Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/452

Cette page n’a pas encore été corrigée
875
876
ESTIIJS


(le Jésus-Christ pour le monde, xvii, 9, 20, l’auteur écrit encore : Jiogavil pro mundo, sed lantum secundum eam parlem quec cleclos complectilitr… Ihi vero sunt omnes et soli electi, qiiare hic oportrt intelligerr eos qui crediluii siinl fide viva et persévérante iisque in finern. Son exposition du c. x, 15, est encore plus explicite : Hic lociis osiendil Christum non pro omnibus mortuum, sed pro solis clectis, scilicet ut salventur. C’est en propres ternies la 5° proposition de Jansénius, condamnée trente-deux ans plus tard. Il en est de même de son explication du chapitre d’Isaïe où il s’agit des soins que Dieu a donnés à sa vigne, v, 4.

Voici comment se termine le jugement porté par les professeurs du xvine siècle sur leurs illustres prédécesseurs : Majores rostri, et præsertim Estius ac Sylvius, pietate, doetrina ae eruditione clarissimi fuerunt, ncc non sedi aposlolieæ eu jus injallibililulem in decidendo semper agnovcrunt, addictissimi ac devotissimi. Si iqitur a recto veritalis tramile dcviarint, non id meda fuie jactum est, non ex odio in cathedrani Pétri, non ex super bia et ambitione, non ex intentione novellam seclcim introducendi aut propagandi, non constitulionibus upostolieis resistendo, non ab iis appellando, non aliis lechnis cavillando ; sed veritatem necdum satis elucidalam in cordis simplicitate quærendo, paraiissimi intérim opiniones præoceupaias ad scdis aposlolieæ nulum corrigcre, deserere ac penitus abolere. Nos quidem illis doetrina, pietate ac ingenii capacitate inferiores sumus ; sed, constitutionibus upostolieis edoeti, quwdani in eorum commentariis oudemus reprehendere qiiee ipsi, iisdem Spirilus Saneti oræulis imbuli, proeul dubio correxissenl. Cf. d’Argentré, Collectio judiciorum, t. iii, p. 574. Après les réserves nécessaires, les docteurs de Douai plaident donc les circonstances atténuantes, tout en faisant de plein cœur l’éloge de leurs saints et savants devanciers.

Le théologien.

1. Comme théologien, Estius

n’est pas moins connu. Il est l’auteur de Commentaires sur le livre des Sentences : parmi les cinq cents écrivains qui ont fait un travail analogue sur Pierre Lombard, il est l’un des plus remarquables par la solidité du raisonnement, l’abondance des preuves et la clarté de l’exposition.

Il faut toutefois, pour les raisons déjà données, faire certaines restrictions quand il traite de la liberté humaine, de la prédestination et de refficacité de la grâce. De plus, il pense que la contrition parfaite ne justifie le pécheur que dans le cas d’une extrême nécessité ou de l’impuissance physique de recevoir le sacrement./ ;  ! / V.S>/i/., l. IV, dist. XVII, n.2. Sur la question de l’immaculée conception, il se montre l’adversaire de ce privilège de Marie, et il ne croit pas que saint Thomas en ait été partisan. Aussi l’édition de Naples de 1720 a-t-elle corrigé et complété Estius sur ce point de doctrine. Jn IV Sent., . III, dist. III, n. 2.

Ces commentaires ne parurent que trois ans après sa mort, à Douai. Sept éditions furent imprimées successivement, au cours du xvii" et du xviii'e siècles. Ce qui les rend très commodes, c’est que l’auteur renvoie toujours en marge au texte correspondant de la Somme de saint Thomas.

2. Estius fut aussi l’un des collaborateurs des théologiens de Louvain dans la célèbre édition des œuvres de saint Augustin qu’ils publièrent à Anvers en 1577, 10 in-fol. Il a travaillé au t. ix. Il a collaboré de même à la Somme éditée à Douai par Marc Wyon en 1614.

3. Son grand ami Barthélémy Peeters édita, un an après sa mort, un recueil de 19 discours théologiques prononcés à Douai par Estius. Ils ne sont pas tous également remarquables. On en compte trois sous ce titre : De fugiendalectione librorum hæretico rum, et un autre qui a pour sujet : De Magdalena evunneliea. Estius la distingue de la femme pécheresse et de la sœur de Lazare, comme l’avaient déjà fait avant lui Lefebvre d’Étaples et Josse Clicthove. Cette thèse a été reprise par dom Calmet, bien qu’elle ait été condamnée à deux reprises parla Sorbonne en 1519, à l’instigation de son fameux syndic, Noël Heda. La dernière de ces dissertations est intitulée : An Scripturæ sacrée plures sint sensus littérales ? Estius se prononce pour la négative.

L’hagiographe.

Estius est aussi l’auteur ou le

traducteur de vies de saints. — 1. On sait quels liens de parenté l’unissaient au plus célèbre parmi les martyrs de Gorcum, Nicolas Piecke. Il avait aussi connu plusieurs d’entre eux sur les bancs de l’université de Louvain. Pressé par son frère Rutger, le professeur prit la plume en 1603 et écrivit en latin l’histoire de ces généreux confesseurs de la foi. Elle est très simple, très édifiante et très documentée, car l’auteur ne voulut pas l’écrire « sans avoir esté suffisamment acerténé, et assez advisé du tout. » Cette biographie, publiée à Douai, fut aussitôt traduite en plusieurs langues. A Home, elle fut considérée comme la pièce la plus importante du procès de béatification, et le boUandiste du Sollicr l’a imprimée tout entière dans les Acta sanctorum, t. ii julii, au 9<^ jour.

Nous ne ferons qu’une seule réserve. Au 1. IV de son histoire, il parle de Balthasar Gérard, qui, douze ans après le su])plice des martyrs de Gorcum, tua à Delft le prince Guillaume d’Orange. Estius le loue de son courage plus qu’héroïque, egregium omnique memoria dignum facinus, et le compare à Jean de Nicomédie qui, sous Dioclétien, déchira un édit de l’empereur contre les chrétiens et fut exécuté en haine de la foi. Estius aurait dû se souvenir du concile de Constance et des condamnations portées par lui contre Wiclef et.Jean Petit, défenseurs du tyrannicide. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 597, 690. 2. En 1682, Estius traduisit aussi du français en latin une notice sur Edmond Campian, ancien élève de Douai, qui était monté, à Londres, l’année précédente, sur les échaîauds d’Elisabeth. A ce moment, Estius se disposait à quitter Louvain. Peut-être prévoyait-il déjà qu’il rencontrerait à Douai des centaines de réfugiés anglais, qu’il en ferait des candidats au martyre et des imitateurs du bienheureux Edmond.

b" Le polémiste. — 1. En septembre 1587, 1a faculté de théologie de Louvain, à l’instigation de Baius, avait condamné 34 propositions extraites des cahiers du célèbre jésuite Lessius.iJx/iiiiieru/U nobisquasdam propositiones hinc inde ex nostris lectionibus, proui cas audilores acceperant, detrætas et evulsas, oniissis his unde possinl intclligi, écrit Lessius. Le professeur incriminé ne voulut pas les reconnaître pour siennes. Elles avaient rapport à l’inspiration des Écritures, à la grâce, à la prédestination, matières alors très controversées. La faculté les censurait comme entachées de semi-pélagianisme.

Les évêques de la province prirent parti contre Lessius et demandèrent à la faculté de Douai d’émettre un nouveau jugement sur tous ces points. Celle-ci accepta, et, le 20 février 1588, elle ]mblia une condamnation plus développée et plus accentuée que celles de Louvain. Estius en fut le principal auteur ; Bossemius, qui était alors chancelier de l’université, l’approuva pleinement ; quant à Stapleton, il ne fut point appelé à donner son avis ; au fond, il croyait cette censure injustifiée.

L’affaire fut déférée à Rome et Sixte-Quint, par la voix du nonce de Cologne, Ottavio Frangipani, annula les condamnations, ordonna aux docteurs de cesser ces discussions inopportunes et imposa silence