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distinctement, c’est que l’Ancien Testament tout entier n’était qu’une préparation, une annonce de la mission et de la manifestation du Fils dans l’incarnation ; la personne du Saint-Esprit, au contraire, se montre moins visiblement, parce que sa mission et sa manifestation supposent celle du Fils, et que leur annonce devait naturellement être proclamée par le Fils de Dieu incarné. » Op. cit., t. ii, p. 533.

c) Il y a des exégètes protestants, et même catholiques, qui déclarent que l’Ancien Testament ne fournit pas de preuves directes, d’indications précises et détaillées sur le Saint-Esprit ; voire même qu’on n’y découvre pas la moindre trace de sa personnalité, que tout ce qui y est dit de l’esprit de Dieu, doit s’entendre de Dieu lui-même ; que l’esprit de Dieu n’est pas une personne distincte, subsistant dans l’essence divine, mais l’être immatériel et invisible de Dieu, son énergie vitale, son action sur les hommes pris individuellement ou socialement. Schenkel, Bibel-Lexicon, t. ii, p. 218 ; Hastings, A dictionary of the Bible, Edimbourg, 1899, t. ii, p. 403 ; Driver, The book of Genesis, Londres, 1904, p. 4 ; Dictionnaire de la Bible, Paris, 1899, t. ii, col. 1967. Mais il y a aussi d’autres exégètes, qui croient découvrir dans l’Ancien Testament de nombreux témoignages explicites et de nombreuses preuves directes de la personnalité et de la divinité du Saint-Esprit. Mac Ilhany arrive jusqu’à soutenir que 81 textes de l’Ancien Testament, où il est question de l’Esprit de Dieu, se rapportent directement au Saint-Esprit : tous les autres indirectement : la révélation de l’Ancien Testament au sujet du Saint-Esprit ne serait donc pas moins affirmative que celle du Nouveau. Revue biblique, t. xi (1902), p. 301. On peut tenir un juste milieu entre ces deux opinions divergentes. Il est hors de doute que les textes de l’Ancien Testament, même ceux que les théologiens citent de préférence, peuvent s’entendre d’une vertu, d’une force divine, ne déterminent pas d’une manière absolue la subsistance du Saint-Esprit. Bien plus, du temps de saint Grégoire de Nazianze, les ennemis du Saint-Esprit déclaraient qu’on ne parlait pas de lui dans la révélation. Or., xxxi, P. G., t. xxxvi, col. 133. Il ne faut pas oublier, toutefois, que les textes de l’Ancien Testament peuvent être interprétés à la lumière du Nouveau et de la doctrine de l’Église, et ils l’ont été ainsi par les Pères ; leur obscurité n’oblige donc pas à souscrire aux conclusions des exégètes rationalistes, qui écartent le Saint-Esprit du contenu de l’ancienne révélation.

Ces trois remarques posées, nous disons que l’Ancien Testament renferme des linéaments des trois affirmations de la foi catholique au sujet du Saint-Esprit :
a) il y a en Dieu une troisième personne ;
b) cette personne a la nature divine ;
c) elle est distincte du Père et du Fils.

2. Il y a en Dieu une troisième personne.

On parle souvent dans l’Ancien Testament de l’Esprit de Dieu, de l' Esprit du Seigneur, de l'Esprit-Saint. Cet esprit est parfois mentionné avec Dieu. « Le Seigneur Jéhovah m’envoie avec son esprit. » Is., xlviii, 16. Dans ces paroles qui, au sens mystique, d’après les Pères, sont prononcées par le Messie, l’Esprit de Dieu indique une personne ayant la nature divine, et ne pouvant pas, cependant, se confondre avec le Seigneur Jéhovah. Heinrich, Dogmalische Théologie, Mayence, 1885, t. iv, p. 122-124. Mais le texte hébreu s’entend seulement de l’esprit prophétique communiqué par Dieu. J. Knabenbauer, Commentarius in Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. ii, p. 223-225. A. Condamin, Le livre d’Isaïe, Paris, 1905, p. 293-294, l’entend même de Cyrus, envoyé par Dieu avec son ardeur guerrière.

Les Pères donnent une règle pour discerner dans l’Ancien Testament quand le mot « esprit » désigne le Saint-Esprit, ou quand il se rapporte à des créatures ou à des forces naturelles et surnaturelles. Lorsqu’il est précédé de l’article, ou encore lorsqu’il est déterminé (esprit de Dieu, du Père, du Christ, esprit saint), il convient au Saint-Esprit. “Ὅλως ἄνευ τοῦ ἄρθρου, ἡ τῆς προειρημένης προσθήκης, οὐχ ἄν εἴη σημαινόμενον τῷ πνεῦμα τὸ ἅγιον. Cf. S. Athanase, Epist., i, ad Serapionem, n. 4, P. G., t. xxvi, col. 537 ; Didyme d’Alexandrie, De Spiritu Sancto, n. 3, P. G., t. xxxix, col. 1035.

3. La personne du Saint-Esprit dans l’Ancien Testament peut être considérée comme une personne divine.

La divinité du Saint-Esprit, dit saint Athanase, nous est prouvée par le témoignage des deux Testaments. Epist., 1, ad Scrapionem, n. 7, P. G., t. xxvi, col. 548. Les Pères de l’Église, soucieux de montrer la continuité de la révélation chrétienne, de surprendre, dans l’Ancien Testament, l’affirmation timide des vérités déclarées et énoncées clairement dans le Nouveau, ont, de bonne heure, recueilli les textes qui, dans l’ancienne loi, semblent se rapporter au Saint-Esprit. Un recueil de ces textes a été inséré par saint Athanase dans la première Épître à Sérapion, n. 5, P. G., t. XXVI, col. 537-541. D’après la théologie chrétienne, l’Ancien Testament professe la foi en la divinité du Saint-Esprit pour les raisons suivantes :

a) parce qu’il échange le nom de Jéhovah avec celui du Saint-Esprit ; dans les mêmes circonstances, il attribue au second la même action qu’il avait attribuée auparavant au premier. « L’esprit de Jéhovah a parlé par moi, et sa parole est sur mes lèvres : le Dieu d’Israël a parlé. » II Sam., xxiii, 2, 3. Quelquefois c’est Jéhovah qui parle par la bouche des prophètes, Num., xii, 6 ; Ps. Lxxxv, 9 ; Is., i, 2, 10 ; c’est encore l’esprit de Jéhovah qui est sur les prophètes, Is., lxi, 1, qui est l’auteur de leurs visions, Ezech., xi, 24, et la source de leur science surnaturelle. Dan., iv, 6. C’est Jéhovah qui conduit Israël à travers le désert, Deut., xxxii, 12, qui le guide dans le pays aride et crevassé, dans le pays desséché, où règne l’ombre de la mort, où nul homme ne passe et personne n’habite, Jer., ii, 6 ; mais c’est aussi l’Esprit-Saint qui a fendu les eaux de la mer Rouge, qui a fait marcher le peuple d’Israël à travers les abîmes et l’a conduit au repos. Is., Lxiii, 10-14. Les Israélites tentèrent Dieu dans le désert, en demandant de la nourriture suivant leur convoitise, et parlèrent contre Dieu, Ps. lxxviii, 17-18 ; mais leur révolte attrista aussi l’Esprit-Saint. Is., Lxiii, 10. L’Esprit de Jéhovah, au même titre que Jéhovah, est l’inspirateur de la conduite des juges d’Israël. Jud., iii, 10 ; xi, 29 ; xni, 24, 25. Puisque donc Dieu le Seigneur et l’Esprit du Seigneur accomplissent les mêmes actions d’ordre surnaturel, la nature divine de Jéhovah appartient aussi à l’Esprit de Jéhovah. Klee, Katholische Dogmatik, Mayence, 1844, t. i, p. 171-172.

b) L’acte de la création n’est que la manifestation d’une puissance divine. Or, l’acte de la création est attribué au Saint-Esprit aussi bien qu’au Père. Donc, le Saint-Esprit révèle dans le monde sa puissance divine, c’est-à-dire sa nature divine. Pour prouver l’action créatrice du Saint-Esprit, on a invoqué tout d’abord le texte de la Genèse : L’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux, i, 2, qui, d’après saint Augustin, désigne la puissance créatrice de Dieu. Cf. Ps. XXXII, 6 ; Witasse, Tractatus de sancta Trinitate, dans Theologiæ cursus complelus de Migne, t. VIII, col. 500-504. C’est l’Esprit de Dieu qui crée les hommes et leur donne la vie. Job, xxxiii, 4 ; Heinrich, t. IV, p. 119. Et non seulement il a créé les cieux et les astres, Ps. xxxiii, 6, mais il est la source de la vie. Sans lui, toute chair expirerait à l’instant, et l’homme retournerait en poussière. Job, xxxiv, 14, 15.