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ETHIOPIE (EGLISE D’]


engagements de favoriser la construction de mosquées en Abyssinie.

Le faux métropolitain Kurij, arrêté dans sa fuite, subit au Caire la peine capitale. Sévère essaya de réformer les mœurs et s’attaqua surtout à la polygamie, la plaie invétérée de la cour et des grandes maisons. Ses efforts échouèrent devant la résistance générale, malgré l’intervention du patriarche lui-même par un mandement spécial. Le seul résultat fut la sanction coercitive qui consiste dans la prohibition de la communion eucharistique aux polygames. Était-il besoin de la défendre ou, s’il en était besoin, vraiment que restait-il de sens moral ? On voit par là combien étaient avilies les âmes, ternies les’^consciences, ravalée et abaissée la religion ! Son courage coûta à l’abouna Sévère la disgrâce de la cour ; il dut se résigner à la tolérance, comme tous les autres après lui.

Mais il prévariqua à son devoir en favorisant, comme il l’avait promis au vizir, son protecteur, la construction de plusieurs mosquées dans la terre regardée comme la Dîme du Christ. Il souleva la colère du peuple, qui renversa tous ces édifices subrepticement élevés, et il l’eût payé de sa tête si la condamnation n’avait pas été commuée à cause de son caractère sacré. Il fut banni. Renaudot, p. 453-463.

2 » Diversion et trêve causées par l’entrée des Francs à Jérusalem. — Ces entraves à l’infiltration de l’islamisme provoquèrent des colères au Caire, et, n’eût été la diversion produite par la nouvelle de la prise de Jérusalem par les croisés, les hostilités se seraient envenimées. Mais les musulmans avisés ménagèrent les coptes en Egypte et en Abyssinie, de peur qu’ils n’entrassent de connivence avec les Francs victorieux. Au surplus, les schismatiques, loin de se réjouir de ce triomphe des armes chrétiennes, pour eux l’aube de la délivrance du joug des Sarrasins, en furent dans la désolation. Leur haine sectaire préférait la servitude dure et humiliante de l’islam à une liberté dont ils eussent été redevables à la générosité des catholiques d’Occident. Renaudot, p. 471. Aussi, le vizir Afdal se montra-t-il empressé à favoriser, auprès du patriarche Michaël (1093-1102), la nomination d’un nouveau métropolitain pour l’Abyssinic, l’abouna f. ! iorf ; is.

Scandales des abouiias.

Mais le triste abonna

allait, après les excès de diverses sortes de ses prédécesseurs si néfastes à l’Église d’Ethiopie, oJÎfrir le spectacle de la vie la plus honteuse par ses mœurs dissolues. Son immoralité souleva bientôt l’indignation générale ; car, si le peuple abyssin avait, au profit de ses propres instincts, légalisé l’impudicité, son reste de sens religieux n’accordait pas au moine, ni surtout à l’évêque, le droit de l’impudeur.. la luxure s’était adjointe la cupide avarice, et elle amoncela rapidement des richesses scandaleusement acquises sur les paroisses pressurées. Cet esprit et cette pratique de pressurage et de commerce sont restés dans les habitudes de tous les abonnas, jusqu’à nos jours. Cf. Au pays de Ménélik, dans les Missions catlwliques, 18961897. L’inconduite et la sordide passion du lucre de (.liorRis causèrent un tel scandale que l’empereur, humilié de sa déférence religieuse pour un personnage aussi indigne, dut se résoudre à le faire arrêter et reconduire en Egypte.

4<> Tentatives d’indépendance constitutionnelle de l’Église d’Ethiopie. — Sous le règne de Sinudà dans le Lastâ et sous le patriarcat de Gabriel (113111.36), eut lieu une tentative de l’Église éthiopienne rjui a, dans son histoire, une grande et significative importance, pour obtenir sa constitution hiérarchique normale, conforme au droit commun de toutes les Églises, et n’être plus condamnée à la servitude humill. mle et que nous avons constatée si désastreuse

aux intérêts de la religion en Ethiopie. Appuyé sur les canons synodaux, le conseil de la cour impériale, composé surtout des Mamherân et des LikâiinV de l’université, prit une résolution radicale, qui parut une innovation à la masse ignorante, mais qui n’était que la revendication d’un droit antique, légitime, de pouvoir recruter ses pasteurs dans le clergé national. L’inspiration d’un conseil si antitraditionnel et audacieux venait sans doute de Jérusalem par quelque religieux qui avait frayé avec ceux de l’Église catholique. Il fallait, pour cela, obtenir un collège d’évêques requis par les canons pour la consécration épiscopale d’un prélat et pour la provision aux sièges vacants. Le nombre requis était de sept, selon le pseudo-concile de Nicée arabique. Une ambassade fut déléguée du Lastâ au Caire pour obtenir la création de ce collège épiscopal. Mais, dans ces instances trop légitimées par les malheurs des temps et les préjudices qu’ils causent à l’Ethiopie, le patriarche Michel ne vit qu’une tentative d’autonomie ou un artifice de red)ellion pour se soustraire à sa domination et repremdre leur indépendance. Le calife avait également reçu des lettres de l’empereur Sinudâ le priant d’appuyer sa requête auprès du patriarche. Il s’y prêta en effet ; mais Michel lui fit voirque la diminution de sa propre autorité serait aussi la ruine de l’influence prépondérante du califat sur ces contrées méridionales. Le Sarrasin ne put que se rendre à cette raison politique. La requête fut repoussée et le roi d’Ethiopie fut exhorté au désistement d’un projet irréalisable. Force fut de se contenter encore d’un seul métropolitain, l’abouna Michaël, ci-devant Habib.

Les périodes épiscopales se succèdent comme des contes romanesques d’aventures imaginaires et cependant vécues, autour du siège métropolitain. Et la suite promet d’en être longue^encore indéfiniment. Il nous reste à narrer celui qui précéda la chute des Zaguës et la restauration de l’antique dynastie d’Aksuni.

5° Ingérence politique. Trafic sacrilège des ordinations. — Le patriarche Johanès (1147-1164) et le vizir Hali, flls de Selar, reçurent de Sinudâ, roid’Abyssinie, des messages respectifs ayant pour objet te demande d’un coadjuteur.à l’abouna Michaël, vieilli. Il paraît que cette démarche avait pour mobile moins la mort éventuelle du prélat que ses injurieuses accusations à l’égard du souverain. Il l’avait traité d’usurpateur, d’intrus, de roi illégitime. Ce détail est un jalon dans l’histoire de la couronne d’Ethiopie. Un réveil, un mouvement s’opérait dans l’opinion publique en faveur de l’antique dynastie. Les Choans qui en étaient les gardiens travaillaient à sa restauration. Les reproches de l’abouna prouvent qu’il était gagné à la cause de la Maison ancienne, et il faut] qu’elle ait conquis un grand terrain dans l’opinion publique pour qu’il ne craignît pas de traiter d’usurpateur le prince régnant, quoique la succession deux fois séculaire (960-1 160) de sa famille sur le trône lui en assurât la légitime possession.

Le patriarche, prévenu par lescnvoyésdeMichaël, ne se prêta pas au désir du monarque Zaguë, et refusa la nomination d’un autre évcque, malgré les instances du vizir Hali. Force fut d’attendre la mort du titulaire.

Alors une nouvelle délégation arriva du Lastâ.

L’état de l’Église copte était si misérable vers la fin du xiie siècle « |ue, entre tous les couvents de l’Egypte désertés par les vocations religieuses, on ne trouva pas, malgré toutes les recherches, trois mois durant, un seul candidat pour la métropole d’Ethiopie. Dans leur désolation en face du refus ou de la disette du patriarcat, les ambassadeurs abyssins en appelèrent au sultan, le priant d’intervenir pour l’obten-