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ESPRIT-SAINT

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nature. Saint Justin reconnaît formellement la communauté d’essence entre les trois personnes divines, a Comme le Fils est engendré par le Père, et que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, il est toutnaliTcl de nommer les trois personnes dans l’ordre indi(jiié par saint Justin. Préférerait-on que l’apologiste efit placé le Fils ou Je Saint-Esprit en premier lieu, cl le Père en dernier ? Une pareille terminologie renverserait le langage reçu, et blesserait même le dogme. Les deux processions divines exigent nécessairement qu’on fasse précéder la personne qui procède de celle dont elle procède. » Freppel, Saint Justin, p. 36, ’S. Cf. Kuhn, Kalholische Dogmalik, Tub’mgie, 1857, t. ii, p. 123.

Dans un autre passage, saint Justin revient sur le culte d’adoration et de vénération que ^es chrétiens rendent au Saint-Esprit à l’égal du Père et du Fils : llvî’jiJ.à TS t"o TrpoçviTiy.ôv iT£So|j.îOa zat iTpoiTzuvoO ; j.ev. Apui., I, 6, col. 336, 337. Il rappelle les bienfaits du Saint-Esprit. L’âme est régénérée par les eaux du baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Apol., I, 61, col. 420. Dans la cène eucharistique, on rend gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., 67, col. 422. Il serait donc absurde de soupçonner saint Justin d’attaches au dithéisme.

Cependant, nous le reconnaissons, pour ce qui concerne le Saint-Esprit, quelques textes de saint Justin n’ont pas toute la netteté désirable. Saint Justin admet que Dieu, par son esprit prophétique, a révélé les choses futures, la conception virginale du Christ : oià ToO upoç/|Tixov llv£J[j.aToç. Ibid., 33, col. 381. Mais il afiirme aussi que cet esprit qui a parlé par la bouche des prophètes est le Verbe de Dieu : 6 Àôyo ; Si* Twv TtpoçïlTtôv TzpoziTxùi-i zoL |ji).), ûvra. ibid., 10, col. 461 ; et ce qui est plus fort encore que l’esprit, la force qui émane de Dieu n’est autre que le Verbe de Dieu : Tô TtvEÛjxa oOv xai tT|V &jva[j.r/ To’j ôso’j o-J5èv a), AO vor, (Tai 6é[xti ;, r] tôv Xoyov. Ibid., 33, col. 381. 11 semblerait donc, d’après ces textes, que le Fils et le Saint-Esprit ne seraient en réalité qu’une seule et même personne divine et que, partant, les théories trinitaires de saint Justin ne pourraient échapper au reproche de dithéisme. Schmidt, De quxsiionc nuni antiquissimi scriptores inler iryj xa’i 7rveû|j.a ay.ov aliqiiid fecerunt discriminis, Strasbourg, 1836, p. 10 ; Georgii, Untersuclmng iiber die Lehre von heiligen Geisl bci Jusiin dem Marlyrer, Wurtemberg, 1838 ; Dupin, loc. cit., p. 354-355. Mais nous ne devons pas oublier les textes explicites, où Justin établit formellement la personnalité distincte du Saint-Esprit. Il s’ensuit donc que le passage où il paraît contredire sa profession ouverte de la personnalité du Saint-Esprit est susceptible d’une interprétation catholique. Justin attribue l’inspiration prophétique tantôt au Père, tantôt au Fils et au Saint-Esprit, parce que cette inspiration n’est pas une action hypostatique du Saint-Esprit (les théologiens enseignent qu’elle lui est simplement appropriée), mais une action commune aux trois personnes divines. Kuhn, op. cit., p. 295 ; Otto, De Justini marlyris scriptis et doclrina, léna, 1841, p. 137, 138 ; Feder, Justins des Màrlyrers Lelire von Jésus Christus, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 121. Saint Justin déclare aussi que l’esprit de Dieu est le Verbe. L’expression n’est pas nouvelle. Saint Paul a dit que l’Esprit est le Seigneur. II Cor., iii, 17. Voir J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 490-494. Saint Ignace d’Antioche, saint Clément de Rome, Tertullien emploient la même expression. Feder, p. 120. Le sens du mot esprit, nous l’avons remai-qué, est vague, flottant. Il désigne souTent, dans l’ancienne littérature chrétienne, la nature divine, les dons de Dieu, le Christ en tant que personne divine. Otto, p. 137. On

ne saurait donc, pour un manque de précision dai.s les termes, mettre Justin au nombre des pneumatomaques.

Il est bien vrai que les écrits de saint Justin ne nous fournissent pas assez de détails sur la nature et l’œuvre du Saint-Esprit. Mais il était loin de la pensée du saint d’éclaircir la doctrine trinitaire. Son but était avant tout pratique. Il voulait seulement résoudre les objections des pa’i’ens contre le christianisme et amener ses adversaires à une connaissance plus exacte de la doctrine du Christ. C’est ce qui le fait insister de préférence sur les vérités de la religion naturelle, tandis qu’à l’égard des vérités de la religion chrétienne, il s’en tient à la tradition de l’Église et mentionne, sans les approfondir, les mystères chrétiens. Sa méthode a été généralement suivie par les autres apologistes. Feder, j). 123 : Heinrich, t. IV, p. 268-272 ; Thomassin, De S. Trinitate, c. XLit, Dogmata theologica, Paris, 1868, t. v, p. 581-585 ; Bardenhewer, Geschichle der allkircldiclien Lilteraïur, t. I, p. 235.

b) La Legatio pro christianis d’Athénagorc renferme aussi les alTirmations les plus explicites de la foi de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit. De même que saint Justin, Athénagore repousse l’accusation d’athéisme portée contre les chrétiens par lespaïens et s’écrie : ’. Qui ne sera pas étonné qu’on nous fasse passer pour athées, nous qui reconnaissons Dieu le Père, Dieu le Fils et le Saint-Esprit, nous qui voj’ons leur puissance dans l’union, et leur distinction dans l’ordre. >. 10, P. G., t. vi, col. 909. « On ne saurait rien désirer de plus explicite, remarcjue Mgr Freppel, que cette profession de foi, dont il serait difhcile de dépasser la rigueur. > Les apologistes chrétiens au ir siècle, Paris, 1870, p. 153..thénagore y enseigne expressément la communauté de l’être divin entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit et la distinction réelle de celui-ci des deux autres personnesdivines. Dans un autre passage, non moins explicite, il affirme que la vie future consiste à connaître Dieu et son Verbe, à savoir ce que c’est que l’Esprit, et quelle est la nature de l’union du Saint-Esprit avec le Père et le Fils, et en quoi difïèrent les trois personnes divines. 12, col. 913. Athénagore admet donc que le Saint-Esprit est uni au Père et avi Fils, ce qui ne peut s’entendre que de la participation à l’unique et indivisible être divin ; il admet aussi qu’il est distinct du Père et du Fils, ce qui ne peut se rapporter qu’à la distinction hypostatique.

La clarté de ces aflirmations dissipe les doutes que pourraient çoulever quelques passages du même apologiste, où il déclare que le Saint-Esprit, qui agit dans les hommes inspirés, est une émanation de Dieu, , qu’il découle de lui et retourne à lui par réflexion, comme le rayon du soleil, 10, col. 909 ; que le Fils est dans le Père, et le Père dans le Fils, par l’unité et la vertu de l’esprit. Ibid. Les difiicultes qu’on pourrait tirer de ces textes ne sauraient prévaloir contre les autres textes formels, où, à côté du Père et du Fils, Athénagore nomme le Saint-Esprit comme troisième personne divine. Tixeront, op. cit., p. 239. Dans la théologie d’Athénagorc, le Saint-Esprit n’est pas présenté comme une force qui émane de Dieu et retourne à Dieu. Athénagore dit expressément que le christianisme croit en Dieu le Père, dans le Fils de Dieu, le Verbe divin, et dans le Saint-Esprit, et que ces trois personnes divines sont unies selon la puissance, c’est-à-dire selon l’être divin auquel on attribue aussi l’épithète d’esprit. 10, col. 909. La pensée, verbe ou sagesse, dérive du Père, aussi bien que le Saint-Esprit, qui procède du Père connue la lumière jaillit de la flamme. 24, col. 915. On pourrait, à la rigueur, ergoter sur les expressions et les images dont