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ENFER D’APRES LES PÈRES

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du supplice éternel, car l’un et l’autre sont également éternels. Cf..Malth., xxv, 46. Enfin l’enfer saisit le ]iéclieur tout de suite après la mort. Uomil., xiii, Exhorl. ad sanct. baplisina, n. 8, P. G., t. xxxi, col. 441 sq.

Saint Grégoire de Nazianze († 389 ou 390) a-t-il été du nombre de la plupart des liommen, trompés par les artifices du démon et dont parle son inlime ami saint Basile, en niant l’éternité de l’enfer, au moins dans certains passager de ses œuxres ? T’xeront, op. cil., p. 199 ; P. Batiffol, loc. cit. ; Schwane, loc. cit., p. 283, 278, l’admettent après Petau, op. cit., c. vii, n. 14, p. 112. Ch. Pcsch, dans Theologische Zeitfragen, 2° série, p. 103 sq. ; L. Billot, De novissinu.- !, Rome, 1903, p. 58, le nient.

Voici d’abord les textes où le saint docteur enseigne nettement l’éternité des peines. Orat., ’s.i, in Potrem tacentem, n. 7, P. G., t. xxxv, col. 944. Les châtiments terrestres nous sont infligés pour nous faire éviter les supplices sans remède de l’enfer ; n. 9, col. 946 : après le jugement dernier, plus de recours, plus de temps pour améliorer sa vie, mais seul le jugement terrible et juste, et puis la séparation, le supplice de l’éternelle ignominie. Cf. Carmen, xix : Jl/.il>lr, l è)iît9Ev idôitov àïSio) :  ; Orat., XL, in sanctum baptisma, n. 36, t. xxxvi, col. 411 : le baptême est une illumination ; il faut chercher la lumière, feu purificateur de cette terre. Mais il y a un autre feu, qui ne purifie pas, qui punit les crimes commis, soit celui qui a dévoré les Sodomites, soit celui qui est préparé au diable et à ses anges, soit aussi celui qui sort de devant la face de Dieu et qui bride ses ennemis, soit enfin celui le plus terrible de tous, qui est joint au ver sans sommeil, qui est inextinguible, et qui punit éternellement les hommes scélérats. Ce texte, en apparence orthodoxe, est cependant le texte le plus incriminé de saint Grégoire. Celui-ci ajoute en effet : à moins toutefois que quelqu’un n’aime mieux entendre en ce lieu aussi, to-ûto çi), av6p(i>7rotepov, ce feu plus doux et plus digne du Dieu vengeur ; d’autres I raduisent : entendre tout ceci de façon plus humaine et plus digne de Dieu. Mais reconnaître dans ces derniers mots la négation de ce qui vient d’être affn’mé avec tant de force, (semble d’abord introduire dans la pensée du saint docteur une singulière contradiction, disent les défenseurs de son orthodoxie. De plus, cette interprétation est loin de s’imposer. Pour Ch. Pcsch, Prælcct. theolog., t. ix, p. 310, dans ce passage, il s’agit d’un doute, non sur la réalité du feu éternel de l’enfer, mais sur le sens des textes cités, dont saint Grégoire permettrait la discussion, en sauvegardant le dogme. Une autre explication a été donnée en note parles éditeurs bénédictins, P. G., t. xxxvi, col. 412, et elle a été développée par Billot, ioc. cit. ; grammaticalement le mitior iynis ne peut être identifié avec tous ces feux àçavi^TTixT) ; ô-jviij.ei.) ;  ; mais, après avoir distingué deux espèces de feux, le feu purificateur du Ciirist et les flivcrs feux vengetirs {celui de Sodome, celui de l’enfer éternel, etc.), saint Grégoire permettrait de ranger, parmi ces feux vengeurs, le feu qui punit pour guérir, le feu des châtiments terrestres ou du purgatoire en l’autre vie ; ce teu est distinct des feux purement vengeurs tels que Je feu éternel, quoiqu’il puisse être rangé dans leur catégorie. Cette explication nous semble très probable en soi, et en définitive l’orthodoxie du grand docteur de Nazianze nous paraît certaine. Oral., xxx, 6 : Ja phrase Dcus nnmia in omnibus, illo rcsiiliilionis Jemporc, ne signifie pas une restitution universelle, mais totale des élus, comme il ressort du contexte. Xxxix, 19, les novatiens refusent la pénitence aux tombés. C’est cruauté, et s’ils ne veulent pas se « onvertir, ils seront peut-être baptisés dans l’autre

monde par le feu : ce dernier baptême n’est pas seulement plus cruel, il est aussi plus durable. Saint Grégoire ne veut pas mettre ses adversaires en enfer ; mais, d’après le ton de la discussion, il les suppose de bonne foi, donc capables de faire l’expérience qu’après le péché, on peut être purifié par le feu du purgatoire, qui dévore les scories de la matière comme du foin et consume les légers dérèglements de la nature viciée.

Saint Grégoire de Nysse (f après 394). — Saint Germain de Constantinople, au vine siècle dans Photius, Biblioth., cod. 233, P. G., t. ciii, col. 1105, 1106 ; Nicéphore Callixte au xu"^, H. E., xi, 19, P. G., t. cxlvi, col. 627 ; récemment, A. Vincenzi, In sancti Gregorii Nysseni elOrigenis scripta et doclrinam nova recensio, ri in-8°, Rome, 1864-1809, t. i, c. i-ix, ont soutenu l’orthodoxie de Grégoire de Nj’sse en attribuant ses textes erronés à des interpolations, ou même, le dernier, en torturant ces textes pour leur donner un sens catholique. Généralement et unanimement à l’heure actuelle on admet un véritable lléchissement dans la pensée du métaphysicien de Cappadocc. Cf. Bardenhewer, Les Père." ; de l’Église, t. ii, p. 117-121 ; Tixeront, op. cit., p. 199-200 ; Schwane, op. cit., p. 279-282, avec réponses à Vincenzi.

Chez l’évêque de Nysse, il y a d’abord, il est vrai, des textes orthodoxes afiirmant l’éternité des peines. Il insiste avec énergie sur l’inextinguibilité du feu, sur l’immortalité du ver rongeur, sur l’éternité de la récompense, Gral. catcch., c. xi., P. G., t. xlv, col. 10.5 ; dans son sermon Contra nsurarios, il menace l’usurier d’éternelle douleur, des châtiments éternels, t. xlvi, col. 436, 452 ; De castigatione, ibid., col. 312, nous apporte l’écho d’un gémissement continuel et inconsolable durant rétcrnité. Cf. encore Orat. adversus cos qui différant baptismum, P. G., t. xi.vi, col. 417 sq., en notant, col. 428, cjue le subtil penseur admet, même pour les adultes, une troisième catégorie entre les bienheureux et les damnés. Oral, de pauperibus amandis, i bid., col. <ril : pour les méchants le supplice du feu et un supplice éternel : « tu tomberas dans le gouffre très profond et très obscur duquel ne sortira jamais celui qui y est une fois tombé. » Orat., v, De beatiludinibi.’s ; De anima et resurrcctione, ibid., col. 81, il y a deux parts dans la vie humaine : la première courte, l’autre ei ; to àt’ôiov, pour l’éternité ; et le choix est laissé à la liberté jiour le bien et le mal, soit pour cette vie, soit pour les siècles sans fin /arà ToO ; àTe/, £UTr|TOu ; â/.£ivov ; aloiva ; ily/ njpa ; r, à ; t£ ! pta àoTÎv.

Pour diminuer la valeur de ces textes, suffit-il de dire que pour l’origéniste cappadocien le mot « éternel » ne signifie qu’une longue suite des siècles, comme parlent d’autres textes dans les mêmes livres et traités. Ta ; ? [j.ay.paî ; Tcepiôooiç, Orat. catech., c. xxvi, P. G., t. XLV, col. 49 ; toî ; -^aOv/.o’jTi-/ yprivii ;, ixaupaï ; TtoTE TTEpioîoi :, Dc oninia et resurcct., t. xlvi, col. 72, 152, 157 ? Mais alw-noi ài’Sio ; signifient l’étcrnitc stricte en plusieurs passages de saint Grégoire, par exemple, vie éternelle du Fils, des bienheureux. Et puis resteraient les textes qui nient toute fin de supplices infernaux, et iieut-être n’est-il pas nécessaire de mettre l’unité dans l’enseignement de saint Grégoire, qui hésitait, lui-même, sans doute entre 1 1 simple expression de la foi catholique et ses spécula tions origénistes.

Ailleurs, il nie donc assez clairement l’éternité dc l’enfer pour affirmer l’apocatastasc. Orat. catech., c. xxxv, P. G., t. XLV, col. 92. Tout ce que la résur rcction ramène à rexislencc, ne revient pas à la même vie. Il y a une grande dîfrérence entre ceux qui sont purifiés et ceux qui ont besoin de l’être. Ceux qui auront été purifiés, en cette vie, retourneront à l’im-