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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE

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paroles prononcées par Jésus sur la coupe. Le quatrième Évangile insiste sur la communication de la vie, tie la vie éternelle aux fidèles qui mangeront la chair du Sauveur : (7 les ressuscitera an dernier jour. Si les formules de l’institution conservées par les Synoptiques nesignalent pasen termes exprèscetefïet. il faut pourtant se souvenirque la perspective eschatologiquc apparaît aussi chez eux : après avoir présenté le pain et la coupe, Jésus ajoute : Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai nouveau dans le royaume de mon Père, et il y a lieu de ne pas oublier qu"après avoir dénoncé la faute des mauvais communiants, saint Paul ajoute : « C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup de débiles et de malades et qu’un grand nombre sont morts. L’idée de la vie éternelle communiquée par Jésus n’est pas étrangère aux Synoptiques. Matth., VII, 14 : xviii, 8 ; xix, 16, 29 ; xxv, 46 : Marc, ix, 42 ; X. 30 : Luc, x, 25, 28 ; xviii. 18, 30. De même il est affirmé par eux que c’est le Clirist qui introduit dans le rovaume. Matth., xiii, 41 ; xix. "28 : xxv, 19. 23, 32, 46 ; Luc. xix, 12 ; xxii, 29, 30. et que ce royaume est inauguré ici-bas. Les conceptions sont pour le fond identiques chez.lean et chez ses devanciers : dans le quatrième Évangile aussi bien que dans les autres, ce qui est 1res fortement accusé, c’est l’eUct eschatologiquc : cinq fois il est parlé de la vie éternelle opposée à la mort, vi, 40, 47,.50. 51.54. 58. et quatre fois en termes formels de la résurrection au dernier jour, VI, 39, 40, 44, 54 ; mais, d’autre part, cette vie est présentée comme étant, dès l’existence présente, assurée au communiant. Enfin, si saint Jean insiste davantage sur l’obligation, la nécessité de recevoir la chair et le sang du Sauveur, on relève pourtant dans les Synoptiques l’ordre de s’approcher ilu sacrement : « Prenez, ceci est mon corps, » est-il dit en saint Marc ; « Prenez, mangez, buvez. -> écrit saint Matthieu ; Faites ceci en mémoire de moi, » lit-on dans saint Paul.

J. Réville, Les origines de l’eucliurislie, p. 68, croit découvrir une autre différence entre l’eucharistie johannique et la cène des premiers évangélistes et de saint Paul. « I..’idée retrouvée partout ailleurs que la participation au même pain et à la même coupe sont le symbole et le gage de l’union ou de la solidarité entre chrétiens, ne paraît pas davantage chez lui (chez Jean). Le pain de vie assure l’union des fidèles et du Christ, mais il ne représente pas l’union des fidèles entre eux pour ne former qu’un seul corps. Pour résoudre cette difficulté, il suffit d’analyser ces deux affirmations et de leur juxtaposer la conclusion de l’auteur. L’idée d’union parla charité n’est pas exprimée, objecte-t-il ; donc elle est exclue, conclut-il. Celte conséquence ne découle nullement de la prémisse. Saint Jean ne parle pas de ce qui ne va pas nécessairement à son but. Au reste, les Synoptiques n’insistent pas plus que lui sur cet efl’et et ce symbolisme de la communion. ICt si saint Paul le met en relief, c’est qu’un motif particulier le décide à le faire.

Ainsi il est impossible d’établir que la théologie eucharistique de saint.lean est lro|) différenle de celle des premiers évangélistes pour pouvoir être considérée comme l’expression de la jjensée de Jésus. M. Lepin a aussi fort bien montré que, dans le discours sur le pain de vie. Jésus manifeste son origine divine comme il le fait dans les Synoplif(ues avec tous les caractères d’opportunité. d’iLibllelé. de mesure qui con lennent h um’révélation authentique et vivante, non à une thèse théologique. » Il commence par se comparer à la manne que les Israélites regardaient comme un aliment envoyé de Dieu ; et c’est après avoir fi.Kc l’attention de ses auditeurs sur cette com paraison que lui-même se déclare le vrai pain de vie descendu du ciel et envoyé par Dieu au monde. Ce rapprochement qui donne à son langage une certaine apparence de métaphore : d’autre part, le caractère nettement allégorique de la formule : <> Je suis le pain de vie ; » enfin. l’emploi du titre impersonnel de « Fils de l’homme » . tout contribue à répandre sur son discours une teinte mystérieuse. Les Juifs en perçoivent bien le vrai sens, puisque, à ce qu’il prétend de la descente du ciel, ils objectent ce qu’ils savent de son origine terrestre ; néanmoins, dans son ensemble, la révélation reste fort discrète. Ce qu’elle olTre de clarté est d’ailleurs grandement atténué par ce qu’il y a de déconcertant pour l’esprit juif dans cette perspective d’un Messie qui livre sa vie en sacrifice et donne sa chair à manger, son sang à boire, pour le salut du monde. » Ainsi le Sauveur ne proclame pas de but en blanc et avec une évidence immédiate qu’il est le Fils de Dieu descendu du ciel où il préexistait éternellement auprès du Père. » Comme dans les trois autres Évangiles, sa manifestation est discrète, ménage à la fois l’ombre et la lumière. Ce n’est pas ainsi qu’un théologien de la fin du i"’siècle eût construit une thèse de la divinité de Jésus. Lepin, op. cil., t. II, p. 388.

Et pourtant. Loisy croit voir dans ces déclarations du Verbe sur lui-même, sur la foi à laquelle il a droit et sur l’incrédulité à laquelle il se heurte, une réponse à des questions qui hantaient la pensée des contemporains de l’èvangéliste : Pourquoi la prédication du Sauveur a-t-elle été infructueuse ? Pourquoi les Juifs ne se convertissent-ils pas ? Il s’agirait, selon lui, d’expliquer le peu de succès que Jésus a obtenu dans sa patrie et l’échec du ministère galiléen. » Saint Jean montre « l’aveuglement de la masse qui ne trouvait pas que les œuvres de Jésus fussent celles du libérateur attendu. « Il veut enseigner deux idées très simples : « Le peuple juif aurait cru volontiers à ce que Jésus n’était pas et ne voulait pas être ; il refusait de croire à ce que Jésus était, bien que.Jésus dît et fît tout ce qu’il fallait pour être reconnu des âmes de bonne volonté… ces vues correspondent à la situation générale du Sauveur à l’égard de ses compatriotes, en tant que cette situation avait besoin d’être définie pour les chrétiens, dans leurs controverses avec les Juifs, à l’époque où l’Évangile fut écrit. » Et si le Sauveur déclare que ses auditeurs ne croient pas parce que seuls ont la foi ceux que le Père lui a donnés, c cette explication transcendante de l’incrédulité judaïque » n’a pu < être proposée dans une conversation réelle entre Jésus et ses auditeurs ; » l’èvangéliste éclaire ses contemporains. Op. cit., p. 442, 443, 448, 449. 4.50, 451, 459. 474.

Ces affirmations appellent toutes des points d’interrogation. Les lecteurs du quatrième Évangile avaient-ils un " besoin » particulier de savoir les motifs humains de l’échec de Jésus auprès de ses compatriotes ? Nous l’ignorons. Saint Jean a-t-il voulu spécialement les renseigner sur ce sujet ? Il ne le dit pas. Le premier motif de l’incrédulité judaïque, les conceptions grossières qu’avaient du Messie les contemporains du Sauveur sont-elles mises en jibis grand relief dans ce discours que dans d’autres passages du quatrième Evangile, mieux marquées que dans les Synoiitiques ? Nullement. La seconde raison, le défaut de prédestination divine vaut-il pour les Cialilèens seulement ? Pas du tout ; seul croit, parmi les gentils comme parmi les Juifs, celui qui est attiré par le Père. Ces deux considérations épuisent-elles tout ce qui pouvait être dit sur ce problème de l’endurcissement d’Israël ? Certes non. il suffit de se rappeler le discours du diacre Etienne ou les développements de saint Paul sur ce sujet pour s’en convaincre ; ici’, nous ne trouvons rien