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ETHIOPIE (EGLISE D’]

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tion d’uii ovCque. A défaut de moines, l’abba Johanès (1189-1216) se décida à accorder l’évêque de Fua, abt)a Kilos. Celui-ci était à peine depuis quatre ans en Étliiopic qu’on le vit revenir au Caire. L’aljouna s’était laissé déposséder par un ambitieux, nommé Gédrona, frère de la reine. Sous la pression de celle-ci, Kilos avait donné à ce moine intrigant la consécration épiscopale contre toutes les règles canoniques et l’avait mis à la tête de l’Église de la capitale. Gédrona usurpa bientôt tous les attributs du « catbolicos » ; .prâce à sa prestigieuse influence de beau-frère du roi, lil attira à lui toutes les affaires ecclésiastiqucs, sans plus permettre à personne de s’adresser ou d’en appe-ÎBr à l’abouna Kilos. Dans cet état d’abaissement, l’ombre même de Kilos inquiétait l’usurpateur ; il soudoya des émissaires nocturnes pour attenter à sa vie. Kilos ne trouva de salut que dans la fuite. Au r>cit de telles mésaventures, le patriarche ne se sentit pas la force de lui reprocher sa honteuse et s icrilège félonie, jusqu’à conférer la consécration épiscopale contre toutes les lois et les rites de l’Église, il expédia un prêtre nommé Moïse pour dénoncer à la cour l’inlrusion subreptice et sacrilège de l’ambitieux Çédrona. Pendant que Moïse en traitait à la cour royale, Çédrona vint à mourir. Sa mission n’ayant plus d’objet, il prit congé de la cour et retourna rendre compte des événements. L’empereur le fit accompagner d’une députation chargée de présenter les explications et les excuses qui lui conciliassent les dispositions du patriarche. Les plus riches présents facilitaient cette démarche, une couronne d’or olTerte au patriarche, et divers cadeaux aussi précieux, de> anim.^ux rares, éléphants, lions, girafes et zèbres, destinés au sultan. Les ambassadeurs obtinrent raison contre le malheureux Kilos, et, à sa place, un moine de saint Antoine, abba Isaac, fut sacré catholicos d’Ethiopie (1209-1210). Rcnaudot, p. 480550.

G" Règne de Lalibala. — Lalibala avait succédé â son père Sinudâ ou Djân-Siyum, sur le trône d’Ethiopie. Son nom a échappé à l’oubli voulu des chroniqueurs sur la dynastie Zaguë ; il a été attaché par la vénération nationale au groupe de monuments que l’on admire sur le plateau d’Adafa, sa capitale. Par le soin pieux de ce prince, onze églises monolithes ont été taillées, creusées dans le roc par quatre à cinq cents ouvriers égyptiens qu’il avait choisis parmi la foule d’émigrés chassés de leurs foyers par la persécution des musulmans.

Le négus Lalibala fit au monastère, qui comprend dans son enceinte tous ces sanctuaires, la donation de tous les domaines environnants, donation respectée jusqu’aujourd’hui. La dévotion populaire en a fait un pèlerinage égal à celui du Saint-Sépulcre à Jérusalem par l’infaillible garantie du paradis. Acte de donation, dans Raffray, Voyage en Abyssinie et description aucc plans des sanctuaires, p. 24. A cause des persécutions des Sarrasins en Egypte, le siège patriarcal resta vacant pendant vingt années (1216-1236).

Cette période fut marcfuéc par un mouvement de retour des Églises de Palestine et même d’Egypte à la communion catholique. En 1237, le patriarche jacobite de Jérusalem faisait son abjuration entre les mains du P. Philippe, des frères prêcheurs, et il écrivait à Grégoire IX : « Nous avons envoyé de nos frères en Egypte vers le patriarche copte, abba Kcrlos, … et ce patriarche nous a témoigné aussi le désir de revenir à l’unité catholique. » Macaire, ///sloire d’Alexandrie, p. 300. C’était l’effet d’un ébranlement produit par les croisades. Sans doute, il eut répercussion en Abyssinie, nous en verrons un effet dans le recours de l’Église éthiopienne auprès du pa triarche de Jérusalem pour obtenir un évoque syrien, durant la détresse des coptes. Voir plus loin.

V. SofS LA RESTAtHATION DYNASTIQITK ; Noi VELLE PHASE RELIGIEUSE. — Une grande révolution ramena l’antique dynastie sur le trône im.périal, vers 1268. L’iiglise d’Ethiopie y vit éclorc une ère nouvelle : 1 » par une constitution et une organisation qui répondit aux besoins de la condition anormale et préjudiciable sous le vasselage du Caire ; 2° par un regain de vitalité en elle-même et d’expansion féconde autour d’elle dans les régions les plus excentriques de l’empire.

Le nom qui domine ce tournant de l’histoire d’Ethiopie est celui d’un moine, Takla-haymaiiot’, vénéré comme un phénomène de la mortification la plus cruellement industrieuse à crucifier la chair et, partant, comme un ajiôtre puissant dans ses paroles et ses œuvres. La précocité de ses goûts pour les choses religieuses le fit admettre dès son adolescence, par l’abouna Kerlos, dans la cléricature et même au diaconat. Le prestige de sa sainteté lui donna un tel ascendant sur les foules qu’il convertit rapidement au christianisme les régions encore païennes des bords du fleuve Abây et de ses affluents, dans le Choa et le Dâmot. Mais le succès de son rnfiuence prestigieuse qui illustra son nom fut la restauration dynastique et la situation qui en résulta pour l’Église d’Ethiopie.

Xoiwclle constitiilion organique de l’Église.


1. Ce fut d’abord un pacte par lequel le roi réintégré au trône, Ikouno-Aniilâk, consent la cession du tiers du territoire de l’empire aux gens d’église, sous la haute tutelle de Takla-haymanot’, et après lui, sous la tutelle de ses successeurs en la charge d’abbé général de son ordre. Il s’ensuit que le tiers de chaque terroir communal revient à la paroisse. Cet article acquiescé par le roi au moine dictateur découvre à l’évidence les mobiles d’une ambition intéressée et d’une vénalité sans exemple, exorbitante, déshonorante pour le monachisme. — 2. Comme résultante de cet accord, suivit la création d’un ministre général des biens et par conséquent maître des dignités ecclésiastiques, laquelle charge appartiendrait de droit à Takla-haymanot’et à ses successeurs.

Après sa mort, les restes du puissant abbé furent transportés par ses disciples dans les steppes déserts à l’ouest du Choa, et sur sa sépulture un imposant sanctuaire et un couvent furent fondés pour y conserver le culte de sa mémoire. Ils l’appelèrent Dabra-Libanos, « Mont Liban » . Sa communauté s’établit dans ce monastère et il sera la maison centrale de l’ordre disséminé.

Les abbés de Dabra-Libanos sont donc de droit les titulaires de la haute charge ecclésiastique, c’est-à-dire de chef suprême de tous les ordres religieux, qui met entre leurs mains tous les pouvoirs administratifs et judiciaires de l’Église d’Ethiopie. Aussi, l’on comprend que les rois s’intéressent beaucoup à leur élection et exercent une pression pour qu’il sorte un homme de leur choix. L’élu prendra le titre d’Érai/é, près de l’atsé on assistant au trône. C’.'tte charge c.U u -i correctif à l’irrégularité et un supplément au défrut de la constitution fondamentale de l’Église d’Ethiopie. Les vacances démesurément prolongées du siège épiscopal avaient nécessité ce moyen terme dans l’administration ecclésiastique ; mais désormais ce sera une institution ferme, officielle, même en présence de l’évêque. C’est un pouvoir collatéral au pouvoir épiscopal, et effectivement plus réel, amoindrissant l’autre jusqu’à ne lui laisser que la suprématie d’honneur. Tout dans l’Église compte avec lui, car sa suprématie juridictionnelle s’étend sur les monastères et les paroisses et clic s’y