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ETHIOPIE (EGLISE D’;

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Les fauteurs de riiorésic et les meneurs des complots en profilèrent pour légitimer leurs trames et pousser à l’insurrection. Basilidès lui-même, l’héritier du trône, soudoyé par la reine sa mère, les encourageait et les appuyait ouvertement, contrecarrant son père dans toutes ses mesures. La connivence des ambitions, politiques et des mauvaises passions impatientes du frein, sous le couvert de l’attachement à la religion nationale, alluma la guerre civile. L’empereur, vieilli, épuisé par les lassitudes des débats censés pacifiques, mais de tous les plus haineux, et par un long règne cousu de combats sanglants, rendit les armes et se déclara impuissant à réprimer le mouvement insurrectionnel débordant de tous côtés. Le soulèvement du Tigré, à la suite de Takla-Giorpis, gendre du roi (1627), eut pour cause un déni de justice par le beau-père sur l’infidélité scandaleuse de la Wazero, sa femme ; mais le cheval de bataille choisi fut l’inquisition qui violentait les consciences.

Ce soulèvement à peine réprimé fut suivi d’un autre bien autrement redoutable, irréductible, dans les monts du Lastâ(1629-1632). Une étincelle embrasa ce furieux incendie. Un officier du gouverneur du Bégameder dont dépendait le Lastâ exécuta avec la brutalité d’un bouvier les instructions reçues d’amener les populations à l’acceptation de la foi catholique. Les montagnards n’étaient pas du bétail ; au lieu d’être poussés en masse comme à la foire, ils demandèrent d’être traités en êtres raisonnables et d’être instruits au préalable de la religion qu’on leur imposait. Il y fut répondu par des concussions. Les rudes paysans répliquèrent aux coups par des coups. Le conflit prit mauvaise tournure pour les soldats impériaux, ils durent prendre la fuite.

L’empereur fut très contrarié de cette fâcheuse affaire. Il ordonna la répression. Il s’ensuivit une guerre qui mit en feu le Bégameder, l’Amhâra et le Lastâ durant trois années. Les montagnards étaient restés très dévoués aux descendants de leurs princes Zaguës, quiavaientrégné trois siècles sur tout l’empire. Voir col. 932 sq. Ils offrirent le commandement à J’un d’eux, Melka-Christos, qui organisa aussitôt une armée de ces rudes alpins et se retrancha dans les monts inaccessibles, d’où, à l’occasion, il descendrait prendre l’offensive contre les impériaux. Les campagnes se suivirent avec des chances diverses, mais sans autre résultat que l’extermination et les ruines (1629-1632). L’empereur en resta fort affecté.

Déclin de la cause catholique.

Les ennemis de la

mission catholique en profitèrent pour le refroidir de plus en plus, en représentant la question religieuse comme l’unique cause de ces guerres fratricides, et que le retrait des édits comminatoires rétablirait la paix dans l’empire. La cause catholique avait perdu ses défenseurs à la cour, le ras Keb’â-Christos, viceroi du Tigré, Buko, vice-roi du Damot’, etc., avaient péri ; l’azaj Tino était en disgrâce (il fut plus tard lapidé pour la foi) ; et les insinuations des courtisans et des princes jaloux de la puissance du ras Sela-Christos avaient réussi à lui faire perdre la confiance du roi, son frère. Sa disgrâce atteignit la sainte cause dont il s’était déclaré le champion. Ne faisaient-ils pas croire au monarque que ce prince tant favorisé visait, au fond, à la ruine du trône et que, d’accord avec les Pères jésuites, il préparait l’invasion et la conquête par les Portugais ?

L’empereur s’y laissait prendre ; et cette mystification lui conseilla d’interdire aux Pères la construction d’une résidence à Débaroa, sur le plateau qui .domine le versant de la mer Rouge. Le clan des dames de la cour, la reine la première, ne laissaient entendre jrque ces plaintes répétées comme un bourdonnement qui fatigue l’oreille sans relâche. Le premier signe du

refroidissement du roi à l’égard du patriarclie et de la sainte œuvre de restauration déjà fort avancée fut donc la disgrâce imméritée de leur principal défenseur. Harcelé par tant de conseillers hostiles, Socinios avait déjà demandé au patriarche Mendez la concession de trois choses d’ailleurs dispensables, concession qui aurait suffi, à ses yeux, pour calmer l’efi’ervescence du peuple : le retour aux anciennes liturgies pour la messe, à l’abstinence hebdomadaire du mercredi au lieu du samedi, à la célébration des fêtes selon le calendrier éthiopien. En 1629, le patriarche l’accorda, à son corps défendant, car il craignait, non sans raison, d’ouvrir la porte â d’autres compromissions fatales. Victorieux sur ce point, les assiégeants livrèrent de nouveaux assauts (18 juin 1632) afin d’obtenir la liberté aux populations de choisir entre l’une et l’autre des deux Églises, la romaine ou la traditionnelle. Malgré les prières et les objurgations de l’abouna Alphonse, le décret impérial fut publié le 24 juin.

9° Mort de Socinios, et destruction de la mission. — Le vieil empereur, épuisé par tant de questions troublantes, miné par la maladie ajoutée au déclin de l’âge, ne devait guère survivre. Appelé près du moribond, 13 septembre, le P. Diego de Matos l’exhorta à penser au salut de son âme et à la foi dans laquelle il devait mourir. Le roi répondit à voix très haute et avec beaucoup de sentiment : Je meurs dans la foi romaine ; je me suis déjà confessé. » Il fit cette recommandation à son fils Basilidès : « Mon fils, nous avons autorisé l’ancienne croyance par égard pour les paysans ; la foi romaine est la bonne et la vraie. Je te recommande le patriarche et les Pères. » Il rendit l’âme le 16 septembre 1632.

Ce fut le glas annonçant sans délai la fin de l’Église catholique en Ethiopie. Le nouveau roi Basilidès n’avait même pas attendu la mort de son père pour interdire désormais toute communion avec les prêtres romains ; et sans tarder, il les bannit du territoire abyssin. Le patriarche Alphonse Mendez et d’autres Pères retournèrent à Goa, en 1636.

La théologie avait sombré, non qu’elle n’ait été et ne demeurât victorieuse, invincible dans sa dogmatique, car, dans leur triomphe même, les révolutionnaires l’avouaient ; mais entraînée dans le naufrage de la morcde sous les flots fangeux des plus basses passions irritées et furieuses impitoyablement : « Nous voulons le rétablissement de l’Église de nos pères, moins intransigeante, elle, plus tolérante et adaptée à nos mœurs ancestrales. »

IX. La christologie.

Le monophyslsme reparut à la surface sous le manteau de formules équivoques, comme pour faire croire à une transaction où la querelle n’était plus que dans un malentendu de mots. On supprima les termes nature et personne, pour s’en tenir au langage concret : « Nous reconnaissons le Christ, homme parfait, Dieu parfait, le fils de Dieu incarné. »

Nouvelle orientation des querelles scolastiques.


Les débats théologiques avaient attiré et habitue les esprits aux spéculations dogmatiques ; et les écoles ne s’en tinrent pas à l’énoncé de la formule conciliatrice. Confusément au moins, il restait quelque chose de la vérité catholique qui avait ressorti avec tant d’éclat dans l’argumentation des Pères jésuites, entre les deux extrêmes périlleux du nestorianisme et de l’eutychianisme. Le travail des esprits, alors laissés à leur libre évolution, divisa les écoles en deux camps d’opinion : le parti des disciples de Takia-haymanot’et celui des disciples d’Eustatios, déjà antagonistes, comme nous l’avons vii, sur d’autres questions cultuelles. La discussion roule invariablement dans l’étroit circuit de la christologie, c’est-à-dire de la