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ETHIOPIE (ÉGLISE D’;


héritage ou un fief ? Je vous accorderai la couvocation d’un synode où vous pourrez présenter et défendre votre thèse. » L’assemblée eut lieu à Feker-Gcmb’du palais de Gondar (mars 1707). Le grand champion des Keb’utor, l’abljaWalda-Tensûë, espéra réunir les voix en sa faveur par une formule nouvelle : Ba-Kcb’â iawâhûdu, ou pcr unclioncm iinitus est, c’est-à-dire l’union est l’effet de l’onction ; tandis que jusqu’ici ces deux termes exprimaient deux actes distincts, séparés, avec leur effet propre. Voir plus haut. Cette subtilité ne modifiait pas la formule primitive, elle la précisait avec plus de clarté, puisque l’union déificatrice des ^agû-lidjoç devenait le résultat de l’onction. Elle ne contenta personne. Les partis restaient donc en ligne de bataille comme auparavant. Marcos IV renouvela l’excommunication contre les Keb’âtoç et le roi les condamna aux fers. Mêlés ensuite à l’insurrection d’un prétendant au trône, Amda-Sion, les doctrinaires du Gogiâm périrent dans un combat à Kabaro-Méda, leur fameux meneur Akala-Christos à leur tête (septembre 1707). Cf. Tarika-Xagast’.

Avec les rois Tewofilos et Yostos (1707-1717), la profession de foi des Keb’âtoç devint celle de l’empire : Ba-Keb’àt Walda-Bahery, ou per unciionem filiatio ejus naturalis. Yostos laissa les doctrinaires à leurs débats, s’étant mis en relation secrète avec trois capucins qui avaient réussi à pénétrer par le pays de Fougn (Sennâr), dans la province de Walkaït’. Daouit’III (1717-1721) inaugurera son règne par leur martyre. Ils furent amenés et lapidés à Gondar. La position acquise aux Keb’âtoç s’était maintenue durant dix-sept ans, et la consécration d’un sanctuaire dédié à leur fondateur, Kedus Eustatios, parut en être une garantie officielle ; mais les Smjâ-lidjoç guettaient l’arrivée du nouveau métropolitain Christodolu II (1720). En effet, cet abouna, après avoir louvoyé, leur donna l’avantage à la fin d’une assemblée orageuse où le roi avait soumis à sa décision la querelle sans issue.

Afjolement et massacre.

Une première déclaration : « Comme mes prédécesseurs, » si oblique et

insignifiante qu’elle fût, avait paru être plutôt favorable aux Keb’âtoç. Les Sariâ-lidjoç exaspérés jurèrent alors de soutenir leur croyance à outrance, jusqu’à la mort. Ils se rendent en troupe auprès de l’évêque et demandent si la formule publiée par les Keb’âtoç en son nom était vraimnet de lui. Alors Christodolu répondit : « Ma croyance à moi est que, par son union, le Christ selon la chair est fils unique du Père, et que par l’onction du Saint-Esprit il a reçu la qualité de Messie. » Ce fut un délire de triomphe.

Ils organisent aussitôt une manifestation dans la capitale, au quartier de l’Éçagé, puis au palais impérial. A la cour, on ne vit pas dé bon œil cette bruyante démonstration dont le caractère était séditieux ; elle était une revanche de rebelles contre l’édit royal de la veille. Les Keb’âtoç la dénonçaient comme telle et surtout ils accusaient la coupable duplicité de l’évêque. Toute la ville en fut en révolution. Daouit’III donna ordre de disperser l’attroupement des Sagâlidjoç, à force armée, si besoin était. Sommés de se retirer, les manifestants escortèrent en masse l’Éçagé et restèrent groupés dans son palais. Ordre fut donné aux soldats de faire évacuer. Un moine fanatique s’écria qu’il voyait un chérubin défendant la demeure de l’Éçagé ; ce fut à l’intérieur une résistance frénétique ; clic finit par un massacre général ; plus de cent victimes, parmi lesquelles les personnages les plus élevés de l’Église d’Ethiopie. Ceux qui, avec l’Éçagé Takla-haymanot’, échappèrent à la mort, subirent l’humiliation du dépouillement de leurs vêtements et des brutalités les plus grossières de la soldatesque. Compte fut rendu à Daouit’III de l’affreuse exécution ;

et l’absence d’indignation à ce tableau montra assez que le roi avait eu la volonté d’en finir avec la secte devenue séditieuse ; car, de part et d’autre, la cause originelle du différend, la foi, n’est plus qu’un prétexte aux rivalités et aux passions des ambitieux de tout ordre, o Cessez le carnage, ordonna le roi, suffit ! Désormais tout attentat sera puni de mort. > Et le calme se rétablit, conclut le chroniqueur. Le lendemain, fut édictée à nouveau la proclamation de la formule des onctionistes. Sous la terreur, la conjuration frémissait, l’inquiétude régnait. Les vaincus, quoique décimés, ne désarmèrent pas. La défaite appela la revanche : le roi allait mourir victime d’un empoisonnement.

Trêve religieuse.

Sous Bacâfâ (1721-1730), au

moins, point de querelles à fracas. Puis, les agitations anarchiques qui troublèrent les règnes de Yasu II et de Yoas(1730-1769) détournèrent les esprits des questions théologiques. Elles restèrent confinées dans la solitude des écoles ou l’enceinte des grandes églises où s’exercent les moines et les lettrés attachés au service de ces sanctuaires. Leur honneur sera d’être bientôt, sous le régime oligarchique en voie de formation, la consolation et le passe-temps des rois fainéants relégués dans le Gemb impérial de Gondar (17691850).

G" Surgeon et rejeton des opinions onctionistes. — Une déviation s’opéra dans l’enseignement jusqu’ici partagé entre les deux systèmes des unionistes et des onctionistes. Au lieu de s’attacher à saisir l’effectivité de l’onction ou de l’union dans le monophysisme, une digression provoquée incidemment, comme cela arrive dans les cours scolaires, fit reporter l’attention des esprits sur le principe ou l’auteur de l’onction, et ainsi réduire ses effets à la plus simple expression. Keb’âtoç et Sagâ-lidjoç étaient d’accord sur ce point, que le Christ a reçu du Père l’onction du Saint-Esprit, conformément aux textes du Nouveau Testament : les premiers l’admettant comme cause efficiente de la participation à l’essence divine, etlesseconds comme cause de la qualité de Messie ou nouvel Adam ; cette consécration messianique, ils l’appelèrent naissance spirituelle due à la grâce de l’onction, d’où Ya-Sagâ Lidj. De là, ils furent amenés à reconnaître dans la christologie trois naissances : 1. génération éternelle du Père ; 2. génération selon la chair de Marie ; 3. génération spirituelle de Jésus à l’état messianique ou à « l’être-Christ » . Cette explication des trois naissances, Sost-ladat’, eut cours à Gondar et dans le sud, vers la fin du xviii<e siècle. Les Keb’âtoç ne reconnaissent que les deux générations, l’une éternelle du Verbe, qua unigenitus, et l’autre temporelle dans le sein de Marie, qua primogenitus. Mais les’iagâlidjoç épiloguaient sur ce terme de premier-né ; à la génération qua novus homo, primogenitus, ils ajoutaient la génération qua primogenitus omnis creaturas ou le premier-né des régénérés ou enfants de Dieu.

2 « rejeton : Du miUeu de trémail enchevêtré surgit une troisième opinion émancipatrice de ces complexités. Elle paraît être née dans le Tembièn (Tigray ou Tigré intérieur), de la rêverie d’un moine, Abba Adarâ, santon à oracles très écoutés. Les écoles de cette contrée, constamment aux prises avec les iiCeft’d/orpourqui l’onction est tout dans le monophysisme, à force de soutenir que c’est le tawahedo seul qui unifie la nature humaine avec la divine, nièrent toute causalité quelconque de l’onction dans le mystère de l’incarnation, par la raison que le Fils de Dieu, consubstaiitiel au Père et au Saint-Esprit, ne saurait recevoir du Père ce qu’il a déjà par son essence ; et que, par conséquent, dans et par son union avec la nature humaine, il était le seul auteur de l’élévation de son