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consciences, ainsi que nous le dirons plus tard, en | traitant du pouvoir politique. |

Voyons maintenant, d’une façon plus précise, j quelle est l’origine de l’État, en l’examinant plutôt i comme société civile, et en laissant, pour le moment, | la question spéciale des origines du pouvoir politique "i" Origine. — L’État, après ce que nous venons ! de dire, doit nous apparaître comme le dernier fruit ! de l’évolution graduelle de l’instinct de sociabilité, naturel à l’homme. En effet, cette inclination de l’homme pour lavie sociale a atteint son premier degré dans la société domestique ou la famille, « qui est comme la cellule sociale primitive autour de laquelle nous voyons se grouper toutes les autres sociétés humaines. » E. Valton, Droit social, p. 27 sq. Ensuite, la famille ne se suffisant plus à elle-même pour se procurer la totalité des biens nécessaires à la conservation et au développement normal de la vie humaine, s’étendit au delà de ses limites naturelles et chercha, dans l’association avec d’autres familles, l’assistance et la protection qui lui faisaient défaut. Cependant, ces diverses associations en agglomérations ou tribus primitives, en se développant à leur tour, comprirent bientôt la nécessité de s’organiser « sous une autorité capable de régler les relations juridiques entre familles différentes, de maintenir l’ordre et la paix, et de pourvoir à la prospérité générale. » E. Valton, Droit social, p. 54. Ce fut l’origine des premières cités indépendantes, et enfin de ce corps politique universel qui s’appelle la société civile ou l’État.

Ainsi donc, l’origine de l’État, pris dans sa forme générale et commune, se rattache à un principe naturel, celui de l’évolution graduelle de la sociabilité de l’homme. Alais si nous avons égard ; tel ou tel État, pris en particulier et dans sa forme concrète, son origine devra nous apparaître également liée à un grand nombre de causes secondaires et de circonstances historiques dont il faudra savoir tenir compte. Telle est, par exemple, l’origine de la célèbre Répubhque de Venise : » CeUe-ci, en effet, se constitua grâce à la nombreuse afiluence des habitants d’Aquilée, de Padoue et d’autres lieux, qui, fuyant devant l’invasion des Barbares, surtout des Huns, vinrent se réfugier sur ces parages de l’Adriatique où vivaient alors seulement quelques pauvres pcciieurs. Indigènes et émigrés formèrent ensemble un État démocratique dont les pouvoirs f uren t con fiés à des tribuns du peuple. Cette nouvelle république, primitivement organisée dans une indépendance de fait à l’égard de l’Empire romain, vit bientôt son autonomie reconnue par les empereurs eux-mêmes. Plus tard, au déclin du vile siècle, devant les progrès de leur république, les Vénitiens comprirent la nécessité de se choisir un chef unique électif et à vie, ou doge, comme président du gouvernement dont la forme restait toujours démocratique. Cependant, vers la fin du xWe siècle, le régime de la Hépublifjue de Venise se modifia etdevint aristocratique. Ce fut pour Venise la période la plus florissante, qui se prolongea jusqu’en 1796. « E. Valton. Druil social, p. 55. Cf. Taparelli, Saggio teorelico di dirillo rjnttiralr, Paris, 18.58, t. i, n. 446 sq. ; Ferretti, Inslilutionrs pinlosopliiæ moralis, Rome, 1891, t. iii, p. 107 sq. ; Cavagnis, Inslilitlionrs jiiris publici ecclesiaslici. Home, 1900, p. 2.3 sq. ;.Montagne, litudes sur l’origine de la sociilè, Paris, 1900, collection Science et religion, t. iir. Théorie de l’être social d’après saint Thomas et la philosophie chrétienne, p. 7 sq.

30 Fin. — Les observations « pie nous avons faites touchant l’origine de la société civile, ou de l’État, considéré dans sa forme générale, nous indiquent déjà quelle est sa fin ou sa mission.

L’Etat a pour raison d’être de suppléer à l’insufD sance des individus et des familles, et de régler entre eux leurs relations juridiques extérieures, en défendant leurs droits respectifs, et, si ceux-ci viennent à être lésés, en pourvoyant à leur réparation.

Dans un sens plus précis, la fin de la société civile consiste à procurer le bien commun de tous ses membres, individus et familles, par des moyens extérieurs, et dans l’ordre purement temporel, mais un bien complet et imiversel dans son genre, quoique rapporté de cjuclque manière à la fin dernière de toutes choses et dépendant du bien suprême, qui est Dieu. Ainsi donc l’État a pour but l’intérêt général de ses membres, et un bien qui, au moins médiatement ou spécifiquement, soit le bien de tous. Mais il n’est pas obligé en justice de suppléer à l’insuffisance tout à fait personnelle de chacun de ses membres, car cela relève proprement de l’ordre privé et peut être comblé par les efforts particuliers des associés. L’État pourrait seulement être tenu d’intervenir à cet égard dans des circonstances spéciales, par exemple, lors de calamités extraordinaires qui atteindraient un grand nombre des citoyens, en sorte que ces événements auraient leur contre-coup sur la société elle-même : car, dans ce cas, les individus et les familles seraient supposés impuissants à remédier à leurs maux, et il importerait que l’État, pour sauvegarder le bien et la conservation de la collectivité, prêtât lui-même son concours et son assistance. Sans doute, en dehors de cette hypothèse, la charité sociale sera toujours satisfaite si l’État secourt le plus grand nombre possible d’indigences privées ; mais il faudra veiller à ne point tomber dans les exagérations du socialisme et du communisme, dont la thèse tend précisément à abolir toute organisation privée des individus et des familles, et toute association libre, pour tout attribuer à la société publique, à laquelle il appartient ainsi de pourvoir directement à toutes les nécessités individuelles et particulières et de disposer de tous les droits. Or, il est inutile de souligner le côté erroné et dangereux de ces systèmes qui pervertissent radicalement le rôle de la société civile, dont le but, en effet, n’est pas d’absorber et de détruire les activités sociales particulières de ses membres, individus ou famiUes, mais de les ordonner, de les favoriser et de les suppléer.

Mais, pratiquement, en quoi consiste la mission de la société civile ? " Il lui appartient de veiller à la paix et à la prospérité publiques, de prévenir les injustices et de les réprimer, de favoriser le progrès du commerce, de l’industrie, des arts et des sciences, etc. ; en un mot, de procurer la plénitude du bonheur temporel à tous ses membres. Or, ce bonheur temporel doit être complet, universel et absolu dans son genre, car l’État est la plus haute raison sociale qui soit dans l’ordre extérieur et temiiorel, et sa fin ne saurait être subordonnée à une fin sujiérieure du même ordre. » E. Valton, Droit socicd, p. 57.

Cependant, au terme de cette fin, comprise dans l’onlre temporel, il existe une fin supérieure d’un autre ordre, qui est la fin dernière ; et, outre le bonheur de la vie présente, il y a le bonheur de la vie future. L’État a-t-il le droit de faire abstraction de cette fin et de ce bonheur’? Peut-il rechercher uniquement la félicité présente même au détriment des choses qui se rapportent h la vie future ? Certains le pensent et prétendent ainsi que l’État doit rester absolument « la’ic » , n’avouant pas toujours qu’au fond ils veulent plutôt que l’État soit’athée » . Or, une pareille thèse est incontestablement erronée. Car il est faux qu’il soit jamais perniis, en vue du bien-être matériel de la vie présente, de porter préjudice au bien spirituel de la vie future ; ce serait le plus grave des désordres, et la poursuite du bonheur temporel, dans dc^scm-