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ESPRIT-SAINT

776 Pour Orif^ùnc donc, le Saint-Esprit est l’Esprit du Père, parce qu’il procède du Père, et il est l’Esprit du Fils, parce qu’il reçoit du Fils ; en d’autres ternies, la locution a Paire procedil est l’équivalent de la locution (le meo accipiel. Le Saint-Esprit est l’Esprit du Père, parce que l’être divin du Saint-Esprit procède du Père, et il est l’Esprit du Fils, parce qu’il reçoit du Fils le même être divin que le Père lui communique. Les dénominations d’Esprit du Père et d’Esprit du Fils, Orifjsène les attribue donc à la même cause, à la communication de l’être divin au Saint-Esprit par Dieu le Père et Dieu le Fils. Vincenzi, De processionc Spirilus Sancli ex Paire Fllioque, Rome, 1878, p. 9, 10.

Les écrivains orthodoxes eux-mêmes ne peuvent pas ne pas reconnaître que la doctrine d’Origène est conforme de tout point à la doctrine catholique. « D’après Origène, remarque Eléonsky, la dépendance du Saint-Esprit du Fils n’est pas semblable à celle des créatures. Le Saint-Esprit serait soumis au Fils au même titre que les créatures dans le seul cas où il serait une créature. Mais Origène repousse énergiquement cette hypothèse. La dépendance du Saint-Esprit à l’égard du Père et du Fils est donc de même nature que la dépendance du Fils à l’égard du Père. La dépendance du Saint-Esprit par rapport au Fils, aussi bien que par rapport au Père, est uniquement une dépendance qui concerne l’existence (l’origine). » Op. cit., p. 167. « Origène déclare que le Saint-Esprit, eu tant cju’il est la troisième personne de la Trinité, doit se distinguer de la seconde personne par le mode de son origine du Père. Cette distinction n’est autre que la procession du Saint-Esprit du Père par le Fils, parce que, si l’on disait que le Saint-Esprit procède immédiatement du Père, il s’ensuivrait qu’il ne se distinguerait plus du Fils, parce que le Fils procède immédiatement de l’essence du Père. » Ibid., p. 165. Le théologien russe ajoute que la doctrine d’Origène sur ce point ne dilïère pas de la doctrine enseignée par saint Grégoire de Nysse, Conlra Eunomium, i, P. G., t. XLV, col. 336 ; saint Épiphane, Ancoratus, 8, P. G., t. xLiîi, col. 29, 32 ; et saint Augustin, De Trinilale, xv, 27, P. L., t. XLii, col. 1080. Il aurait pu ajouter encore qu’elle s’accorde parfaitement avec la doctrine de la théologie catholique, qui contient que le Saint-Esprit ne se distinguerait plus réellement du Fils, s’il ne procédait pas du Fils, ou, selon la formule grecque équivalente, s’il ne procédait pas du Père par le Fils. Le témoignage d’Origène en faveur du Fllioque est donc si évident que Kokhomsky arrive à dire qu’il a été le premier à fausser l’enseignement de l’Évangile sur la procession du Saint-Esprit, à inventer la formule tout à fait nouvelle de la procession du Saint-Esprit du Père par le Fils, et qu’il a obligé l’Église universelle à définir avec la plus grande clarté la procession du Saint-Esprit du Père seul. Op. cil., p. 4.

Nous croyons inutile de prendre en considération les textes d’Origène apportés par Zoernikav, op. cit., p. 10-12, comme contraires à la procession du Saint-Esprit ab uiroqiie. Ces textes déclarent que le Père est la source d’où naît le Fils et procède le Saint-Esprit. Or, la théologie catholique ne nie pas que le Père soit la source primordiale des seconde et troisième personnes divines. Mais la question qui nous occupe consiste à savoir si, par rapport au Saint-Esprit, le Fils est avec le Père le principe, la source de la procession divine du Saint-Esprit, et les passages cités plus haut montrent clairement qu’Origène attribue au Père et au Fils la production du Saint-Esprit.

La doctrine d’Origène sur la procession du Saint-Esprit est affirmée aussi par ses disciples, Denys d’Alexandrie et Grégoire le Thaumaturge. Le premier déclare que le Saint-Esprit est dans les mains du Père et du Fils, qu’il est inséparable du Père qui l’en voie et du Fils qui le porte. S.Athanase, Desc/i/e/i/(a Dionysii, 17, P. G., t. xxv, col. 505. On pourra objecter que l’expression employée par saint Denys n’est pas assez Ihéologique ; mais elle met bien en relief la dépendance du Saint-Esprit par rapport au Père et au Fils. Cette dépendance, exprimée d’une manière énergique par les mots èv -/içiiv/, ne peut se rapporter qu’à la seule relation d’origine. Toute autre interprétation aurait comme conséquence nécessaire, la négation de la divinité du Saint-Esprit.

Saint Grégoire le Thaumaturge qualifie le Christ comme |j.ovo ; Ix rjovo’j, solus ex solo Deo, d’après la version de Rufin. Hahn, Bibliothek dcr Symbole, p. 254. Le Saint-Esprit est présenté par lui comme tenant sa substance de Dieu, comme ayant apparu par le Fils : 5t’l’ioj 7r£ ?r, vô :, ibid., p. 254-255 ; comme n’ayant jamais manqué ni au Père ni au Fils. Ibid., p. 255 ; P. G., t. X, col. 988. Le cardinal Franzelin met bien en relief la force theologique du verbe grec cpaivôdôa’., que Zoernikav, op. cit., t. i, p. 13, entend dans le sens de la simple mission temporelle. Dans le langage des Pères, ce verbe, attribué au Fils, signifie sa génération éternelle de la part du Père, c’est-à-dire une opération immanente de la divinité. Il a donc la même signification lorsqu’il est attribué au Saint-Esprit. Du reste, même si ce verbe exprimait la seule mission extérieure et temporelle du Saint-Esprit, qui, par le Fils, selon saint Grégoire le Thaumaturge, se serait manifesté aux hommes, il prouverait toujours en faveur du Fllioque. La mission temporelle, en effet, présuppose nécessairement la mission éternelle, et le Fils ne pourrait pas envoyer le Saint-Esprit dans le temps, s’il n’était pas avec le Père le principe éternel de la procession du Saint-Esprit. Voir Franzelin, De Deo trino, p. 448, 449.

Parmi les écrivains latins, TertuUien déclare nettement que le Saint-Esprit dérive du Père par le Fils : Spiritum non allunde pulo quam a Pâtre per Filium. Adversus Praxeam, iv, P. L., t. ii, col. 159. Le troisième dans la Trinité est l’Esprit qui procède de Dieu et du Fils, comme le troisième par rapport à la racine est le fruit qui sort de l’arbre. Ibld., viii, col. 163. La connexion du Père dans le Fils et du Fils dans le Père forme trois personnes inséparables, procédant l’unede l’autre de manière que ces trois sont une seule et même chose, mais non pas un seul. Ibid., xxv, col. 188. TertuUien afllrme donc que l’Esprit procède du Père, qui est la source de la divinité, et du Fils : ou, ce qui a la même signification, qu’il procède du Père par le Fils. Freppel, TertuUien, t. ii, p. 318. Pour ce qui concerne la formule exprimant laprocession du Saint-Esprit, TertuUien se rapproche des grecs, et en particulier d’Origène. D’Alès, La théologie de TertuUien, p. 96.

Les quelques témoignages que nous avons glanés dans la théologie anténicéenne attestent donc que le dogme exprimé par le Fllioque, loin d’être rejeté ou tout à fait ignoré par la tradition chrétienne du ii « et du iiie siècle, commence à s’y dessiner avec une certaine clarté.

2° Les Pères grecs du /re siècle. — C’est surtout aux Pères du iv siècle que nous devons demander ce qu’il faut croire touchant la procession du Saint-Esprit ab utroque, car le ive siècle a été l’âge d’or de la théologie du Saint-Esprit. L’autorité de ces Pères est invoquée ; tout particulièrement, par les adversaires du Fllioque. Zoernikav leur consacre une bonne partie de son indigeste compilation sur la procession du Saint-Esprit, op. cit., p. 16-76, et les théologiens orthodoxes qui l’ont suivi, tels que Prokopovitch, Macaire, Sylvestre, Malinovsky, marchent fidèlement sur ses traces. Il est bien regrettable que, dans cette polémique à coup de témoignages et de textes.