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ÉTAT

904 « De cctlp manière, l’Église accorde à l’Étal le secours de SCS prières, afin d’attirer sur lui les bénédictions du ciel, l’appui de son autorité et de son influence morale, pour maintenir l’ordre et la paix parmi le peuple, et même une certaine participation matérielle dans les cas urfients, comme preuve de son désintéressement et de sa charité. A son tour, l’État assure la protection égale à l’Église, à la liberté de son ministère et à l’exercice de tous ses droits ; il lui prête, au besoin, ra))pui do sa force matérielle, pour suppléer à l’inefficacllé lies peines spirituelles, ou pour réprimer tout acte d’hostilité contre elle ; il pourvoit à ses nécessités extérieures, à l’entretien de son culte et de ses ministres, lorsque les revenus des biens ecclésiastiques viennent à être insuffisants ; enfin, il s’efïorce de favoriser le progrès de la religion et de mettre sa législation en harmonie avec les lois de l’Église, auxquelles il peut encore apporter, s’il en est requis, le concours de son autorité. » E. Valton, Droit social, p. 186 sq.

Mais nous devons faire quelques observations particulières touchant les matirres mixtes à propos desquelles surtout il importe de voir se réaliser l’union et la concorde entre les deux pouvoirs, civil et ecclésiastique. On appelle proprement matières mixtes les choses sur lesquelles les deux sociétés, l’Église et l’État, peuvent exercer concurremment un droit de juridiction, parce qu’elles intéressent directement aussi bien la fin spirituelle que la fin temporelle. Or, parmi Irs choses mixtes, il faut distinguer, d’abord, celles qui n’ont pas été élevées à l’ordre surnaturel, mais qui se rattachent principalement à l’ordre naturel, connue sont les questions d’enseignement, de justice dans les contrats ; et, à propos de ces matières, il est loisible aux deux puissances d’exercer chacune sur elles une pleine juridiction, de la manière qui convient ù leur propre fin. Il existe, en outre, des matières mixtes qui, au contraire, relèvent principalement de l’ordre surnaturel, par exemple, le mariage, qui a été élevé par le Christ à la dignité de sacrement, et, dans ces matières. l’Iiglise seule exerce son pouvoir quant à la substance de la chose et quant aux elïets inséparables qui en découlent ; ainsi, à propos du mariage, l’Église seule peut exercer son autorité sur le contrat lui-même et la question de la légitimité des enfants ; mais, quant aux ellets temporels qui sont séparables de la chose surnaturelle, ils appartiennent à la juridiction du pouvoir civil : telles sont, pour ce qui concerne le mariage, les questions de dot, de communauté des biens, d’héritage des enfants, etc. E. Valton, Droit social, p. 188 sq. Cf. Cavagnis, Instituliones j’uris publici ecclesiastici, Rome, 1906, t. i, p. 279 sq. ; Moulait, op. rit., p. "255 sq.

Concluons cet exposé des principes du droit chrétien, dans l’hypothèse d’un État catholique, en disant quelques mots de la séparation de l’Église et de l’État.

Si la séparation signifie l’athéisme officiel, c’est-à-dire la négation théorique ou l’exclusion pratique de toute religion naturelle ou révélée, elle ne saurait être admise ni même tolérée d’aucune manière, car ce serait un crime envers Dieu et un attentat à la raison. Il ne fauchoit pas en juger autrement, si par séparation on entendait l’indifiérence absolue de l’État en matière religieuse, car ce serait toujours l’athéisme, déguisé sous un autre nom. D’ailleurs, une séparation ainsi complète et absolue de toute religion est impossible.’Voici, en effet, comment M. Paul Leroy-Beaulieu le démontre, dans son livre : L’Étal moderne et ses fonctions, Paris, 1890, p. 216 sq. : « On pourra discuter tant que l’on voudra sur la signification de cette formule (l’État athée) : tant par l’étymologie que par la conception populaire, elle n’a qu’un sens, celui de la

négation de la divinité et de tout ce qui s’y rapporte ; elle implique l’hostilité… Une société où l’État et la religion sont en lutte ne peut être qu’une société profondément troublée ; d’autre part, une société où la religion et l’État prétendent s’ignorer mutuellement est presque une société impossible… Comment l’État pourrait-il être indilTérent à l’égard de la religion, des cultes et de Dieu même ? Comment surtout prétendrait-il se cantonner dans une sorte de positivisme qui lui permettrait d’ignorer qu’il existe parmi les citoyens certaines croyances ardentes, précises et collectives sur l’origine, les devoirs et la fin de l’homme ? Par un miracle d’abstraction, de contention d’esprit, de surveillance de toutes ses paroles et tous ses actes, un simple particulier peut à peine arriver à pratiq : er ce positivisme dans toute sa rigueur ; un État ne le peut pas. A chaque instant il rencontre le problème religieux ; il est obligé de compter avec lui. » Et c’est pourquoi Pie X a réprouvé et condamné les lois qui ont établi la séparation de l’Église et de l’État en France et en Portugal. Pour la France voir l’encyclique Vehementer nos, du Il février 1906, Denzinger-Bannwart, n. 1995, et pour le Portugal, voir l’encyclique Jamdiidnm in Lusitania, ùx 24 mai 1911,. dans Acta aposlolicæ sedis, t. iii, p. 217-224.

Cependant, si on se place sur le terrain de l’hypothèse, c’est-à-dire au milieu de circonstances spéciales, telles qu’elles peuvent résulter d’une situation de fait créée par un État non catholique, il ne convient pasde condamner absolument le régime de séparation en vertu duquel l’État s’abstient de donner à l’Église, , de préférence aux autres cultes, une reconnaissance légale et officielle. Mais l’État doit toujours accorder à. l’Église une entière liberté pour l’exercice de son culteet l’accomplissement de sa mission. « Ainsi l’Église pourra en toute liberté communiquer avec son chef, le souverain pontife, promulguer des lois pour sessujets, et en poursuivre l’application au besoin par des jugements et des peines, choisir elle-même ses pasteurs dans la forme qui lui agréera, recruter ses ministres et pourvoir à leur éducation ecclésiastique, faire bénéficier les simples fidèles de l’instruction religieuse et même ouvrir des écoles pour l’enseignement profane, célébrer ses fêtes et solennités liturgiques, posséder et administrer tous les biens temporels qui lui seront nécessaires, etc., en un mot, user de tous les pouvoirs qui, de droit naturel, appartiennent à une société religieuse. » E. Valton, Droit social, p. 195, En outre, l’État ne pourra édicter des lois en opposition flagrante avec la législation de l’Église, car l’État non catholique, qu’il soit hérétique, schismatique ou simplement indifl’érent, s’il ne reconnaît pas à l’Église le don d’infaillibilité, ne saurait du moins s’attribuer exclusivement pour lui-même cette prérogative. Il devra donc laisser à l’Église sa liberté d’e.xpansion et de propagande et ne point mettre obstacle à son ministère de la prédication. Ce principeconserve son application même à propos de l’État infidèle, et celui-ci ferait preuve de tyrannie s’il en agissait autrement, de manière que l’Église, se trouvant dans un cas de légitime défense, pourrait faire appel à l’appui des États chrétiens. Cette séparation de fait entre l’Église et l’État a été fort bien mise au point par Léon XIII dans l’encyclique Au milieu des sollicitudes, du 16 février 1892 : « Cette situation, observe ce grand pape, se produit dans certains pays. C’est une manière d’être qui, si elle a de nombreux et graves inconvénients, oflre aussi quelques avantages, surtout quand le législateur, par une heureuse inconséquence, ne laisse pas que de s’inspirer des principes chrétiens ; et ces avantages, bien qu’ils ne puissent justifier le faux principe de la séparation ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne d<j