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ESSENCE


nius et Euphranor, en avait été une première preuve, longtemps avant le concile de Nicce. Voir Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, 4e édit., t. i, p. 485. On y a fait allusion ici même. Voir Denys d’Alexandrie, t. IV, col. 426 ; Consubstantiel, t. iii, col. 1611. La communicabilité de l’essence aux personnes divines devait, en effet, entraîner le choix d’un nouveau mot pour désigner exclusivement ce que les latins appelaient persona, TïpocrwTrov. L’histoire de l’arianisme, voir en particulier Arianisme, t. i, col. 1825, a déjà fait connaître les vicissitudes des termes o-jo-i’a, JTiôo-TaTt :  ; et 7rpô<Tw~ov. Le mot essenlia, o’joia., est d’un usage postérieur. Voir Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, 2e édit., Paris, 1907, t. ii, p. 219. Le terme resta toujours clair ; il n’en fut pas de même des autres termes, en particulier de jTîoirxaTi :, qui finit par désigner la personne. Les équivoques ne prirent fin qu’au concile d’Alexandrie, en 362, voir Alexandrie (Conciles d’), t. i, col. 802 ; Arianisme, t. I, col. 1801, 1832, sans que la terminologie soit encore complètement arrêtée. Voir Athanase (Saint), t. I, col. 2172. Saint Basile, pour préciser cette terminologie, écrivit une lettre sur la différence entre l’essence et l’hypostase. Epist., xxxviii, P. G., t. xxxii, col. 325-340. On trouvera sa doctrine exposée, Basile (Saint), t. ii, col. 453 ; Dieu, t. iv, col. 1082. Saint Jérôme doutait encore si hypostase était synonyme d’essence : il interroge à ce sujet le pape Damasc. Epist., xv, P. L., t. xxii, col. 356.

En résumé, le terme essence n’a jamais varié dans sa signification ; aussi n’avons-nous pas à nous préoccuper ici davantage des variations que l’on peut constater dans la signification d’autres termes qui lui furent d’abord synonymes. On trouvera plus tard tous les renseignements historiques à cet égard, aux articles Hypostase et Nature, qui compléteront Arianisme.

1^’unité d’essence dans la trinité des personnes est affirmée dans le symbole des apôtres, credo in Deum, et plus expressément dans ses formes orientales, ei ; ’e’vk 0edv, £Î ; àXr, 6 : vov (xôvov ; dans les symboles d’Épiphane, . Denzinger-Bannwart, n. 13, d’Athanase, n. 39, et dans les formules antipriscilliennes, n. 15, 17, 19y dans le symbole de Nicée, n. 54 ; par le pape saint Damase, n. 82, par le II" concile œcuménique de Constantinople, n. 213, par Jean III contre les priscillianistes, n. 231, par le ! « ’concile de Latran, n. 254, par le XI"-" concile de Tolède, n. 275, par saint Léon IX, n. 343, etc.

Cette unité d’essence en trois personnes est une unité numérique et non spécifique : par là, les trois personnes divines sont coessentielles, c’est-à-dire consub.staatielles. Voir Consubstantiel, t. iii, col. 1612.

Nous n’avons pas à revenir sur les preuves scripluraires et patristiques de cette unité de l’essence divine dans la trinité des personnes. Le fondement scripturaire en a été étudié ailleurs. Voir Dieu, t. iv, col. 963. La tradition, exprimée par les Pères, a été exposée, col. 1023 sq., conjointement avec leurs idées sur l’essence divin, e envisagée au point de vue purement rationnel.

Il semble cependant qu’on doive compléter ici un point qui n’a pas été élucidé. Il s’agit du reproche adressé à certains Pères que l’on accuse de n’admettre en Dieu qu’une unité d’essence spécifique. Gunther, Propœdcutica ad spccul. theoL, t. ii, p. 365, a renouvelé sur ce point les ineptes attaques d’anciens théologiens, aujourd’hui oubliés. Voir les références dans Franzelih, De Deo trino, Rome, 1874, th. ix. La Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. vi, p. 531, les a reprises pour son compte. On incrimine particulièrement saint Basile et saint Grégoire de Nysse.

La doctrine de saint Basile a été exposée déjà.’oir Basile (Saint), t. ii, col. 451. Chose curieuse, c’est de sa lettre à son frère Grégoire sur la différence entre l’essence et l’iiypostase, qu’est tirée l’objection. On y apprend que les hommes sont 6|xooJ.7’.oi, consubstantiels entre eux, et que, cependant, ils ont des propriétés distinctives qui les individualisent. Puis, on est invité à éclairer par ce fait le mystère de la Trinité. » Cette différence que lu as remarquée chez, nous entre l’essence et l’hypostase, transporte-la dans la divinité et tu ne te tromperas pas. » Epist., xxxviii, P. G., t. xxxii, col. 328. D’ailleurs, dans le De Spiritu Sancio, c. xxxviii, saint Basile attribue au Père le commandement, au Fils l’exécution, au Saint-Esprit l’achèvement des choses ; d’où il suit que l’identité d’action et, partant, de nature des personnes est ignorée. P. G., t. xxxii, col. 136.

La réponse est facile. Il s’agit, dans la pensée du saint docteur, d’une comparaison évidemment imparfaite entre la nature humaine et la nature divine, et l’on ne doit pas oublier que le mot ô|j, cioJ^iot peut s’emploj’er en deux sens différents, voir Consubstantiel, t. iii, col. 1606, l’un qui signifie semblable en nature, l’autre, identique par nature. Cf. Petau, De Trinitate, 1. VII, c. x, n. 12. Sans doute, la considération de l’essence et de l’hypostase dans les choses créées doit nous faire entrevoir la différence qui sépare la nature de la personne de Dieu. Mais il s’en faut de beaucoup que nous devions la comprendre de la même façon ; bien au contraire, saint Basile nous défend de nous en tenir là : « Il n’est pas permis, dit-il, d’arrêter notre intelligence à une notion certaine et définie, parce que cette essence divine dépasse notre mode de concevoir les choses. » Epist., xxxviii, n. 3, P. G., t. xxxii, col. 328. La suite du texte montre bien que Basile fait porter la distinction numérique en Dieu uniquement sur les « propriétés u (c’est-à-dire les relations), et non pas sur l’essence commune aux trois personnes ; car il explique longuement qu’en raison de cette identité d’essence, « celui qui conçoit le Père conçoit et le Père… et le Fils ; celui qui conçoit le Fils, ne sépare point l’Esprit du Fils, ^ mais s’il exprime l’un après l’autre, c’est suivant l’ordre des origines et non pas par distinction de nature, puisque tous trois sont réunis dans la même nature. » Ibid., col. 332. Aux textes déjà rapportés dans l’art. Basile (Saint) on peut ajouter, pour se convaincre de la légitimité de cette exposition, la xxiv" homélie contre les sabelliens, Arius et les anoméens. Voici un passage significatif, d’après Les Pères de l’Église de Bardenhewer, trad. franc., Paris, 1899, t. II, p. 82 : « N’allez pas asseoir votre doctrine impie sur la séparation des personnes. Car, bien que numériquement il y en ait deux (saint Basile parle du Père et du Fils), il n’y a qu’une seule nature, et parler de leur dualité, ce n’est pas afiirmer leur séparation. Il n’y a qu’un Dieu, lequel est Père ; il n’y a qu’un Dieu, lequel est Fils ; il n’y a pas deux dieux, puisque le Fils possède avec le Père une nature identique, car je ne vois pas deux divinités, l’une dans le Père, l’autre dans le Fils, ni deux différentes natures dans les deux personnes. Aussi, pour apercevoir nettement la distinction des personnes, comptez à part le Père et à part le Fils ; mais, crainte de donner dans le polythéisme, confessez en ces deux personnes une seule et même essence. » P. G., t. xxxi, col. 604-605.

Enfin, l’attribution du commandement au Père, , de l’exécution au Fils et du perfectionnement des choses à l’Esprit-Saint n’indique nullement trois actions différentes. Nous retombons ici dans l’objection vulgaire, exposée et résolue à l’art. Appropriation, t. I, col. 1708.

^ Quant à saint Grégoire de Nysse, les principaux.