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Or, pourrions-nous ne pas admettre en Dieu cette vie intérieure qu’il a donnée à l’tiomme, ne pas admettre que l’essence divine est à la fois intelligence et volonté ? Et si Dieu est intelligence et volonté, ne sommes-nous pas forces d’admettre que cette intelaigence et cette volonté, qui s’identifient avec l’unique « essence divine, sont toujours en acte, c’est-à-dire ne passent jamais de la puissance à l’acte ?

Si Dieu est intelligence, cette intelligence divine connaît non seulement ce qui est hors de la vie intime <ie Dieu, mais aussi ce qui est en Dieu de toute éternité, c’est-à-dire Dieu se connaît lui-même. Si Dieu est volonté, cette volonté n’aime pas seulement les créatures où brille un rayon de la bonté infinie, mais aussi la bonté infinie de l’être divin, c’est-à-dire Dieu s’aime lui-même. Nous sommes donc amenés à penser que l’essence divine, sous des relations différentes, est à la fois le principe de l’intellection divine et le terme de cette intcllection ; de même, elle est le principe de Ja volition divine et le terme de cette volition ; nous pouvons donc conclure que toute l’évolution de la vie <livine repose sur ces deux actes : connaître et aimer.

Les deux termes de l’intellection et de la volition <livine ne diffèrent pas de l’essence divine. S’ils en difïcraicnt. Dieu ne serait plus l’être d’une simplicité absolue. Pour les produire. Dieu passerait de la puissance à l’acte, c’est-à-dire il ne serait plus l’acte très pur. « Aimer et comprendre en Dieu, dit saint Thomas, c’est Dieu lui-même. Dieu ne s’aime pas lui-même par quelque chose qui survient à son essence, mais selon son essence. Puisque donc il s’aime lui-même parce qu’il est en lui-même comme l’objet aimé <ians cchii qui aime. Dieu aimé n’est pas en Dieu aimant d’une manière accidentelle, comme les choses aimées sont en nous qui les aimons..Mais Dieu est en lui-même comme l’être aimé dans l’être aimant substantiellement. Le Saint-Esprit n’est donc pas un accident dans la nature divine : il subsiste dans l’essence divine comme le Père et le Fils. » Compendium iheologise, xlviii.

Mais la volonté ne peut rien aimer c(ui n’ait été auparavant conçu et connu par l’intelligence. Il s’ensuit que l’acte de l’intelligence a une priorité logique en Dieu sur l’acte de la volonté ; c’est-à-dire le terme de l’intelligence divine, que l’Écriture appelle le ^’erbe de Dieu, a une priorité logique surle terme de la volonté divine, que la même Écriture nomme le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est donc réellement le troisième dans l’ordre des relations divines. Et, puisqu’il y a une distinction entre les actes de vouloir et de connaître, parce qu’on ne peut dire que Dieu veut par son intelligence, ni qu’il connaît par sa volonté, les termes <le l’intelligence et de la volonté divine ne peuvent pas se confondre, le Saint-Esprit se distingue du Verbe ; l’Esprit et le Verbe à la fois se distinguent du principe de rintelleclion et de la volition divine. De Hégnon, op. cil., t. ii, j). 196-197. Cette théorie rallonnclle de la Trinité a été développée par saint.uguslin, saint Anselme et saint Thomas d’.Xquin. ICIle nous aide, sans doute, comme dit saint.ugustin. à voir par l’intelligence ce ((ue nous croyons : Dcsidcravi inlclieciu videre qiiod credidi. De Trinilulc, xv, 28,.51, P. L., t. XLii, col. 1098, mais elle n’ouvre pas le mystère à notre raison, ni ne montre pourquoi les termes des opérations ad inlra de la Trinité doivent être personnels. Si clone la révélation n’était pas venue dissiper la nuit (le notre intelligence, nous n’aurions jamais su que le Saint-Ivsprit subsiste en Dieu comme troisième personne divine.

Schcoben, In dogmatique, t. ii, p. r)2l-r>r>S ; Id., Die Mi%lerirn des Clirislentiimx, FribourK, 181)S, p. l’I-lIH ; Heinrirh, Duqmntisrhe Théologie, t. iv, p. 4.")4-.">.")8 ; l-’ranzclin. De Deo Irino, p. 235-411 ; de Hégnon, Éludes de tliéologie positive sur lasainte Trinité, 2° série (consacrée exclusivement à l’étude des théories scolastiques de la sainte Trinité) ; Piccirelli, De Deo uno et trino, p. 1120-1142, 12571262.


II. LA PROCESSION DU SAINT-ESPRIT DU PÈRE ET DU FILS. —

Il n’est pas nécessaire de prouver que le Saint-Esprit procède du Père. Cette vérité de foi est contenue de la manière la plus explicite dans l’Écriture sainte. Le Saint-Esprit napix to-j IlaTpô ; èxttopsjêTsti. Joa., XV, 26. Si le Père est le principe, la source de la divinité, source primordiale, si le Saint-Esprit est une personne distincte du Père, une personne qui participe à l’essence du Père, il est évident que le Père communique son essence au Saint-Esprit, c’est-i^-dire que le Saint-Esprit procède du Père. Mais procède-t-il en même temps du Fils ? A ce sujet, de longues discussions théologiques se sont produites et les Églises orthodoxes se sont séparées de la communion de l’Église romaine. L’Église romaine croit que le Snint-Esprit procède du Fi’s aus-i bien que du Père. Cette vérité de foi n’est pas admise par les Églises d’Orient. Nous n’aborderons pas ici l’histoire de la controverse théologique entre les grecs et les latins au sujet du mot Filioque. Nous ne montrerons pas non plus la légitimité de l’insertion du Filioque au symbole de Nicée. Voir Filioque. Nous nous proposons seulement de mettre en relief la vérité de l’enseignement dogmatique de l’Église romaine touchant la procession du Saint-Esprit du Fils, en prouvant qu’elle est appuyée :
1° sur l’Écriture sainte ;
2° sur la tradition des Pères ;
3° sur les conciles ;
4° sur la spéculation théologique. Il en ressortira qu’elle appartient au trésor des dogmes de l’Église catholique.

I. D’après l’Écriture sainte.

1° L’Écriture déclare que le Saint-Esprit est l’Esprit du Père, Matth., X, 20, et qu’il est en même temps l’Esprit du Fils, Gal., IV, G ; l’Esprit du Christ, Rom., viii, 9 ; l’Esprit de Jésus-Christ. Phil., r, 19. Ces textes alTirment donc que les rapports du Saint-Esprit vis-à-vis du Fils ne dilTèrent pas des rapports vis-à-vis du Père. Le Saintlisprit est distinct à la fois du Père et du Fils, puisqu’il est l’Esprit du Père et du Fils. Cette distinction ne découle pas de l’essence divine qui est commune aux trois personnes divines. Elle repose donc sur l’opposition des relations divines. Si le Saint-Esprit c-st rp : sprit du Père, parce qu’il procède du Père, il est aussi l’Esprit du Fils, parce qu’il procède du Fils. Si l’on n’admettait pas que le Saint-Esprit procède du Fils, la dénomination d’Esiirit du Fils donnée au Saint-Esprit serait fausse ; bien i)Ins, le Saint-lisprit s’identifierait avec le I-’ils. Les iiersonnes divines, en effet, ne se distinguent que par l ?ur origine. Ratramne de Corbie explique ainsi les textes précédemment cités : « L’apôtre n’a pas dit : Dieu a emioiié son Esprit. Alême s’il avait dit cela, il n’aurait pas exclu le Fils, parce que le Fils aussi est Dieu, de même que le Père est Dieu, et l’un et l’autre ne soiù pas deux dieux, mais un seul Dieu, car la substance joint ce que la personne sépare. Mais, pour écarter toute objection, saint Paul insiste sur la personne du Fils. Dieu a envoyé dans nos cnrurs t’Esprit du Fils. Est-ce que l’Esprit du Fils est autre que l’E.sprit du Père ? Si l’I-^sprit du Père et l’Esprit du Fils ne sont qu’un seul et même lîsprit. Il est évident que l’Esprit-Saint procède à la fois du Père et du Fils. On ne dit pas que l’Esprit du Fils soit n|>pelé ainsi, parce qu’il est inférieur au Fils. Il s’ensuit donc que le Saint-Esprit est dit l’Esprit du Fils, parce qu’il procède du Fils, de même qu’on dit l’I^sprit du l’ère, parce qu’il procède du Père… Il est dit l’Esprit du Christ, parce qu’il procède du (-lirisl. S’il ne iirocédail pas du Christ, il ne serait pas l’Esprit du Christ.