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ETHIOPIE (ÉGLISE D’;


du pape Clément V, à Avif^non, vers 1310, est à peine à mentionner, comme indice de la souflrancc immanente de l’Église d’Étliiopie séquestrée dans un cercle de fer par le schisme des coptes et la haine des Sarrasins.

A l’émulation des études ecclésiastiques correspondit une intensité de vie religieuse qui se manifesta par des réformes d’un caractère pharisaïque et d’un étroit rigorisme conventuel, qui de l’enceinte monacale s’étendit et pénétra dans les mœurs de la société civile, dès le xive siècle. Le monachisme imprima son sceau sur la vie séculière et, sous le prétexte de perfection évangélique, l’étreignit dans le cercle étroit d’obligations rituelles, au détriment des plus stricts et essentiels devoirs de la morale. Fier de sa religiosité, le chrétien d’Ethiopie, esclave d’une foule d’observances extérieures héritées du judaïsme et surannées, et de pratiques à base chrétienne mais accessoires et même superstitieuses, sera sans scrupule aucun à l’égard des préceptes les plus graves de la loi divine. Piolet, Missions catholiques, Abyssinie, par Coulbeaux, t. i, p. 4 sq. Le formalisme supplanta le culte en esprit et en vérité.

La coutumière facilité des mœurs licencieuses de la cour d’Ethiopie est un fait historique, à tel point que, dans l’esprit du peuple, elle est un droit attaché à la haute fortune des princes et des grands. La polygamieet le divorce ont forcé la barrière des lois divines et sont couramment admis comme des usages nécessaires fondés sur les besoins et les faiblesses de la nature. Aussi aucun des docteurs, des chapelains, des religieux qui encombrent les palais et les camps, n’aura même l’idée de les condamner au nom’de la morale chrétienne. La fornication et même l’adultère trouvent près d’eux des excuses et des accommodements. Rien ne paraît excessif dans ces limites censées légales. L’inceste seul est réprouvé, et même nulle part ailleurs, la loi des empêchements de consanguinité et d’affinité jusqu’au septième degré n’est d’une rigueur plus intransigeante qu’en Abyssinie. Il n’a fallu rien moins qu’un tel excès pour qu’un moine de Dabra-Libanos, abba Anorios, se dressât comme un nouveau Nathan contre le roi Amda-Sion, dans les premières années de son règne (1312-1342). Mais l’homme de Dieu ne trouva pas un autre David. Amda-^ion, sous le joug de la passion, ne l’écouta point. L’abbé ne vit plus d’autre remède que l’excommunication. C’était mettre l’empereur au ban de l’empire. Exaspéré, le roi dissimula sa colère et sembla se rendre. Il se vengea bientôt à propos d’une chicane cultuelle : la légalité ou l’illégalité de l’observance du sabbat judaïque, le samedi. Anorios, avec tous les religieux de Dabra-Libanos, soutenait l’abrogation du sabbat, et le parti d’un autre moine également influent, l’abba Eustatios, disciple du fondateur du même nom, prétendait que le dimanche clirétien n’abolissait pas le sabbat de Moïse. Amda-Sion prit fait et cause contre Anorios, et il avait beau jeu, assuré qu’il était de défendre la tradition ancrée dans l’esprit et la religion du peuple contre des protestations motivées qui paraissaient être une innovation. L’abba Anorios fut condamné à la flagellation et un édit de proscription bannit et dispersa l’ordre de Dabra-Libanos. L’abbé général, rÉçai ; é Philippos, fut relégué sur la forteresse d’Ambà-Géchèn. Les moines d’Eustatios, que cette victoire liturgique et le châtiment des adversaires élevaient sur le pinacle, prêchèrent l’obligation du chômage sabbatique fondée sur le texte des canons apostoliques apocryphes dont ils soutenaient l’authenticité. De là, la rivalité qui divisa plus que jamais les disciples d’Eustatios de ceux de Takla-haymanot’. Le parti vainqueur profita de la popularité accrue

de son triomphe, pour imposer les autres opinions doctrinales et les lois cultuelles dont il se posait défenseur. Après les folies des premières années, le règne d’Amda-Sion se continua dans une longue, glorieuse et fertile prospérité : glorieuse par ses héroïques campagnes contre les Adalites mahométans envahisseurs, qu’il a refoulés et réduits à l’impuissance au moins pour quelque temps ; feiiile dans les nouvelles éclosions et le repeuplement des monastères, dans la fructueuse production de la littérature religieuse, entre autres, de l’épopée fabuleuse du « Kebra-Nagast » ou la gloire des rois de la Sion d’Ethiopie, du Livre des heures ou « Matsehâfa-Saâtât’» , etc.

5° Calme relatif. Prépondérance de la communauté éthiopienne à Jérusalem. — La vie de l’Église d’Ethiopie durant tout le xiv » siècle s’écoule dans un long statu quo, vide pour l’histoire de la théologie. Les esprits sont détournés par les luttes contre l’islamisme, défensives aux portes de l’Abyssinie orientale, offensives contre les Sarrasins persécuteurs des chrétiens en Egypte. Les descendants et successeurs d’Amda-Çion ont bien mérité de la patrie et de l’Église. Sayfa-Arad et Daouif l^’(David) se sont signalés par leurs campagnes « ’dans la Haute-Egypte’, disent les chroniques, c’est-à-dire la Nubie, car ils ne descendirent pas plus loin. Mais ces expéditions ont suffi pour mettre l’Egypte en émoi, par la crainte du détournement du Nil et du dessèchement de ses riches vallées, que l’opinion générale croyait possibles. La terreur populaire inquiéta les califes. Ils cessèrent leurs vexations contre les coptes et leurs violences contre les patriarches eux-mêmes, qu’ils rendaient responsables des déficits des impôts dont ils pressuraient le peuple. Ils durent même avoir recours à eux pour faire la paix avec l’Abyssinie. Leur laborieuse entremise près de Daouif I^’fut couronnée de succès. Des échanges de messagers, de riches présents et de procédés amicaux entre Daouit’et Barqouq amenèrent un modus vivendi favorable à l’Église copte. L’Abyssinie en tira surtout l’inappréciable profit d’une position privilégiée, prédominante, presque d’un monopole, sur le Saint-Sépulcre et tous les Lieux saints. La plus insigne des preuves en fut le droit de produire le censé miracle du feu sacre, le samedi saint. Les moines abyssins ne le perdirent que vers le milieu du xviie siècle. Tous les partis, jacobites, syriaques et coptes, triomphaient par ce revirement qui suivit la disparition des Francs. Leur reconnaissance en récompensa la cour d’Ethiopie par le don d’un morceau considérable de la vraie croix. Le bois sacré fut accueilli par de grandes fêtes qui, d’ailleurs, se célèbrent encore chaque année sous le titre de « Maskal-Atsé » ou fête royale de la croix, le 16 de Maskaram (27 septembre). Le couvent éthiopien à Jérusalem, Dar el-Sellân, jouit désormais d’une grande importance à la cour d’Ethiopie. Le " Mamher > ou « raïs » , qui en est l’abbé, a la suprématie, même sur les couvents et hospices éthiopiens en Égjpte. La communauté de Hévila elle-même, près du patriarche au Caire, était sous sa haute juridiction. La cour de Tégoulet’(Choa) comptait surtout sur son intermédiaire auprès du patriarcat copte, quand il s’agissait de l’élection d’un successeur au siège épiscopal d’Ethiopie. La dignité du Mamher de Jérusalem, avec tous les pouvoirs y attachés, était de la plus haute importance, et le roi n’en revêtait que le religieux le plus méritant, le plus fidèle, dans lequel il avait une confiance entière.

Le couvent de « Dar el-Seltân » devint l’emporium où convergèrent les relations entre l’Ethiopie et l’Occident. Malgré les rapports moins tendus, apparemment rassurants même, avec le Caire, le péril