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ESSENCE

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textes incriminés sont les suivants : « Avant tout, nous tenons pour un abus véritable l’usage de désigner, avec le nom même de la nature au pluriel, ceux qui, par nature, ne sont pas distincts et de parler de plusieurs hommes. Il y en a, certes, beaucoup qui participent à la nature… Mais il n’y a, au fond, qu’un seul homme, parce que, nous l’avons dit, le terme d’homme, loin de s’appliquer aux individus, désigne la nature commune du genre humain… Il vaudrait mille fois mieux corriger l’inexactitude de notre langue et ne plus étendre le nom de la nature à une foule d’individus que de porter, avec nos habitudes de langage, l’erreur dont nous sommes ici victimes, dans le domaine de la théologie. » Tractalus qiiod non sint 1res dii ad Ablabium, P. G., t. xlv, col. 117-120. Cette unité de la nature humaine, Grégoire la transporte dans la divinité : « Nous ne disons pas que Pierre, Paul et Barnabe forment trois essences ou substances, mais une seule. Ainsi, en affirmant une seule substance divine, à laqueUe participent le Père, le Fils et le Saint-Esprit, nous disons logiquement qu’il n’y a qu’un Dieu. » ITsp’i -/.oivwv èv/okôv, P. G., t. xlv, col. 17. Voici la réponse : Grégoire de Nysse est imbu, , comme plusieurs Pères grecs, des doctrines du réalisme extrême néo-platonicien : il affirme l’unité numérique et non spécifique de l’essence, jusque dans les créatures, confondant comme le dit excellemment Bardenhewer, op. cit., t. ir, p. 117, « l’idée abstraite, qui ne s’accommode sans doute pas du pluriel, et l’idée concrète, qui, au contraire, l’exige. » Voir Kraus, Histoire de V Église, trad. Godet et Verschaffel, Paris, 1896, t. II, p. 223 sq.

Saint Jean Damascène a un texte analogue, De fidc orlhodoxa, 1. III, c. vi, P. G., t. xc.iv, col. 1001. Petau,

son sujet, donne l’explication suivante
Hic locus

Damasceni insignis est ad illam quam dixi, græcorum intelligendam opinionem ; qui et rationem continet, qiise hoc persuasil ipsis, naturam gêneraient esse aliquid, non singularcm. Veriti sunt enim, ne, si siicim in unoquoque individuo substantiam et essentiarn agnoscerenl, ut quoi singularia sunl, tolidem sinl o-Jalai, jam homines singuli non ô|j.oo-J’7 « o’. solum, sed eliam i-.tç.’io’-j’jf.’j : inler se dicerentur ; quod et specie eœdem, et numéro diversae in ipsis conslitucrentur oOiia ;. Hoc vero si in hominibus concédèrent, eliam in Deum rati sunt oporlere Iransjerri ; qxiandoquidem ad dcclarandum Trinilalis mysterium, ejusque tribus in personis unilalem substantiæ, usu Irilum, et conimodissimum exemplum de hominum natura capi consueucrat. Quare negandum hoc potius arbilrali sunl, plures in hominibus singulis o-j^ta ; esse, quam hoc, commitlrndum, ut idem et a/firmari de I)eo mcrilo possel, quod de hominibus fnterentur. De Trinitatc, I. IV, c. ix, n. 13. C’est donc, par une fausse conception philosophique, l’identité de nature, l’unité numérique d’essence que Grégoire de Nysse veut sauvegarder avant tout. L’orthodoxie de saint Grégoire de Nysse sur le mystère de la sainte Trinité reste intacte. Cf. Bardenhewer, op. cit., t. ii, p. 117-118.

Plus sérieuse est l’objection tirée des Pères anténicéens : nombre de leurs expressions semblent attribuer au Verbe et à l’Esprit Saint une essence inférieure à celle du Père..Mais ici la difliculté vise plutôt la question du Logos divin ; nous nous contentons donc de la signaler, en renvoyant à l’art. Logos et aux différents articles concernant les Pères incriminés, c’est-à-dire IJf.nvs d’Ai.fxandrie, t. iv, col. 426 ; .Méthodius ; Atiiénaoohe, t. i, col. 2210 ; Hippoi.yte (Saint) ; Irénée (Saint) ; Orioènk ; Teutlluen ; Clément d’Alexandbie, t. iii, col. 1.58 ; Tatien ; Tiii^ ; oriciLE d’Antioche. Tous leurs textes ne sont pas susceptibles d’une interprétation orthodoxe. Lii où cette interprétation était possiblc, Iranzclln l’a tentée, voir

I De Dco Irino, Rome, 1874, th. xi ; sur la légitimité de

! ces interprétations au point de vue théologique, voir

j Billot, De immutabililale tradilionis, 2^ édit., Rome,

j 1907, c. II. Cf. Bossnet, Avertissements auxprolestanls,

sixième avertissement sur les lettres de Juricu. Le

I point de vue historique est traité par ! Mgr Ginoul i hiac, Histoire du dogme caUwlique pendant les trois

I premiers siècles de l’Église, 2e édit. Paris, 1866 ; et

] par le P. de Régnon, Éludes de théologie positive,

Paris, 1892. Mgr Duchesne a également publié une

brochure sur Les témoins anlénitéens du dogme de la

Trinité, Amiens, 1883, et abordé la même question

dans le c. xvii du t. i de son Histoire ancienne de

l’Église, 4e édit. Paris, 1908. Toutes les assertions de

Mgr Duchesne ne sont pas indiscutables. On trouve

également cette question exposée dans Tixeront,

Histoire des dogmes, Paris, 1909, I, La théologie anlé nicéenne, c. v-viii, et elle le sera tout au long dans le

t. II des Origines du dogme de la Trinité de M. Lebre ton. On consultera aussi avec profit Schwane, Histoire

des dogmes, trad. Degert, Paris, 1903, t. i ; Scmeria,

Dogma, gerarchiae culto nella Chiesa primitiva, Rome,

1902, trad. Richermoz, Paris, 1906 ; surtout Petau,

De Trinilale, 1. I, c. iii-v, et Bardenhewer, Les Pères

de l’Église, trad. franc., t. i.

L’identité de l’essence divine dans les trois personnes se trouve encore affirmée dans le dogme de la divinité de l’Esprit-Saint. Voir Esprit-Saint, col. 692 sq. On se reportera à ce qui est dit dans Athan.se (Saint), 1. 1, col. 2173 ; Basile (Saint), t. ii, col. 454 ; Cyrille d’Alexandrie (.S’Qi/îO. t. iii, col. 2505 ; Arianisme, t. i, col. 1844 ; Anoméens, t. i, col. 1324 ; Consubst.

TiEL, t. III, col. 1613 ; Macédoniens.

Enfin, l’étude du mot essence dans le mystère de la sainte Trinité comporterait encore l’exposition de l’emploi des termes essentiels en Dieu. On voudra bien se reporter à Abstraits ou Concrets (Termes), t. i, col. 283-284, où la question est exposée complètement. Voir également Dieu, t. iv, col. 1085.

II. EssEyci ; ii., s i.K DOGME DK l’ixc. .Ari<iy. —

Ici, le terme essence a une double application, essence divine et essence humaine, qui subsistent intactes et complètes dans l’union hypostatique. L’essence humaine n’est pas une personne en Jésus-Christ, parce qu’il lui manque l’incommunicabilité, étant unie hypostatiqucment à la deuxième ])crsoniic de la Trinité. Mais comme, dans l’incarnation, les deux essences nous sont connues par leurs opérations, on les étudie plutôt sous l’aspect de nature. Les Pères grecs et latins, les conciles, les papes ont ordinairement employé les mots de çûaïc et de natura. C’est pourquoi la question de l’essence divine et de l’essence humaine en Jésus-Christ se trouve reportée au mot Nature.

Il est à noter cependant que le mot ol’iix n’est pas absolument inusité chez les grecs en parlant de Notre-Seigneur..tlianase et Cyrille d’Alexandrie parlent parfois d’une union ovTitiiô/-, , esscntiollo, c’est-à-dire substantielle, en opposition avec l’union pureinent accidentelle des iiestoricns. Il faut l’intcrprètor comme r£v<t)’71 ; ?j5’./.r, . Voir.THANAsE, 1. 1, col. 2170 ; Cyrille d’Alexandrie, t. iii, col. 2492.

/II. AurnEs APPUI ATios^i i)nr, MATi(ji : Es. — Nous avons vu que l’essence détermine chaque être dans son espèce particulière. Toute réalité a donc une essence, .ussi nous retrouvons souvent, en théologie, le terme essence cmployé pour signiticr l’élément spéciliquc d’une réalité dont la foi nous oblige à admettre l’cxistciue.

Voici les principales applications du mot essence aux didérents points du dogme catholique, en « lohors des mystères de la trinité et de l’incarnation.

1° Ordre naturel : essence angéliquc, purement spi-