâque ? 13. Et il envoya deux de ses disciples et il leur dit : Allez à la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau, suivez-le. 14. Et quelque part qu’il entre, dites au propriétaire de la maison : Le Maître dit : Où est l’appartement où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? 15. Et il vous montrera une grande salle haute, meublée, toute prête. Là vous ferez les préparatifs. 16. Et ses disciples s’en allèrent et vinrent dans la ville et trouvèrent les choses comme il les leur avait dites et ils préparèrent la Pâque. (17-21. Sur le soir, Jésus vint avec les Douze, se mit à table avec eux, annonça qu’il serait trahi par un des disciples.) 22. Et pendant qu’ils mangeaient, Jésus, ayant pris du pain et prononcé une bénédiction, le rompit et le leur donna et dit : Prenez, ceci est mon corps. 23. Et ayant pris une coupe, ayant rendu grâces, il la leur donna et ils en burent tous. 24. Et il leur dit : Ceci est mon sang, celui de l’alliance ; celui qui est répandu pour un grand nombre. 25. En vérité, je vous le dis : je ne boirai plus jamais du fruit de la igne jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu. 26. Et après avoir dit des cantiques, ils sortirent.

Nous croyons qu’en raison de leur similitude évidente et reconnue de tous, ces deux textes peuvent être étudiés ensemble.

Les variantes relevées dans les divers manuscrits sont insignifiantes et ne valent pas la peine d’être retenues. Voir Berning, Die Einselzung der heiligen Eucharistie in ihrer urspriinglichen Form, Munster, 1901, p. 23-24 ; Goguel, op. cit., p. 106-108. Les particularités les plus saillantes s’expliquent par le désir qu’eurent des copistes d’harmoniser les récits de Matthieu et de Marc entre eux ou avec celui des deux autres témoins, Luc et Paul. Les éditeurs modernes, Tischendorf, Westcott et Hort, B. Weiss, Swete, adoptent pour les narrations des deux premiers évangélistes un texte à peu près identique.

Tous les interprètes catholiques et la plupart des critiques admettent que, selon Marc et Matthieu, la cène fut un repas pascal. Ces deux évangélistes racontent que l’on se trouvait au premier jour des azymes où l’on immolait la Pâque, que les disciples demandèrent à Jésus où devaient se faire les préparatifs de la Pâque, que deux d’entre eux furent envoyés à Jérusalem tout disposer pour la Pâque, que, le soir venu, Jésus se mit à table avec les Douze, apparemment pour manger ce qui avait été préparé, c’est-à-dire la Pâque. Nous ne possédons pas une description minutieuse de la cène, mais ce que nous savons n’est pas en contradiction avec ce que nous connaissons du rituel de la Pâque (distribution de coupes de vin appelé fruit de la vigne et sur lesquelles ont été prononcées des bénédictions ou actions de grâces ; fraction et présentation de pains azymes sur lesquels ont été prononcées des bénédictions ou actions de grâces ; chants du Hallel, à trois reprises, la dernière clôturant le repas) ; Jésus — beaucoup de critiques incroyants admettent que tel est le sens des deux récits sous leur forme actuelle — serait donc présenté par saint Matthieu et saint Marc comme la victime pascale mangée à la cène. Si, d’autre part, son corps et son sang ne sont ici