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ESPRIT-SAINT


JMals s’ensuit-il qu’il faille admettre entre les personnes divines cet ordo consequenlisel Pour être acceptable, une telle déduction aurait besoin de s’appuyer sur l’Écriture sainte et la tradition ecclésiastique. Et cependant, CCS sources de la (oi clwétienne ne conliennent pas la plus pelile allusion à un ordre quelconque de succession entre la naissance du Fils et la procession du Saint-Esprit. » Op. cit., p. 12. Le docteur Gousev ne parle pas ici d’une succession chronologique, mais d’une succession logique. Il semble oublier ou ignorer que cet ordre d’origine, révoque en doute par la théologie orthodoxe, est fixé dans la formule du baptême et dans les prières liturgiques ; que toute la théologie grecque, depuis ses origines jusqu’à Photius, considère le Saint-Esprit comme la troisième personne en Dieu ; que, d’après saint Irénée, per Spirilum quidem ad Filium, per Filium autem ascendinms ad Palrem. Cont, hser., V, 36, 2, P. G., t. vii, col. 1223. On ne dira jamais dans la théologie chrétienne que le Saint-Esprit est la seconde personne de la Trinité et le Fils la troisième.

D’après le même théologien, les dénominations de Père, Fils et Saint-Esprit « ne nous manifestent pas en quoi consiste essentiellement la paternité, la génération et la procession en Dieu, ou quelle est la différence entre la procession et la génération. Les termes de Père, Fils et Saint-Espril signifient seulement l’ordre de la manifestation aux hommes des personnes de la sainte Trinité. » Op. cit., p. 13. S’il en est ainsi, nous devons en conclureque la distinction entre les personnes divines n’existe pas en Dieu, mais dans le monde extérieur ; que Dieu s’appelle Père, Fils et Saint-Esprit uniquement parce qu’il se révèle au genre humain àdilïérentes époques. Or, une relation arf exira ne peut pas être le principe d’une distinction réelle dans l’être divin. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne seraient donc pas trois hypostascs distinctes, mais trois modes d’existence du Dieu unique, et nous tomberions en plein sabellianismc. Si la théologie orthodoxe professe la distinction hypostatiquc des trois personnes divines, ce n’est pas hors de Dieu qu’elle doit chercher la cause de cette distinction. Cette cause doit être éternelle et intrinsèque, car, si elle était temporelle et extérieure, les personnes divines elles-mêmes seraient produites dans le temps, c’est-à-dire ne seraient pas consubstantielles au Père.

Une autre objection, qui depuis Pholius revient invariablement dans tous les manuels de théologie orthodoxe, est la suivante : « Si le Saint-Esprit procède du Père et du ImIs, il faut admettre en Dieu deux principes. » Nous avons cité plus haut les textes des conciles de Lyon et de Florence qui établissent sur ce point la doctrine de l’Église catholique. Les conciles ne font que sanctionner la doctrine de saint.ugustiii. De Trinitatc, v, 11, l.j, P. L., t. xlii, col.’.)20.’. » 21 ; Contra McLtiminum, ii, 17, 4, ibid., co. 784, 78.5 ; de Ratramne de Corbic, Contra r/rœcorum opposit<i, iii, 4, P. L., t. cxxi, col. 293, 294 ; d’Énée de Paris, Liber aduersus grsecos, 47, ibid., col. 710. Saint Anselme répond admirablement à cette objection : Le Saint-ICsprit procède du Père et du Fils, non pas de lioc unde duo sunt, mais de hoc in quo unum sunt. Lorsque nous disons que Dieu est le principe de la création, nous savons bien que le Père, le l’ils et le Saint-Esprit produisent ensemble les êtres créés, mais ils ne sont pas trois principes distincts, trois créateurs. Car ils créent per hoc in quo unum sunt, non per hoc in quo très sunt. De processione Spiritus Sancti, xiii, P.L., t. cviii, col. 311, 312. La théologie catholique déclare que le Père et le Fils sont le principe unique du Saint-Esprit, parce que la force spirative qui produit le Saint-Esprit est unique, comnume au Père et au Fils. L’unité de cette force dépend de ce qu’elle ne produit pas une opposition de relations personnelles entre le Père et le Fils.

Conclusion.

Le métropolite Macaire termine

ainsi son réquisitoire contre la croyance dogmatique de l’Église latine : « A l’égard de la procession du Saint-Esprit, la doctrine de l’Église d’Occident a pour base, non la parole de Dieu, mais seulement une fausse interprétation de quelques-uns de ses passages ; non les anciens symboles de l’Église et les conciles œcuméniques, mais seulement quelques petits conciles provinciaux, tenus en Espagne depuis le v » siècle, et le concile d’Aix-la-Chapelle, réuni au commencement du ixe siècle ; non la doctrine unanime des saints Pères et docteurs de l’Église, mais seulement une fausse interprétation de leur doctrine, ou des altérations, voire des interpolations faites à leurs témoignages, et un petit nombre d’expressions de certains docteurs du v= et du vi'e siècle, d’une authenticité également douteuse ; enfin leur doctrine paraît contradictoire et peu fondée, même au tribunal de la raison. » Op. cit., p. 347, 348. Les textes que nous avons cités, les arguments que nous avons exposés donnent la meilleure réponse à ces attaques inspirées plus par la mauvaise foi que par l’ignorance. La négation du dogme latin, nous l’avons vu en examinant la doctrine du docteur Gousev, supprime la pluralité des personnes en Dieu et réduit celles-ci à de simples modalités de l’être divin. Nous n’avons pas à insister sur ce point et nous renvoyons à la Dogmatique de Scheeben où il est prouvé que l’erreur de la théologie orthodoxe bouleverse et morcelle la Trinité dans ses détails, trouble et dénature l’unité de la Trinité dans son ensemble. T. ii, n. 888-890, p. 603-605.

Remarquons en passant que la théologie latine ne prétend pas imposer à la théologie grecque ses formules, sa terminologie. Pourvu qu’on croie que le Fils participe avec le Père à la procession du Saint-Esprit, elle n’exige pas que l’on adopte la formule a Patrc Filioque, au lieu de la formule a Paire per Filiun^ ; elle pourrait même tolérer que l’on dise que le Saint-Esprit procède d’une seule cause primordiale, du Père. La différence de langage entre grecs et latins a poussé les théologiens à chercher une voie irénique pour apaiser la controverse du Filioque. Un théologien ruthéne du xviiie siècle conseillait aux latins de laisser de côté les questions compliquées de la scolaslique, qui, à son avis, enveniment le différend, et à déclarer simplement que le Saint-1-sprit procède de la substance du Père et du Fils. Les grecs ne pourraient rejeter cette formule sans nier la consubstanlialilé divine. Disserlalio dogmatica de processione Spiritus Sancli in sensu catholicx Ecclesiæ, Leipzig, 1787. Un savant bollandiste est d’avis que les grecs ne rejettent pas la croyance dogmatique du Filioque, mais qu’ils donnent aux mots principe, cause, auteur, un sens plus déterminé, plus restreint. Pour eux, le Père est le seul principe du Saint-Esprit, en ce sens cependant qu’il est le principe primitif, le princijje sans principe. la source de la divinité : » Toute la contestation du Filioque semble donc se réduire à une dis|uite de mots. Les russes appellent seulenu-nt cause la source iirimordiale de la divinité. Les latins ne refusent pas de reconnaître cette origo principalis, cette source première, ils l’établissen. t même dans toutes leurs théologies, mais quand ils parlent du principe du Saint-Esjjrit, ils parlent du principe de production qui est l’essence divine dans le Père et dans le Fils, et de la faculté qu’ils ont de produire l’Esprit-Saint. » Essai de la conciliation sur le dogme de la procession du Saint-Esprit, Paris, 1857, p. 345.

La pratique de l’Église romaine semble confirmer cette opinion. I-Ille demande simplement aux orthodoxes de reconnaître que le I-"ils participe avec le Père à la))rocession du Saint-Iisprit, mais en tenant compte de la différencc de terminologie entre grecs et