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ESPRIT-SAINT


cliins le Père, une priorité d’origine, Origène conclut que le Fils et le Saint-Esprit demeurent subordonnés au Père quant à l’origine, que le Père est plus grand que le Fils et le Saint-Esprit, parce qu’il leur communique l’être divin. Freppel, op. cz7., t. i, p. 273. Est-ce que cette conclusion s’écarte de l’enseignement traditionnel de l’Église ? Non, assurément. Même après le concile de Nicée, les Pères qui ont traité du Saint-Esprit d’une manière irréprochable au point de vue de l’orthodoxie de la doctrine (il suffit de citer saint Basile et saint Grégoire de Nysse), enseignent que le Père est plus grand que le Fils et le Saint-Esprit, en ce qu’il en est l’àp/r, , l’aÎTÎa. Bardj% Didijme l’Aveugle, Paris, 1910, p. 104. Origène se commente lui-même dans cet autre passage : « Il convient de placer la bonté principielle (àp/_r/.r, ) en Dieu le Père, de qui le Fils est né et de qui l’Esprit-Saint procède. Sans nul doute, l’un et l’autre reproduisent en eux la substance de la bonté contenue dans la source, d’où est né le Fils et d’oii dérive le Saint-Esprit. « De princ, I, il, 13, P. G., t. XI, col. 144.

Rien donc n’est plus loin de la pensée d’Origène qu’une subordination essentielle du Saint-Esprit au Père et au Fils. Pour écarter celle-ci, il multiplie à dessein ses affirmations explicites de la consubstantialité divine des trois hypostases en Dieu. Il serait puéril aussi de voir du subordinatianisme dans l’appellation de vicaire de Jcsus-ChrisI, qu’Origène donne au Saint-Esprit. In Luc, homil. xxii, P. G., t. xiii, col. 1857. Origène n’a pas été le seul à l’employer. Nous la trouvons aussi chez Tertullien. De præscr., xxviii, P. L., t. ii, col. 40. Prise dans son véritable sens, elle n’a rien de contraire à la foi catholique. Après la mort de Jésus, le Saint-Esprit continue son œuvre auprès des apôtres. L’appellation de vicarius Clùisti, appliquée au Saint-Esprit, trouve ainsi sa justification dans les textes nombreux du Nouveau Testament, où il est dit que le Saint-Esprit parlera aux apôtres, les guidera dans toute la vérité, leur rappellera les enseignements de Jésus. Joa., xiv, 16, 26 ; XVI, 13. Voir Elconsky, La doctrine d’Origène sur la divinité du Fils de Dieu et du Saint-Esprit et sur leurs relations avec le Père (en russe), Saint-Pétersbourg, 1879, p. 153-158 ; Laforge, Origène : controverses auxquelles sa llicologie a donné lieu, Sens, 1905, p. 80-83.

La conclusion qu’on peut tirer de l’examen de la théologie trinitaire d’Origène est qu’il faut considérer celui-ci comme un témoin remarquable de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit, bien avant que les conciles œcuméniques eussent formulé avec précision l’enseignement traditionnel de l’Église sur la sainte Trinité.

Saint Hippolyte est rangé par Harnack au nombre des anciens Pères qui n’ont pas reconnu la personnalité divine du Saint-Espril. Dogmengeschichte, t. i, p. 537. Cette accusation nous semble injuste. Bien que la personne du Saint-Esprit reste très effacée dans l’œuvre d’HippoU-te, nous y trouvons cependant les éléments nécessaires pour en déduire qu’il croit au Saint-Esprit et qu’il l’associe au Père et au Logos. Voir Dupin, loc. cit., p. 359. « Nous croyons au Père, dit-il dans son traité contre Noët ; nous glorifions le Fils ; nous recevons en nous le Saint-Esprit. » Contra hæresim Noeti, ix, P. G., t. x, col. 317. Le Saint-Esprit, aussi bien que le Verbe, participe à cette puissance (être divin) qui est tout entière dans le Père : âùvafj. tç i-àp (j.ta T) Èy. To-j Tiav-rô ; ’io os Ttâv IlaT/^p, ii o-j S’jvaiJ.iç XÔTo ;. Ibid., xi, col. 817. Nous sommes obligés de croire en Dieu, le Père tout-puissant, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu… et au Saint-Esprit, c’est-à-dire aux trois termes de la sainte Trinité : xa’i tojtojç Eivat o’jTtoç Tp-a. Ibid., viii, col. 815. Ils sont trois termes, mais si on considère leur puissance (être di vin), ils constituent un seul Dieu : xat ôtov jj.kv v.axoc ôjva| ;. ! v, £’; ètti Qe’jç. Quant à leur économie (ce mot, qu’on pourrait traduire avec Tertullien par numerus et dispositio Trinitatis, Adversus Praxeam, iii, P. L., t. ii, col. 180, n’a pas ici le sens d’incarnation, que lui donne Dupin), ce Dieu unique se révèle comme trois : xaià TV’or/.ovo|xJav, Tpi/r, ; v) ntiZzil’. :. Ibid., V’ill, col. 815. Le concours hannonieux de l’économie {œconomia consensionis) consiste en ceci, qu’il y a un seul Dieu, une seule nature divine ; et que, dans cette unique nature divine, le Père commande, le Fils accomplit les ordres du Père, le Saint-Esprit illumine, instruit les fidèles. Ibid., xiv, col. 821. Nous ne pouvons pas concevoir Dieu sans croire en même temps au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., xiv, col. 821. Le Père est super omnia, le Fils per omnia, le Saint-Esprit in omnibus. Ibid., xix, col. 821 ; Ad Eph., iv, 6. Le Père est l’expression de la volonté divine, le Fils de la puissance créatrice, le Saint-Esprit de la manifestation de Dieu dans le monde. Ibid. L’Église du Christ, qui reconnaît donc trois personnes en Dieu, rend gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., xviii, col. 829.

Il n’est point besoin d’insister sur la valeur démonstrative de ces textes. Chez Hippolyte, le parallélisme des trois personnes divines revient plusieurs fois et avec la plus grande netteté. Les textes qui précèdent mettent en évidence qu’il affirme la consubstantialité du Saint-Esprit, participant à l’être et aux attributs divins. Le Saint-Esprit est aussi l’auteur de la régénération surnaturelle des âmes : r^ii.t’.q i^jy/j-im rr, -/ ôià TOJ àyc’oj ll-ivj>.y.-’j : àvjtrévvricr’.v. De Clvisto et Antichristo, III, P. G., t. i, col. 732. Il est la source de l’inspiration prophétique. Il a été donné à l’Église et, par les apôtres, ù ceux qui professent la véritable foi. Philosophoumena, 1, P. G., t. xvi, col. 3020. Il est associé au Christ dont il est la force. De Christo et Antichristo, iv, P. G., t. x, col. 732 ; Lumper, De vita et scriplis S. Hippolijti, P. G., t. x, col. 362. 363.

Un sermon sur l’Epiphanie, àoyo ; sî ; xà ôcyia 6co ?âv£ia, inséré sous le nom d’Hippolyte dans la P. G., renferme un magnifique passage où, à l’aide des textes de l’Écriture sainte, on décrit le rôle et l’action du Saint-Esprit dans l’œuvre de la création et de la rédemption. Comme on a de bonnes raisons pour contester l’authenticité de cette pièce, nous nous abstenons d’en tirer parti, d’autant plus que l’orthodoxie de la doctrine d’Hippolyte sur le Saint-Esprit ressort clairement des textes cités plus haut. Voir d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 30, 31.

Il y a cependant un passage qui, par l’ctrangeté de ses expressions, est de nature à éveiller des soupçons sur la croyance de saint Hippolyte à la personnalité du Saint-Esprit. Voici, en effet, ce que nous lisons dans son traité contre Noët : « Je ne dis pas qu’il y a deux dieux, mais un seul, et deux personnes, et une seule économie, la grâce du Saint-Esprit. Un seul Père, deux personnes, puisqu’il y a le Fils et une troisième chose, le Saint-Esprit, » xiv, P. G., t. x, col. 821. La manière dont Hippolyte s’exprime dut choquer même ses contemporains, car il nous raconte que le pape Callixte (217-222) l’accusait de dithtisme. Philosophoumena, IX, P. G., t. XVI, col. 3383. Le P. de Régnon a essayé de donner à ce texte compromettant une interprétation conforme à la doctrine catholique. Du temps de saint Hippolyte, le mot T.poawr.o^/ signifiait un personnage de théâtre, ou une personne humaine, tandis que le mot TivsCîxa indiquait une chose plutôt qu’un individu humain. Le passage en question doit donc s’entendre comme s’il avait dit dans notre langage actuel : « Des trois personnes divines, deux nous sont représentées par la révélation comme des personnes