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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ECRITURE


n’est pas la présence réelle qui est annoncée ici par le Christ, c’est le don spirituel de sa chair. Personne n’a, avec plus d’ingéniosité que M. Loisy, découvert partout l’eucharistie. Le qualrième Évangile, Paris, 1903, p. 420 sq. « Tout le sixième chapitre du quatrième Évangile est dominé par l’idée du Christ, pain de vie. Le récit de la multiplication des pains en est le symbole ; le miracle de Jésus marchant sur les eaux aide à le comprendre ; les discours qui suivent tendent à l’expliquer et les impressions diverses que produisent ces discours représentent l’attitude des Juifs et celle des chrétiens devant le mystère du salut, en tant qu’il se résume dans la doctrine du pain de vie et vivifiant. « Mais pour M. Loisy, comme pour les autres critiques non catholiques, la pensée du quatrième Évangile n’est pas celle de Jésus. L’auteur qui le rédigea, les chrétiens auxquels il s’adressait croyaient que le Sauveur avait promis sa chair en nourriture : l’évangéliste atteste et justifie leur foi, il n’enseigne pas ce qu’en réalité fit et dit le Christ.

La promesse de Jésus d’après saint Jean.

1. Le

récit de la multiplication des pains, 1-15. — Avant les critiques non croyants, des écrivains chrétiens ont établi une relation entre ce miracle et l’eucharistie ; ils croyaient voir dans ce prodige, sans d’ailleurs nier pour ce motif sa réalité historique, une figure de la cène, une préparation de la promesse du pain de vie. Des critiques contemporains, J. Réville, Loisy, etc., convaincus que le quatrième Évangile n’est pas un livre d’histoire, mais un ouvrage didactique et symbolique, ont cru découvrir dans le récit johannique de la multiplication des pains « une méditation religieuse » sur l’eucharistie d’après un thème donné par les Synoptiques. Ils se sont efforcés d’assigner aux plus menus traits de la narration un sens spirituel et mystique. Nous verrons ce qu’il faut penser de cette tentative. Ici, nous devons seulement relever ce qui, dans le récit du miracle, très probablement, se rapporte d’une certaine manière à la promesse de la nourriture eucharistique.

C’est du pain qui est multiplié pour nourrir la foule : c’est sur du pain que s’opère le prodige de la cène et Jésus se multiplie, lui aussi ; son eucharistie est une production miraculeuse entre toutes. Le pain du prodige est offert à tous ceux qui suivent Jésus : le sacrement est à la disposition de tous les disciples. Le pain distribué à la foule rassasie tous les assistants et il y a du superflu qui est recueilli avec soin : de même, la communion nourrit tous les croyants, l’aliment spiritueln’est jamais épuisé, rien n’en estperdu. « Jésus, raconte l’évangéliste, prit (k’/.aêjv) les pains, et ayant rendu grâces(k’JyapefjTr, <7a ;), il les distribua (oisôor/.ôv) à ses disciples. "Les trois verbes employés correspondent à des mots dont se servent les Synoptiques pour raconter l’institution de l’eucharistie. Matth., XXVI, 26-27 ; Marc, XIV, 22-23 ; Luc, xxii, 19. Telles sont les principales analogies qu’ont relevées plus d’une fois des Pères, des exégètes et des théologiens catholiques.

Aussi, sans vouloir attribuer aux plus minuscules détails de l’événement une valeur symbolique, sans nier la réalité du miracle, nous croyons devoir admettre qu’il existe une connexion entre la multiplication des pains et la promesse du pain de vie. Le Sauveur, à l’occasion du prodine et de la recherche de la foule, recommande le pain de vie qui estlui-même. lia pu, lorsqu’il multipliait les pains, se proposer à l’avance cette instruction, préparer les esprits à accepter la promesse d’une nourriture réelle, merveilleuse, permanente, inépuisable, sa propre chair, véritable pain du ciel. Cf. Lepin, art. Évangiles canoniques, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, de d’Alès, Paris, 1911, t. i, col. 171 J.

2. La marche sur les eaux, 16-21. — Comme le mira cle de la multiplication des pains, le prodige de la traversée du lac doit, selon Loisy et plusieurs critiques, être le thème d’une nouvelle leçon sur l’eucharistie, un second prélude au discours sur le pain de vie. D’une part, Jésus marche sur les eaux et viole les lois de la pesanteur ; d’autre part, il arrive instantanément au but et pour lui l’étendue n’existe pas. Sa chair n’est pas soumise aux conditions de la matière, elle peut donc être la nourriture des croyants.

Nous montrerons que, comme on l’a justement observé, cette théorie est un « jeu » d’esprit. Batiffol, op. cit., p. 88. Pour que le fait ici raconté, et qui d’ailleurs est relaté par les Synoptiques, ait été placé en cet endroit, il suffit que l’auteur ait cru que l’événement avait eu lieu à ce moment. Mais il est bien permis de penser, bien plus, si on reconnaît que la multiplication préparait le discours sur le pain de vie, il faut avouer que Jésus-Christ, en opérant ce nouveau prodige, facilitait l’adhésion à ses enseignements sur une nourriture mystérieure que, seule, serait capable de produire la toute-puissance du maitre de la nature.

3. Le discours sur le pain de vie, 22-59. — Après une courte introduction sur les circonstances de temps et de lieu, 22-26, Jésus, questionné par la foule, rappellele miracle de la multiplication ; puis, de la nourriture matérielle, il passe au pain de vie. La marche de la pensée paraît être la suivante : Vous me cherchez, dit Jésus à ses auditeurs, à cause du pain que je vous ai donné, cherchez le pain de vie, pain du ciel, nourriture pour la vie éternelle, ce pain, c’est moi, 27-33. Car je suis venu du Père pour ressusciter ceux qui croient en moi, 33-40. A un murmure des auditeurs, Jésus répond en expliquant leur incrédulité et en répétant les mêmes affirmations, 41-47. Il dit ensuite comment il est pain de vie : celui qui le mange, celui qui mange sa chair, celui qui mange sa chair et qui boit son sang a la vie éternelle, 48-59. Par rapport à l’eucharistie, on peut donc distinguer deux parties dans ce discours ; la seconde, 48-59, contient des expressions très caractéristiques : manger Jésus, manger sa chair, boire son sang. Dans la première, 27-47, on ne relève pas ces termes, mais des paroles plus générales : le Clu-ist est le pain de vie, il faut aller à lui, croire en lui.

a) i" partie du discours, 27-47. — Pourtant, même dans cette première partie, des interprètes catholiques et autres ont cru voir des allusions claires, directes, certaines à l’eucharistie. Est-ce à bon droit ?

Ils ont signalé le verset 27 : « Travaillez afin d’obtenir non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera » (le Sinaiticus et la version italique ont le présent : « que le Fils de l’homme vous donne » ). L’aliment qui subsiste en la vie éternelle, observe Loisy, « ce n’est pas seulement la bonne nouvelle de l’Évangile, mais tous les biens spirituels que l’Évangile annonce et la foi, et la résurrection et Jésus lui-même. » Op. cit., p. 440. Ainsi, même d’après ce critique soucieux de trouver partout en ce chapitre l’eucharistie, ce sacrement, s’il est désigné ici, ne l’est que d’une manière très vague et très générale. Corluy a soutenu qu’il était expressément nommé : car, observet-il, il s’agit d’une nourriture « que le Fils de l’homme donnera. » Ce futur constitue une promesse ; or, la nourriture promise aux fidèles, et qui, en fait, leur a été donnée, c’est l’eucharistie. Loc. cit., p. 342. Cette argumentation n’est pas concluante, car aux versets 32, 33, 35, il est question du même aliment spirituel et cette fois le verbe est au présent -. « Mon Père vous donne le vrai pain céleste… ; le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde… ; c’est moi qui suis le pain de vie, celui qui vient à moi n’aura jamais faim. » Il ne faut pas oublier non plus la variante signalée plus hau. (oiStociv au lieu de ôti.ai :).