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et contrecarres. Or, cette protection des droits doit s’exercer spécialement en faveur des faibles, c’est-à-dire de ceux qui sont, plus que d’autres, dépourvus des moyens de revendiquer leurs droits ; encore, ne faudrait-il pas exagérer ce rôle de l’État, au point de donner dans les abus et les exagérations du socialisme. En outre, il ne suffit pas que l’État, au moyen de la contrainte, garantisse l’exercice des droits de chacun, il faut aussi que, par une législation équitable, il fixe et précise Texercice de ces droits dans les cas particuliers ; car, sans cela, l’ordre social serait abandonne à l’arbitraire et au caprice des individus. Enfin, il importe que l’État intervienne par des moyens judiciaires et coercitifs, afin de résoudre les conflits qui peuvent surgir dans l’exercice des droits opposés et de réprimer la violation délictueuse de tout droit légitime.

2. Rf’ile d’assistance.

Étant donné que l’État a pour mission de diriger et d’aider la société dans la réalisation de la fin sociale, il s’ensuit que l’État doit promouvoir tout ce qui se rapporte à cette fin et venir en aide aux intérêts généraux des citoyens afin de les coordonner et de les suppléer. Or, ces intérêts se réfèrent principalement à deux ordres distincts : l’ordre économique et l’ordre moral. Que l’État doive intervenir dans l’ordre économique, la chose est liors de doute et est admise par tous les économistes : mais tandis que certains exagèrent la portée de l’intervention de l’État en faisant consister celle-ci dans une compression et un véritable étouffement de l’activité privée, d’autres, plus justement, accordent à l’État un simple rôle d’assistance pour aider et stimuler l’initiative privée. A cette assistance générale que l’État doit prêter à tous ses membres dans l’ordre économique se rapportent plusieurs fonctions spéciales, telles que de développer directement les voies de comm.unication, routes, chemins de fer, canaux ; de promouvoir le progrès du commerce et de l’industrie à l’aide de conventions internationales, et aussi par des mesures d’encouragement el de récompenses, etc. Mais tout en pourvoyant aux exigences de l’ordre économique, l’État ne doit point perdre de vue l’ordre moral de la société ; et à cet elTct. l’État doit se considérer comme investi de la mission de promouvoir la morale publique et de protéger la religion. Quels sont les devoirs nclialifs et positifs qui, à ce titre, peuvent lier l’État envers la religion ? Nous le dirons bientôt en examinant les relations juridiques de l’État. Cf. encyclique Immorlale Dei, § Hac ralionc ; encyclique J.ihertas. S Mitiorrs aliquando ; encyclique Sapienliæ, § Quod uiilem ; C-li. Antoine, op. cit., p. 67 sq.

.")" Or(/anisme du pouvoir poliliriue. — L’État est une société parfaite. Son pouvoir possède donc le même organisme, ou, en d’.Tutres termes, comprend les mêmes fonctions spéciales que le pouvoir public d’une société iiarfaitc. Or « toute société proprement dite ayant pour membres des hommes, c’est-à-dire des êtres doués d’une intelligence et d’une volonté libre, son pouvoir public doit s’exercer sur eux d’une manière ronforme à leur nature raisonnable. De là vient que tout pouvoir public comprend essentiellement deux fonctions : l’une, directive, qui a pour mission de tracer les règles à suivre pour atteindre la (In sociale : l’autre, executive, qui consiste à pourvoir à rapplicnlion pratique de ces règles envers chacun des membres de la société. » E. Valton, Droit social, p. 15. Le pouvoir direrlil concède à l’État le droit d’exercer sur les volontés des citoyens une action cflicace en instituant des lois qui les obligent en con-Kclence : c’est le pouvoir législalif. Le pouvoir directif octroie, en outre, à l’État un certain rôle dans l’éducation des intelligences <les citoyens : c’est le jiouvoir

d’enseignement, dont l’étendue et les limites ont été exposées à l’article École, t. iv, col. 2082. Au pouvoir’Técu/// appartient la mission de pourvoir à l’application des lois. Or, cette application peut se réaliser d’abord vis-à-vis des personnes elles-mêmes, des citoyens dont l’État a le droit d’exiger, en vue du bien commun, un concours proportionné à leurs talents et à leurs ressources : c’est le pouvoir de gouvernement. Le pouvoir exécutif comprend, en outre, sous sa dépendance, les services publics qui visent l’intérêt général de la société et il atteint également de quelque manière les biens des citoyens sur lesquels l’État peut prélever certains impôts : c’est le pouvoir administratif. Enfin le pouvoir exécutif confère à l’État le droit de formuler des sentences touchant les actes des citoyens en désaccord avec les lois : c’est le pouvoir judiciaire ; et il l’investit du droit de procéder à l’exécution des jugements en ayant recours, si c’est nécessaire, aux peines et même à la peine de mort : c’est le pouvoir coactif. Cf. E. Valton, Droit social, p. 70 sq.

II. Les relations juridiques de l’État. — L’État se trouve en présence de trois institutions sociales : la famille, les associations et l’Église. Les deux premières pénètrent son organisme et constituent, avec les individus, les éléments nécessaires de son être social : ce que nous avons dit de l’origine de l’État le démontre suffisamment. Voir col. 881. La troisième institution est parallèle à l’État, dont elle est distincte et indépendante. Voir col. 882, 88C. Or, il nous faut exposer les relations juridiques de l’État avec ces diverses institutions sociales.

L’État et kl famille.

L’instinct de sociabilité

qui existe dans l’homme atteint son premier degré dans une société, naturelle entre toutes, la société domestique ou la famille, autour de laquelle nous voyons se groujier toutes les autres sociétés humaines.

Mais la famille n’est que le développement régulier du mariage, de sorte Cjue celui-ci constitue l’origine de la société domestique. La société conjug<dc, telle est donc la première étape de la famille. Or, si la société conjugale résulte d’un contrat, puisque le mariage se forme par le consentement mutuel des époux, il faut noter que ledit contrat n’est pas en tout semblable aux autres contrats, mais revêt un caractère sacré et religieux qui le soustrait au pouvoir de l’État. En efl’et, « la fin principale du mariage est de donner l’existence à des enfants et de les conduire, à travers les multiples voies de l’éducation, jusf[u’à l’état d’hommes parfaits, c’est-à-dire d’hommes destinés à mener ime vie raisonnable et sociale et à s’employer à l’exécution des desseins de Dieu, (^ar la perfection pour l’homme consiste à orienter tout son être vers sa fin dernière qui est Dieu, et il ne vient pas au monde pour autre chose que pour connaître, adorer et servir son créateur. » E. Valton, Droit social, ])..30 sq. Il ressort de là que le mariage, considéré même au simple point de vue du droit naturel, jiossède un caractère sacré et religieux, non point surajouté, mais inné, que les peu|iles les plus civilisés de rantiquité se sont plu à reconnaître, comme l’atteste le pape Léon XIll, dans l’encyclique Arcanum, du 10 février 188(t. Iji outre, ce caractère sacré du mariage ressort bien davantage si on l’envisage dans l’ordre surnaturel : c Déjà, au commencement du monde, nous voyons Dieu lui-même instituer le mariage et bénir, dans la personne de nos premicrs parents, tous les époux des siècles à venir. Gen., i, 27 sq. Dès le jirincipe aussi, le mariage a été comme une image prophétique de l’incarnation du Verbe et de son union mystique avec l’Église. Ivnlin, sous le régime de la loi nouvelle, le (Christ l’a élevé à la dignité de sacrement, en le consacrant comme une source elTicace de grâce et de sanctification. » E. Valton,