Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/492

Cette page n’a pas encore été corrigée

955

ETHIOPIE (ÉGLISE D’956

se prononcer et de promulguer comme désormais olTicielle la croyance dyophysitc. L’abouna Siméon lui fit des remontrances d’avoir pris une détermination à ses yeux si ruineuse, sans même le consulter, lui, l’évêque, le gardien de la foi et juge de l’Église d’Ethiopie. Droit fut fait à sa plainte ; les controverses furent rouvertes, mais à la confusion de son ignorance, malgré l’appoint du cortège énorme de moines et de clercs qui l’escortaient. Le résultat fut la confirmation du décret par une deuxième publication motivée par les preuves tirées des livres doctrinaux, spécialement le Haijmanol ahaw, qui fait foi en Abyssinie, et par le témoignage de tous les lettrés les plus savants. Il imposait la croyance aux deux natures en Jésus-Christ, et cette fois, sous la sanction de la peine capitale. L’abouna, appuyé par le ras Amâna Christos, frère utérin de Socinios et frère jaloux du ras Sela-Christos, zélé champion de la foi romaine, fulmina l’excommunication à quiconque se soumettrait à l’édit impérial. C’était la guerre déclarée, et les partis allaient se trancher. L’excommunication troubla les consciences et la cour en fut dans une grande agitation, quoique le prestige de l’abouna fût perdu et son autorité spirituelle fort diminuée à cause de ses mœurs scandaleuses. L’empereur n’en fut pas ébranlé et tint bon.

Guerres inlesiiiics.

Cependant l’anarchie fermentait

trop pour ne pas éclater. Sous les brandons du fanatisme, les provinces étaient en ébullition, le Tigré, le Begameder, le Damot’et le Goçiam. Les ras qui les commandaient, dissimulant ou leur ambition frustrée, ou leur jalousie mécontente, sous le couvert de la foi ancestrale, prirent parti pour l’abouna Siméon contre l’empereur, et surtout contre leur rival politique, le ras Sela-Christos, que sa bravoure et ses talents militaires avaient imposé comme généralissime de l’armée (1617). Mendez, dansBeccari, t.viii, p. 106. La conjuration partit en guerre sous l’étiquette : « La foi de nos Pères, le monophysisme. »

Julios, gendre de l’empereur, était à la tête de l’insurrection, accompagné et béni par l’abouna Siméon. Les troupes royales les rencontrèrent entre Azazo et Dancaz, en mai 1617. La victoire favorisa le parti royaliste et catholique ; Julios et l’abouna Siméon y périrent. La résistance dogmatique était épuisée ; mais d’un autre côté, la question du sabbatismc, sous le souffle d’un fanatisme inspiré par les santons, anachorètes nombreux du Damot’, réunit autour de lonaël, le vice-roi du Begameder, toute une armée de guérillas. On redoutait ces frénétiques montagnards et l’on ne cachait pas que du succès, cette fois, dépendait le sort de la couronne, tellement l’opinion publique énervée avait mis l’inquiétude dans les masses inconscientes. Les femmes surtout « subornées, comme disaient les officiers, par les moines qui les circonviennent pendant que nous sommes en campagne, » fomentaient les troubles. La déroute de lonaël dans le Begameder et la victoire du ras Sela-Christos sur les bandes ameutées dans le Damot’(22 janvier3 octobre 1621) tranchèrent encore cette querelle, et l’affolement de la foule s’apaisa. D’Almeida. dans Beccari, t. vi, p. 352-356.

3° Démarche officielle prés du Saint-Siège, et conversion effective de Socinios. — L’empereur, encouragé par ces heureux succès sur ces émeutes, comme un signe des bénédictions du ciel, résolut, après avis au préalable des groupes grossissants des adhérents parmi les princes et les lettrés, de proclamer définitivement l’adhésion de l’empire à l’Église catholique et de faire la’demande ofncielie d’un patriarche près du pontife de Rome, successeur de saint Pierre. La vacance du siège par la mort tragique de l’abouna Siméon hâtait la décision et l’exécution. Le P. Paëz,

qui avait réconforté son royal néoplu te au milieu des troubles et en face des soulèvements jjopulaires sous l’excitation des moines et d’ermites forcenés, était venu de Gorgora à Dancaz pour féliciter Sa Majesté et s’unir à ses actions de grâces envers Dieu, qui l’a favorisé de toutes ces victoires.

Le Père approuva la royale et décisive détermination ; une proclamation motivée l’annonça afin d’y préparer l’opinion publique, et elle fut renouvelée en 1624 ; elle est : a)un document dognialique en faveur de la vérité contre le monophysisme et les conséquences absurdes, ou grossières, ou contradictoires, et injurieuses à la sainte Trinité, etc. ; b) un document cultuel condamnant le judaïsme de l’observation du sabbat (samedi), ajoutée à celle du dimanche chrétien ; c) un document historique légitimant l’appel à Rome, à l’effet d’obtenir un abonna, par des motifs basés sur l’évidente rébellion de Dioscore contre les 636 Pères du IX’^ concile (à Chalcédoine ;, et sur les prévarications simoniaques des abonnas dans les ordinations, et scandaleuses dans leurconduite privée, voire même des trois derniers, Marcos, Pétros et Siméon, notoirement perdus de réputation à cause de leurs crimes innombrables. Assurément, le coup d’État ainsi motivé défiait tout reproche d’illégalité et de violence à la vérité. Toute la cour acquiesça et prêta serment de fidélité. D’Almeida, dans Beccari, t. vi, p. 355-358 ; Mendez, ibid., t. viii, p. 110-117.

Ce grand acte impérial réalisé, Socinios accomplit l’acte personnel, plus décisif encore : sa conversion efiective par la réception des sacrements de la pénitence et de l’eucharistie (1622) à Fogara, des mains du P. Paëz. Un exemple du plus saisissant caractère en cette conversion fut la renonciation à la polygamie ; car elle était à la cour un obstacle comme insurmontable, vu le droit de cité qu’elle y avait pris, jusqu’à être admise non seulement comme exceptionnellement permise et licite, mais comme un apanage obligatoire de la couronne. « A quoi bon être roi, dit un proverbe national, si ce n’est pour jouir de tous les plaisirs que sa fortune lui offre, et pour s’entourer d’une nombreuse progéniture, sa plus belle couronne ? » La cour a toujours eu son harem : l’épouse de la droite, l’épouse de la gauche, et toute une phalange de concubines soit habituelles, soit accidentelles. Or Socinios, en recourant au P. Paëz, avait résolu de revenir à la pureté matrimoniale de la loi évangélique. Il ne garda que la première épouse, la mère des fils appelés à la succession au trône. Le royal exemple devait être suivi par nombre d’autres au palais et dans les camps. Aussi ce fut un murmure général de plaintes et de lamentations, et même de récriminations soulevées par cette mesure, tellement était faussé le sens moral sur cette loi fondamentale de la vie chrétienne. Le divorce était légal et fréquent ; l’empereur abrogea cette légalité fondée sur les habitudes ancestrales, contre lesquelles avaient déjà échoué de graves interventions. Voir plus haut, col. 939, 950.

4 » Graves difficultés d’ordre moral et d’ordre liturgique. — 1. Ce nouvel édit causa encore plus d’agitation dans tous les rangs de la société ; et durant les deux années qui suivirent (1622-1624), les cas de divorce se présentèrent encore fréquemment devant les Won’ber ou juges de paix. Ceux-ci, inhabitués à la nouvelle législation, rendaient leurs sentences conformément au droit établi sur le modèle de la loi mosaïque. Socinios institua un tribunal spécial pour les causes matrimoniales, sous le contrôle des missionnaires, afin de suivre les règles conformes au droit divin et aux sacrés canons. Une sanction très rigoureuse atteignait les réfractaires, c’est-à-dire ceux qui divorceraient contrairement à ces dispositions : la con-