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ESPRIT-SAINT

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de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit. Nous nous bornerons à interroger seulement les grands docteurs dont les noms dominent l’histoire de la théologie trinitaire latine de ce siècle, c’est-à-dire Hilaire, Ambroise, Jérôme, Augustin. Leurs écrits nous apprendront que l’Occident ne s’est pas laissé devancer par l’Orient pour ce qui concerne le culte et la profession de la divinité du Saint-Esprit.

1. Saint Hilaire de Poitiers a été surnomme le saint Athanase de l’Occident. Comme Tertullien, il s’est heurté aux graves difficultés d’une langue qui n’était pas encore assez façonnée et élaborée pour exprimer la doctrine trinitaire. Mais quelles que soient les imperfections de son style théologique, son enseignement ne laisse pas subsister le moindre doute sur son orthodoxie. Il montre d’abord que la raison est impuissants à comprendre et à expliquer le mystère de la trinité divine. La connaissance de ce mystère est venue de la foi seule. De Trinilate, i, 12, P. L., t. x, col. 33. La foi rejette les captieux raisonnements de la philosophie et les questions oiseuses. Ibid., i, 13, col. 34. La prédication des prophètes et des apôtres est la seule source de la véritable doctrine catholique. Ibid., I, 17, col. 37. La connaissance de Dieu vient de Dieu lui-même. Ibid., i, 18 ; vi, 8, col. 38, 162. Saint Hilaire puise donc sa doctrine trinitaire aux sources de la révélation et de la tradition, et il explique lui-même les causes de l’obscurité de son style : Cum de naliiris cœlestibus sermo est, illa ipsa quæ sensu meiUium conlincntur, usa communi et naturæ et sermonis siinl cloquenda, non ulique dignitati Dei congrua, sed ingenii nostri imbecillilati necessaria. Ibid., iv, 2, col. 97. On ne peut pas énoncer aisément par la parole les mystères de Dieu, pas plus que les percevoir avec les sens, ou les comprendre avec l’intelligence. Ibid., X, 53, col. 385. Saint Hilaire avoue que la théologie du Saint-Esprit n’est pas claire : il l’aborde à regret, pour remplir son devoir de pasteur à l’égard d’âmes qui lui demandent à être instruites : De Sancto Spirilu nec lacère opnrlel, ncc loqui neccsse est : sed sileri a nobis, eorum causa qui nesciunt, non potest. Ibid., II, 29, col. 69. Ce sont les hérésies antitrinitaires qui l’obligent à rompre le silence. Ibid., ii, 3, col. 52. L’arianisme divise l’être divin en trois substances diverses et ébranle la chrétienté. Ibid., vii, 3, G, col. 159, 160. D’autres ne veulent pas admettre l’usum (communauté de nature) du Saint-Esprit avec le Père et le Fils, et ne reconnaissent pas le Fils comme la source du Saint-Esprit. Ibid., ii, 4, col. 53. Mais l’Église n’a rien à craindre pour la pureté de sa doctrine. Il y a chez elle autant de remèdes qu’il y a de maladies dans le monde chrétien, et autant de vraies doctrines qu’il y a, chez les hérétiques, de fausses théories. Ibid., I, 22, col. 64. 65.

Ces théories, saint Hilaire déclare vouloir les écarter. Elles relèguent le Saint-Esprit au rang des créatures, ibid., I, 36, col. 48, mais la foi enseigne que le Saint-t-^sprit est Dieu. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas trois dieux divers : la foi prêche l’unité (le la nature divine. De synodis, 56, /’. L., t. x, col. 512. L’Iilsprit-Saint est à la fois l’Esprit du Christ et l’Esprit de Dieu, ce qui prouve qu’il a la nature du Christ et de Dieu. De Trinilate, viii, 26, col. 255. L’Esprit est la chose de la nature (res naturie) du Fils, ot aussi la res naturæ du Père. Ibid., viii, 26, col. 255. Il est inhérent à Dieu. Ibid., viii, 27, col. 256. Le mystère (le la Trinité ne se conçoit pas sans l’unité divine du Père, du Fils et du Saint-Esprit. In Mollit., xiii, 6, P. L., t. IX, col. 994, 995. Dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit omnia unum.-iunl, ibid., col. 995, c’est-à-dire qu’il y a entre eux égalité de nature, de perfection, de dignité. Le Saint-I-^sprit est joint au Père et au Fils dans la confession de la foi chrétienne. Il ne

doit pas, donc, en être séparé dans la nature : Imperfeclum enim est nobis iolum, si aliquid desil a loto. De-Trinilate, ii, 29, col. 69. Le Père et le Fils seraient imparfaits, si le Saint-Esprit ne faisait pas partie de la Trinité.

Le Saint-Esprit n’emprunte rien aux créatures r neque enim de crcaturis sumebat Spirilus Sanclus, qui Dei Spirilus est. Ibid., ix, 73, col. 340. Car, si le Fils et le Saint-Esprit reçoivent de ce qui est au Père, , si tout ce qui est au Père appartient en même temps au Fils et au Saint-Esprit, nous devons reconnaître l’identité de la nature du Père et de la nature du Fils et du Saint-Esprit. Ibid., col. 340.

C’est surtout vers la fin du traité De Trinilate que saint Hilaire, dans une émouvante invocation, et d’un style animé, proclame ladivinité du Saint-Esprit :  ; Neque, quia te solum innascibilem.et unigenitum ex te nalum sciens, genilum tamen Spirilum Sanctum diclurus sim, dicam unquam crcatum. Xulla te, nisi res tua pénétrai ; nec profundum immensx majestatis luæ, peregrinæ atque alienie a le virtutis causa melitur. Tuum est quidquid te init : neque alienum a le est, quidquidvirtute scrutantis inest. De Trinilate, xii, 55, col. 469-Le saint docteur déclare donc qu’il ne donnera jamais au Saint-Esprit les noms des créatures, et il en indique les motifs. Le Saint-Esprit possède l’être divin ; donc il est infini. Le Saint-Esprit sonde les abîmes de la science de Dieu ; il est donc omniscient.

Saint Hilaire trouve aussi un argument en faveur de la divinité du Saint-Esprit dans la formule du baptême, ibid.. ii, 1, col. 50, d’autant plus que cette forma fidci certa est. Ibid., ii, 5, col. 53, 54. Les opérations que l’Écriture attribue au Saint-Esprit confirment aussi sa divinité. Il répand sa lumière sur les patriarches, les prophètes, les apôtres, les fidèles. Ibid., II, 32, col. 73 ; In ps. cxx, 6 ; i kxxmu, 1, P. L., t. IX, col. 656, 792. Il instruit, enseigne, sanctifie. De synodis, 11, P. L., t. x, col. 489, parce qu’il possède la science de Dieu. De Trinilate, ii, 35, col. 75. Il habite en nous, en tant qu’Esprit de Dieu, ibid., VIII, 26, col. 255, et nous l’adorons comme Dieu. Ibid., II, 31, col. 72.

L’Esprit-Saint, tout en ayant la nature divine en commun avec le Père et le Fils, est distinct du Père et du Fils, car il n’est pas innascible comme le Père. De synodis, 53, col. 519. Il n’est pas le Fils non plus. En effet, Jésus-Christ prie le Père pour qu’il envoie un autre Paraclet. Il y a donc une distinction entre cleui qui prie pour qu’on envoie, et celui qui est envoyé : Eo quod alium Paraclelum mitlenduni a Paire sit precaturus, difjerentiam missi rogantisque signijical. Ibid., 54, col. 519. Le Saint-Esprit est donc une personne réelle de la sainte Trinité.

Ces passages mettent en pleine lumière l’orthodoxie de la doctrine de saint Hilaire sur le Saint-Esprit. Son style, il est vrai, étonne parfois, mais si on pénètre plus intimement la pensée du saint docteur, on se convainc qu’elle ne diffère aucunement de l’enseignement catholique. Il donne au mot esprit plusieurs sens ; il l’applique tantôt au Père, tantôt au I-’ils et au Sainti : sprit. De Trinilate, ii, 30, 31 ; viii, 21, 23, col. 71, 72, 252, 253. Il n’appelle jamais le Saint-IZsprit Dieu, mais donum, ibid.. ii, 1, 29, 3, col. 51, 70, 73, munus, . usum in munerc. Ibid., ii, 1, col. 51. Ce silence, remarque Heck, ne doit pas nous impressionner. Die Trinitatsichre des hl. Ililarius von Poitiers, Mayence, 1903, p. 253. Dieu est avant tout un être personnel, tandis que le Saint-I-^sprit est l’être du Père, de la nature du Père, res natura’, sa propriété, quelque chose qui appartient à Dieu. Le saint docteur explique lui-même la différence entre la nature et la chose de la nature : iVon idem est natura quod natursr res, sicut non idem est homo, et quod hominis est. Ibid., viii, 22,