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ESPERANCE

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regarde la personne en qui l’on espère ; le second, qui suit, regarde l’objet espéré. Loc. cit., q. iv, p. 577. Examinons maintenant le second, exspedarc. Si cet acte n’est pas purement intellectuel, que peut-il être qu’un amour, qu’un désir ? C’est ce qu’avoue en définitive le saint docteur, lorsqu’il est pressé par un adversaire qui voudrait faire de cet exspeclare un acte purement intellectuel : « Cette attente, lui répond-il, même dans l’immobilité du corps, est une sollicitude de l’âme : celui qu.i attend désire l’arrivée de la personne qu’il aime. Dans la définition de l’espérance (par le.Maître des Sentences), il s’agit d’une attente non pas corporelle, mais mentale, laquelle est une aspiration, une tension vers la fin à atteindre, » qiiœdam inhialio et proti^nsio respecta finis asseqneiuli. Loc. cit., dub. II, circa litlcram Magislri, p. 583. Ainsi le preniier système, sous la forme spéciale que lui donne saint Bonaventure, ne peut éviter ledésir, et finit par le mettre dans le dernier acte qui, d’après le Maître des Sentences, est la définition même de l’espérance.

c) Ce qui est commun à tous les partisans du système, c’est de faire du désir un simple préliminaire de l’espérance chrétienne. Considérons cet acte qu’on relègue ainsi dans le vestibule de l’espérance, et demandons-nous à quelle vertu il appartiendra. Ce désir de Dieu, renfermant un amour de Dieu, n’est-il pas l’acte surnaturel d’une vertu théologale, puisqu’il a pour objet la possession surnaturelle de Dieu, la (in surnaturelle, et qu’il atteint immédiatement Dieu présente par la foi ? Si cet acte ne procède pas de la vertu infuse d’espérance, il faudra donc qu’il procède de la vertu infuse de charité ; il n’y a pas de quatrième vertu théologale ; ainsi raisonne Suarez, r>e spe, dist. I, sect. iii, n. 1 l, Opcra, Paris, 1858, t. xii, p. G07. F.l c’est bien à la charité ((ue saint Bonaventureratlribue ; à la charité, selon lui, appartient tout amour de Dieu ; aussi bien l’amour de convoitise hase de l’espérance, que l’amour d’amitié. Voir Cha-RiTi ; , t. II, col. 2222. Parmi les thomistes, Billuart attribue aussi à la charité cet amour et ce désir de Dieu. C’est faire de la charité un préliminaire nécessaire de l’espérance ; et comme on peut lui objecter cjne le pécheur, qui doit faire un acte surn.turel d’espérance, n’a pas la vertu infuse de charité, Billuart répond que cette vertu est alors remplacée jiar une grâce actuelle pour produire le même amour. De spe, a. 2, sec !, ii, t. iii, p. 151.

Mais ces explications ont uii grave danger : celui d’enlever aux pécheurs, mémo repentants, tant qu’ils ne s’élèvent pas h l’acte de charité, tant qu’ils n’ont que l’attrition qui leur est plus facile -- de leur enlever, dis-je, loJite possibilité de faire un acte d’espéxance. Et pourtant l’espérance leur est recnnnnandée, elle est même exigée avec l’attrition par le concile rie Trente. Voir plus haut, col. 608. UA l’Iilglisc a condamné celle proposition (.’17*’) de Qucsnel : « Où il n’y a pas amour de Dieu, il n’y a pas espérance en Dieu. » .le l’avoue, tandis que le janséniste Qucsnel par t amour de Dieu » entend exclusivement la charité parfaite, , saint Bonaventure prend soin de nous avertir que cet amour de charité, qu’il « "xige de tous comme base de l’espérance, n’est pas nécessairement la charité parfaite, et que dans le pécheur c’est un amour imparfait, avec lequel l’état du pécheur est compatible. In IV Sent., 1. IJI, dist. XXVI, a. 2, q. III, ad 2’"", ’.'"", Quaracchi.n. 571. Mais cette néces saire impcrfeclirn de la charité, toutes les fois que dans le pécheur elle est censée précéder l’espérance, est admise ici pour le besoin de la cause. D’ailleurs, l’acte de charité, parfait ou non, reste dans ce système un préambule de l’espérance, aussi nécessaire que l’acte de foi : pourquoi donc alors le concile de’l’rcnle, < ?numérant dans leur ordre les dispositions du pécheur

la justification, ne signale-t il pas, après la foi, un

acte de charité avant l’espérance. Sess. VI> c. vi, Denzinger, n. 798 (G80) ? Enfin, faire entrer l’amour de concupiscence dans la charité, c’est aflaiblir le caractère désintéressé de cette vertu, si générr.Iemeiit admis comme trait caractéristique. Voir col. 623 sq. Aussi Bolgeni, qui va jusqu’à réduire la charité à un amour intéressé, se montra-t-il partisan du 1^ système sur le motif de l’espérance. Delta carità, Rome, 1788, t. I, p. 135. Sur la réfutation de Bolgeni, voir Ciixkitl :, col. 2220. Quant à Billuart, ce n’est pas la seule tendance ver » les doclrines jansénistes qu’on poiiirait relever dans ses écrits.

Les autres théologiens thomistes ont fort bien vu ce danger ; et pour l’éviter, ils enlèvent à la charité, aussi bien qu’à l’espérance, ce désir de Dieu, béatitude surnaturelle, dans le cas du pécheur. Mais alors il faut qu’ils nient arbitrairement le caractère théologal de. cul acte ; de plus ils sont très embarrassés pour assigner la vertu morale à laquelle il appartiendrait. « A cette difiiculté (de Suarez), dit Jean de Saint-Thomas, il est étonnant de voir combien de diverses manières de répondre sont mises en circulation. » Cursus theologicus, Paris, t. vii, p. 333. La seule qui le satisfasse, c’est de rattacher ce désir de la possession de Dieu au plus credulitatis affcctus qui est le commencement de la foi ; mais quelle raison solide de confondre ces deux actes en une même vertu ? Les Salmanticenses commencent par nier qu’il faille une vertu infuse pour produire le désir en question, parce qu’il n’a rien de difficile : comme s’il n’était pas difiicile à l’homme de tendre librement à la béatitude surnaturelle plutôt qu’à tous les faux bonheurs qui, si facilement, le séduisent ! Et d’ailleurs la difficulté n’est pas la seule raison de l’infusion des vertus. Les mêmes théologiens de Salamanque nous concèdent ensuite que ce désir de Dieu pourrait être un acte secondaire de la vertu d’espérance. Puio ils se ravisent, et donnent comme meilleure la solution de Jean de Saint-Thomas. Enfin, sentant le faible de cette solution, ils recourent, pour produire cet acte, à un habitas imperfcctas qui ne serait pas une vertu, et qui serait accolé à la vertu d’espérance : « Les théologiens, disent-ils, n’en ont jamais parlé, c’est vrai : mais ils ne l’ont pas nié non plus, et on ne voit pas de preuve que la chose soit impossible. » Cursus theol., Paris, t. xi, p. 468. Ne serait-il pas plus simple de ne pas laisser ce désir de Dieu à la porte de l’espérance, et de l’y faire entrer ?

II° Système. Motif d’espérance : Dieu considéré comme notre bien et comme puissance auxiliatrice

Exposé et preuves. —

Ce système a une partie commune avec le précédent, Dieu comme puissance auxilialrice. Il en diffère, en ce qu’il restitue à l’espérance l’amour ou désir, que le précédent en voulait détacher comme une simple condition préalable : ainsi l’espérance redevient avant tout un amour de Dieu, un désir de la possession de Dieu. — Preuves (le ce système. Pour la partie commune avec le précédent, voir le côté positif de celui-ci, col. 633. Pour la partie opposée, les preuves du second sont contenues dans la critique que nous avons donnée du premier.

En somme, le second système garde ce que le premier a de positif, et laisse ce ce qu’il a d’exclusif. Le résultat est un acte d’espérance plus complexe, auquel répond nécessairement aussi un molif plus complexe.. l’amour de concupiscence, s’èlançant sous forme de désir vers la béatitude surnaturelle, répondra comme motif Dieu en tant que notre bien, bonus nobis, ce qu’on appelle souvent la bonté de Dieu relative à nous. A la confiance, ou, si l’on veut, à Vererlio animi et à la fiduria, répondra la puissance auNiliatricc de Dieu, qui est déjà par clIc-méme un