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ESTHER (LIVRE D’;


enseignait aussi qii’Estlicr était « inspiré >, avec celle restriction, toutefois, que l’inspiration dans le présent cas était pour la « lecture » , non pour 1’« écriture » : en d’autres termes — ainsi l’ont compris, du reste, les commentateurs du Talmud (Yoma, 29 a) — que le livre, tout inspiré qu’il fût et bon à lire dans l’assemblée, ne devait néanmoins pas être répandu dans le public par voie de transcription. Talmud de Babylone, Megillah, 7 o. Un autre passage de ce Talmud, ibiiL, et le passage similaire du Talmud de Jérusalem, Me<717Za/i, i, 5, trad. Schwab, Paris, 1883, t. VI, p. 206-207, bien que non historiques, paraissent indiquer aussi une hésitation de la part des rabbis touchant la réception d’Esther dans le canon ; mais ils constatent en même temps que l’admission du livre et la célébration de la fête des Purim, sur laquelle Insiste le Talmud de Jérusalem, furent justifiées par une interprétation d’Exode, xvii, 1-1, inspirée de Dieu, le « livre » dont il est parlé en ce verset de la Loi faisant alkision à la megillah d’Esther, un des hagiographes. Aussi peu important, et surtout aussi peu concluant pour la non-canonicité, du côté juif, le passage tahiiudique, Sanhédrin, 100 a, où R. Juda paraît traiter Esther de liTe « épicurien » ; car l’épithète, d’après le contexte bien compris, s’applique non à ce livre, mais aux deux disciples du rabbi, Lévi bar Samuel et Huna bar Chija, lesquels avaient tenu sur le « rouleau » d’Esther un propos digne d’être ainsi qualifié ; ainsi interprétèrent le passage tous les commentateurs du Talmud, en particulier Raschi et Samuel Edels. L’omission d’Esther dans la liste des livres canoniques de l’Ancien Testament, fournie par des docteurs juifs à Méliton de Sardes (voir plus loin), ne prouve pas non plus qu’à Jérusalem quelque synagogue n’admettait pas ce livre ; car les noms grecs donnés par Méliton à quelques-uns des livres bibliques, comme l’ordre dans lequel il les présente à Onésime, décèlent la Bible grecque, ou des Septante, et donnent plutôt à penser que Méliton eut alïaire ici à des judéo-clirétiens. Voir H. E. Ryle, The Canon of the Old Testament, Londres, 1909, p. 149 sq., 210 sq., 214 sq. ; Wildeboer, De In formalion dn canon de l’Ancien Testament (trad. du hollandais), Lausanne et Paris, 1902, p. 48 sq., 54 sq., 103, 105 ; Sigmund Jampel, Das Biich Esther, Francfort-sur-le-Mein, 1907, p. 7 sq., Il sq., 15 sq., 43 sq.

II. ciiEX LES cuRÉTiENS.

1° Témoignages en faveur de la canonicité du livre dans sa reecnsion grecque. — S’il n’y a dans les livres du Nouveau Testament aucune citation d’Esther, en revanche Clément de de Rome analyse le livre grec, montrant l’héroïne sauvant le peuple, « rendue forte £ià t ?, ; yàpizo ; ro-j’JeoO. » / Cor., i.v, Hemmer et Lejay, Textes et documents, t. x, p. 110 sq. Clément d’Alexandrie analyse aussi des fragments du même livre. Strom., IV, XIX, P. G., t. VIII, col. 1330. Origène le cite comme Écriture (Esth., c, 1, 14 ; Vulg., xiii, 8 ; xiv, 3), De orat., 14, P. G., t. xi, col. 461, et l’admet au nombre des « livres testamentaires (ÈvSia9r|y.o-j ;) » , tels que les ont transmis les Hébreux. Eusèbe, H. E.,

I. VI, c. XXV, 1, 2 ; Hemmer et Lejay, Textes, t. xiv, p. 222 sq. Rufm reçoit Hester dans la recension des Septante, Apol., ii, 33, P. L., t. xxi, col. 611, et le place parmi les livres « inspirés » . Comm. in sijmb. aposL, 36-38, ibid., col. 373. Les catalogues de caractère officiel ou officicux de Cyrille de Jérusalem, Cat., IV, 35, P. G., t. xxxiii, col. 490 sq. ; d’Épiphane, Hær., VIII, 6, P. G., t. xli, col. 413 ; De pond, et mens., 4, P. G., t. xi.iii, col. 244 ; 23, ibid., col. 277 ; de la 2-Jvo’l>tç Èv âutTôaii), Lagarde, SeptuaginiaStudien,

II, p. 00 sq. ; (la Dialogus Timothœi et Aquilæ, Swcte, Introduction, p. 200 ; de Jean Damascène, De fuie erthod., iv, 17, P. G. t. xciv, col. 1180 ; d’Ebedjesu,

Calai, libror. EccL, .ssémani, Bibl. or., t. iii, p. 5 sq. ; du 60>-’canon de Laodicéc, Mansi, Concil., t. ii, col. 574, et du 85" canon des apôtres, P. G., t. cxxxvii, col. 211, pour les Églises grecque et orientale ; d’IIilaire de Poitiers, Jn psalm., prol., 15, P. L., t. ix, col. 241 ; d’Augustin, De doct. christ., ii, 13, P. L., t. xxxiv, col. 41 ; d’Innocent l", Epist. ad Exsuperium, P. L., t. XX, col. 501 ; du décret de Gélase, i, 3, Preuschen, Analeeta, 1893, p. 148 ; de Cassiodore, De inst. div. lilL, 12-14, P. L., t. lxx, col. 1123-1120 ; d’Isidore de Séville, De offic. ecclesiasL, i, 12 ; Elgm., vi, 1 ; Lib. præm., P. L., t. lxxxiii, col. 740 ; t. lxxxii, col. 229 ; t. lxxxiii, col. 158 ; du manuscrit de Saint-Gall (Mommsen), Preuschen, op. cit., p. 138 ; du codex Claromonianus, ibid., p. 143 ; du Liber sacramentorum de Bobbio, Swete, Introduction, p. 213 ; du concile de Carthage, P. L., t. lxvii, col. 170, 191, pour l’Église latine, mentionnent’Eaôr.p, Hester (Est{h)er). Les manuscrits grecs et latins (principaux : Vaticanus, Sinaiticus, Alexandrinus, Basiliano-Venetus, Amiatinus, Bibles alcuiniennes, espagnoles et théodulfiennes) afïirment encore jusqu’au xiie siècle la canonicité du livre dont les fragments additionnels seront seuls désormais quelque peu contestés avant la définition de Trente.

2° Doutes élevés sur la canonicité du livre tout entier on des seuls fragments additionnels, et explication de ces doutes. — Vers l’an 170 de notre ère, Méliton, évêque de Sardes, dressant une liste des Uvres du canon hébreu, omet d’y faire figurer Esther. Eusèbe, H. E., IV, 26, P. G., t. XX, col. 397. Cette omission, si elle ne s’explique pas par la chute du mot’E ! 76r, pdans la copie, Keil, Einleitung, 1872, p. 649, provient de ce que les consulteurs de Méliton, voir plus haut, peut-être judéo-chrétiens, rejetaient le liTe à cause des additions qu’il renfermait et qui n’étaient point reçues des Juifs palestiniens. Saint Athanase, non plus, n’a pas fait figurer Esther parmi les livres canoniques ; il le place même parmi les pig>îa oJxavovpôij.cva. Epist. fest., xxxix, P. G., t. XXVI, col. 1437. Saint Jérôme tient les additions de Yediiio vulgata pour des « pièces mal cousues » , des développements ou « exercices scolaires » qu’il met en appendice de sa traduction de l’hébreu. Præf. in lib. Esther, P. L., t. XXVIII, col. 1433. Mais il n’est pas moins vrai qu’Athanase considère ce livre comme renfermant la « doctrine de piété » ; qu’il l’assimile à ce point de vue à d’autres piSÀta où xavov[^d[ji.Eva cités pourtant par lui comme Écriture (Sap., Eccli., Tobie, Judith) ; qu’il l’oppose avec ceux-là aux aTtoxpuça. Ibid., et Preuschen, Analeeta, p. 146. Qu’Esther ait été rangé par l’évêque d’Alexandrie au nombre de ces liTes « désignés par les pères pour être lus aux convertis, » malgré la tradition qui le recevait au rang des canoniques, probablement faut-il en chercher le motif dans une interprétation exagérée de la notation d’Origène, qui marqua d’un obèle les additions de la recension grecque, malgré qu’il les citât lui-même comme Écriture, voir plus haut, col. 855, appréciation qui put conduire les docteurs alexandrins à suspecter le livre tout entier. Cette interprétation, qui fut certainement professée par saint Jérôme, Epist, cvi, (td Sun. et Fret., 7, P. L., t. xxii, col. 840, ce qui explique son quasi-dédain des fragments additionnels, peut expliquer aussi l’exclusion d’Esther du catalogue poétique de saint Grégoire de Nazianze, Carm. de gen. libr. inspir. Scriptur : c, P. G., t. xxxvii, col. 472, et le doute élevé sur ce livre par le catalogue de saint Amphiloque. Carm. ad Seleacuni, ibid., col. 1593. Se rangeant à l’opinion de son maître Théodore de Mopsueste, Junilius, De inst. reg. div. legis, I, 3, dans Kilin. Theodor von Mopsucstia und.lunilius Africanus als Exegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880,